Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Demain à Jérusalem

Par Archiprêtre Alexandre Winogradsky*
1 mai 2011
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Jérusalem brasse une grande diversité de peuples et de jeunes, sans qu’ils se côtoient toujours. Tous ces jeunes gens et jeunes filles, quelles que soient leurs traditions, constituent le futur d’une ville qui n’a pas fini d’être bigarrée.


« Si je t’oublie Jérusalem… ! » (Psaume 137,5). Le verset du psaume est inscrit dans la mémoire de tant d’êtres vivants qui ont sillonné cette Terre Sainte, terre de transit entre la Mer Méditerranée, l’Égypte immortelle du Nil et l’Éthiopie africaine. Terre de passage pour les nomades et bédouins dans la péninsule charismatique du Sinaï et ces quelques espaces qui mènent au Liban, à la Syrie, la Jordanie, l’Arabie et la Mésopotamie, berceau de notre civilisation. Nous cumulons les âges dans la région. À qui est ou serait le plus « paléo », le plus « archéo », ce qui, en grec, signifierait une concurrence à être le premier.

Ici, sur cette terre faite de microclimats (il pleut sur le trottoir de gauche mais pas sur celui de droite), sédimentations, cultures se superposent dans un ordre quasi historique ; dans la pratique il y a une sorte de jalousie concurrentielle à l’ancienneté géographique et résidentielle. Cette année, on a ainsi fêté les 10 0 ans de Bethléem… En terme de l’histoire du Salut, le Roi David y fut bien plus récent et Jésus Christ y naquit voici « seulement » un peu plus de deux mille ans.

Cette terre appelle à considérer le temps. Le temps qui passe, tout simplement. Souvent, en fin de journée, je regarde passer ces foules bigarrées, disparates, contemporaines et pourtant unifiant les siècles… Les Juifs hassidiques appellent cela un « regard d’éternité » car on pressent, au-delà des individus qui viennent et passent, un flux multi-séculaire, précisément singulier en ce que chacun est à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Tiens ! Aujourd’hui, on prend en photo, on filme, on fait de la vidéo. L’être passe : son reflet et le son de sa voix restent… On n’a pas retrouvé le DVD des chants dans le Temple, ni de la première Eucharistie à la Chambre Haute. Les touristes ou pèlerins se hâtent vers des monuments de pierres plus ou moins authentifiées ? Le visiteur pourra, à l’occasion de conférences, de repas pris dans des restaurants ou chez des « locaux » rencontrer de manière furtive la population, oserait-on dire « les natifs ou indigènes » ?

Il faut absolument découvrir la jeunesse ! On parle peu des jeunes ici. À l’étranger, c’’est à eux que les Églises souhaitent s’adresser en premier. Ici, Il faut demander à rencontrer des jeunes arabes et juifs, israéliens ou palestiniens, voire druzes ou tsiganes. La distinction est plus subtile. Les Syriens orthodoxes ont acquis un statut en Israël de « achourim/assyriens ». Jusqu’aujourd’hui leur taux de délinquance est resté extrêmement bas.

Les jeunes juifs et arabes ont une certaine fraîcheur, pour ne pas dire « naïveté ». Ils savent être des renards ou des serpents, garçons et filles. À 14 heures, c’est la sortie des écoles. C’est le même processus chez les uns comme chez les autres, les mêmes jeux, les mêmes uniformes issus de traditions britanniques ou d’Europe centrale. Une jeunesse nombreuse qui se regarde sans trop se parler ou presqu’en clandestinité.

Ils sont tous sur l’internet qui, de manière parfois anonyme, rassemble des cœurs tendres à jeans à fleurs et hijabs dernier cri, des acteurs de la vie économique, des étudiant(e)s. À Jérusalem, cette jeunesse est en tout confrontée au dépassement de l’esprit de ghetto ou du repli identitaire. Ici, le monde chrétien s’alimente, entre autre, à la venue de jeunes femmes de pays de l’Est, tout comme elles assurent le renouveau inespéré de la communauté samaritaine du Mont Garizim.

Il y a des lieux de rencontres entre jeunes juifs et arabes pour partager du houmous. Il est frappant de voir que, par l’école, l’armée ou la famille selon les communautés, les mondes cessent d’être opaques sans pour autant trop se rapprocher et sûrement pas de manière définitive. La Galilée est plus ouverte sur le contact inter-ethnique. Il y a là un vrai défi à relever pour l’action des Églises.

Les Juifs hassidiques ont toujours été en contact avec les milieux palestiniens; bédouins et tsiganes ont eu des jeunesses parfois très dures, mais il y a maintenant deux avocates, bédouine et tsigane, à Jérusalem et Beershéva. Une victoire acquise sur la mise à jour des traditions familiales et le soutien du corps enseignant.

Plaçons la barre à 7 0 ans comme pour Jéricho ou Mégiddo ! Il s’en est passé des choses, des haines, des passages, des rencontres inespérées. La généalogie du Christ en saint Matthieu en donne une idée à creuser sur le terrain.

Il faut toucher les vieilles pierres, voire en gratter pour repartir avec un souvenir paléo. Il faut aussi essayer de découvrir la beauté d’une jeunesse qui avance avec sans doute au fond d’elle-même une profonde mémoire que le temps est très jeune et très long à la fois.

 

* Patriarcat Grec-Orthodoxe de Jérusalem

 

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