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Il n’existe pas de forme pire qu’une dictature religieuse

Andrea Krogmann
23 août 2012
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Il n’existe pas de forme pire qu’une dictature religieuse
Père Halim Noujeim répond aux questions d'Andréa Krogmann pour Apic/© Toufic Bou Merhi

Pour le Père Halim Noujeim, supérieur des Franciscains de la région, l'aggravation du conflit en Syrie a des conséquences dramatiques pour les populations chrétiennes. Le responsable des Franciscains pour la Syrie, la Jordanie et le Liban fait état de persécutions contre les chrétiens par certains des rebelles armés. Il craint des conséquences pour toute la région en cas de chute du gouvernement de Damas. Remplacer une dictature politique par une dictature religieuse serait la pire des choses prévient-il.


(Harissa Liban – 18 août 2012/AK)

Vous rentrez de Syrie. Quelle est actuellement la situation sur place ?
Dans certaines régions comme la vieille ville de Damas, la situation est relativement normale. Mais on entend nuit et jour le bruit des combats entre l’armée et les rebelles armés, des bombes et des hélicoptères.

Cela signifie-t-il que les populations peuvent mener une vie plus ou moins normale ?
Non. Beaucoup de gens ont perdu leur travail ou ont dû quitter leur maison, en particulier nombre de chrétiens. Rien qu’à Homs et à Hama, 200000 chrétiens ont fui vers d´autres régions chrétiennes de Syrie ou au Liban. Le nombre des réfugiés de l’intérieur est particulièrement élevé. Ces gens ont besoin d’un soutien urgent, car ils ont tout perdu. Il manque des soins médicaux, de la nourriture de bébés… Les conditions de circulation entre les villes sont très mauvaises. Là où les biens de première nécessité sont encore disponibles, les prix ont parfois plus que quadruplé. Une bouteille de gaz coûte plus de 2000 livres syriennes (25 euros), auparavant elle en valait 500 (6,25 euros). Les franciscains tentent d’aider là où ils peuvent, entre autres grâce au soutien financier de l’étranger.

Dans quelle mesure les chrétiens sont-ils spécialement touchés par le conflit ?
Il arrive des persécutions des chrétiens par les opposants armés. À Hama par exemple, des chrétiens ont été chassés de leurs maisons. Une église a été occupée par des rebelles armés. L’avenir est très incertain.

Qui est responsable de la violence ?
Les deux côtés. Mais il n´y a pas d’unité parmi les opposants au régime. Il n´y a ni contrôle, ni loi. Le danger avec la chute du gouvernement est l’arrivée d’encore plus de violence et l´installation d’une dictature. Dans d’autres pays arabes, nous avons vu qu’une dictature politique a été remplacée par une dictature religieuse. Il n’existe pas de forme pire qu’une dictature religieuse, en particulier pour les minorités chrétiennes qui vivent au sein d’une société à majorité musulmane.
Les Occidentaux sont majoritairement du côté de l´opposition. Ils ne réalisent pas la situation dans laquelle les chrétiens vivent ici. Cela ne signifie pas que nous sommes pour ou contre le gouvernement. Nous sommes contre toute forme de dictature et de violence mais nous sommes très préoccupés par l´avenir, car nous ne voyons pas de meilleure alternative.

Toujours plus de réfugiés syriens arrivent au Liban. La situation est tendue. Craignez-vous une extension des violences au Liban ?
Le Liban n’est pas hors de ce conflit car la Syrie est très proche. C’est notre seul lien avec le monde arabe. La situation en Syrie a une grande influence sur les Libanais. Le peuple libanais est divisé. Dans le même temps, le gouvernement libanais tente de conserver sa neutralité. Si la Syrie devait se décider contre son gouvernement, cela apporterait beaucoup de troubles aussi au Liban.

Interview donnée à Andrea Krogmann, correspondante de l’Agence de presse internationale catholique (Apic), à Harrissa au Liban. Traduction de l’allemand Maurice Page.