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Les évêques du Moyen Orient se prononcent contre l’intervention militaire occidentale en Syrie

Edward Pentin
3 septembre 2013
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Les évêques du Moyen Orient se prononcent contre l’intervention militaire occidentale en Syrie
Ajouter la guerre à la guerre n'est pas une option

Les évêques catholiques en Syrie et au Moyen-Orient ont été très critique cette semaine sur l’approche qu’a l’Occident de la  Syrie, en particulier sur la perspective d'une intervention militaire après l'attaque aux armes chimiques. Selon le jésuite et érudit de l'Islam, le père Samir Khalil Samir, les deux parties en conflit ont besoin de trouver un compromis.


(Rome) – La semaine dernière, les évêques catholiques de Syrie et du Moyen Orient ont été très critiques quant à l’approche occidentale sur la Syrie, en particulier au sujet de l’intervention militaire envisagée en réponse aux récentes attaques chimiques de Damas.

Dans une interview accordée lundi à Terrasanta.net, le Patriarche Catholique Syrien Youssef III Younan a déclaré que les Chrétiens syriens « ont été trahis et vendus par l’Occident », et qu’ils ne se faisaient « plus aucune illusion sur la politique cynique et machiavélique » des nations occidentales, des États du Golfe et de la Turquie. « Depuis deux ans et demi, ils ont armé les rebelles, pour ensuite se rendre compte qu’il ne peut y avoir de solution militaire à la crise », ajoute-t-il.

S’exprimant mardi sur Radio Vatican, l’évêque Antoine Audo d’Alep a averti que l’intervention occidentale pourrait conduire à une « guerre mondiale », mais il a dit qu’il espérait que chacune des parties tiendra compte de l’appel du Pape François au dialogue.

« Si l’on choisit l’intervention militaire, je crois que cela débouchera sur une guerre mondiale. Ce risque est de retour », dit-il. « Nous espérons que l’appel du Pape, aux parties en conflit, à trouver une solution par un véritable dialogue, puisse être une première étape pour mettre fin aux combats ». 

Dans un commentaire à Aide à l’Église en détresse, Grégoire III, Patriarche de l’Église Grecque Catholique Melkite d’Antioche, a déclaré mercredi que toute intervention occidentale serait un « désastre » ; il a également critiqué la politique des États Unis pour la Syrie. « On ne peut pas accuser le gouvernement un jour, puis l’opposition un autre jour. C’est ainsi qu’on alimente la violence et la haine» dit-il. « Les Américains ont alimenté cette situation pendant deux ans ».

Samedi, à Radio Vatican, le Patriarche Maronite et Cardinal Bechara Raï, a dit croire qu’il y a « un plan visant à détruire le Monde Arabe pour des intérêts politiques et économiques », et qu’il se réalise en exacerbant « autant que possible les conflits interconfessionnels entre Musulmans sunnites et chiites ».

Il a également souligné que les minorités chrétiennes de la région sont sans cesse attaquées, et prises pour cibles à chaque fois qu’un conflit éclate au Moyen Orient, bien qu’elles ne demandent que la sécurité, la stabilité et le respect des institutions. « Grâce à notre présence à nous, chrétiens, et à notre vie quotidienne dans les pays arabes, nous avons créé une certaine modération dans le monde musulman », ajoute-t-il.

Faisant écho à ses frères évêques, le Patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, interrogé par l’Agence Fides, a également déclaré que toute intervention serait un « désastre » et serait « comme un volcan en éruption dont les explosions détruiraient l’Irak, le Liban et la Palestine », et que peut être « quelqu’un veut cela ».

Comme beaucoup de Chrétiens dans la région, il craint que l’intervention militaire occidentale ne transforme la Syrie en un deuxième Irak. «Dix ans après la soi-disant ‘coalition des volontaires’, qui a renversé Saddam, notre pays est toujours frappé par les bombes et l’insécurité, par l’instabilité économique », ajoute le Patriarche Sako.

Pendant ce temps, le journal du Vatican L’Osservatore Romano a critiqué les puissances occidentales dans un éditorial, disant que le « roulement de tambour d’une intervention armée par les puissances occidentales devient de plus en plus insistant et de moins en moins retenu par la prudence. »

Jésuite érudit de l’Islam, Fr. Samir Khalil Samir a dit que toutes les parties en conflit doivent trouver un compromis, et qu’aucune ne doit être perçue comme « vainqueur » si la paix est atteinte. Fr. Sami, a déclaré à Terrasanta.net que ceux qui peuvent décider d’une solution sont les Syriens eux-mêmes, mais qu’ils ne peuvent y arriver sans l’aide de la communauté internationale.

L’objectif de chaque partie est « d’arriver à une décision commune, respectant les positions de chacun – pour trouver un compromis honnête entre les deux camps », dit-il. « Si l’une des partie est vainqueur, tant Assad que l’opposition, nous irons droit à la guerre mondiale, ou nous verrons cette guerre se prolonger ».

Fr. Samir a également souligné qu’ « aucune condition » ne doit être posée quant aux représentants des deux camps. « Chaque partie doit décider pour elle-même. Personne ne peut exclure Assad, par exemple, ou qui que ce soit d’autre ».

Interrogé sur l’intervention que les États Unis et leurs alliés pourraient lancer contre la Syrie en prévention de future utilisation d’armes chimiques, Fr. Samir a déclaré qu’il était difficile de savoir quel camp viser, et quelles en seraient les conséquences.

L’attaque pourrait avoir été lancée « par chacune des parties ». Il ajoute : « Personnellement, je ne voudrais pas avoir à décider d’un point aussi important sans preuve ». « Nous avons vu ce qui s’est passé en Irak il y a dix ans, et ceux qui paieront le prix ne sont pas les Occidentaux mais les Syriens ».

« Comment peut on être sûr que cette intervention donnerait de meilleurs résultats ? Il ne s’agit pas d’un jeu où l’on peut gagner ou perdre, mais d’une question de vie ou de mort pour des dizaines de milliers d Syriens », a-t-il déclaré.

Fr. Samir et d’autres ont montré comment des puissances extérieures, principalement des États à majorité sunnite, ont rapidement transformé des manifestations pro-démocratiques en guerre civile. Selon Fr. Samir, l’opposition Syrienne interne est de plus en plus préoccupée, parce qu’elle ne veut « rien n’avoir à faire avec le terrorisme ».

Le conflit, déjà installé entre les branches chiites et sunnites, est également imputé à une montée de l’intégrisme islamique, qui, comme le souligne Fr. Samir, ne cesse de se répandre depuis ces cinquante dernières années.

Le Custode de Terre Sainte, Fr. Pierbattista Pizzaballa, a déclaré samedi sur Radio Vatican qu’il voyait « une sorte d’instrumentalisation ou manipulation des religions » dans la région, mais a également souligné la « grande coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses ».

Le Custode a confirmé que les mots et l’exemple du Pape François, en faveur de la paix et de la concorde parmi les peuples de toutes les religions, ont été bien reçus. Il ajoute : « Nous devons entretenir, en suivant son exemple, la coexistence pacifique, et souligner la nécessité d’un dialogue entre nous tous ».

Samedi, la Pape François a appelé à la paix en Syrie, disant que « ce n’est pas la confrontation qui permet de résoudre les problèmes, mais plutôt la rencontre et le dialogue».

Aujourd’hui, lors d’une rencontre entre le Pape et le Roi Abdallah II de Jordanie, la priorité fut donnée à « la promotion de la paix et de la stabilité pour le Moyen Orient ».

« Une attention particulière a été accordée à la situation tragique dans laquelle se trouve la Syrie », d’après une déclaration du Vatican. « À cet égard, il a été réaffirmé que la voie du dialogue et de la négociation entre toutes les composantes de la société syrienne, avec le soutien de la communauté internationale, reste l’unique option pour mettre fin au conflit et à la violence qui provoque chaque jour la perte de nombreuses vies, en particulier parmi les populations civiles sans défense ».