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Le rap arabe

Naman Tarcha
3 février 2014
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Le rap arabe
Le groupe palestinien Dam, formé en 1999

Vous avez bien lu : il s’agit de rap. De rap en arabe. Une véritable révolution musicale, qui se propage parmi les jeunes générations du monde arabe divisées entre chaos et incertitude, dans le sillage des changements politiques, des conflits et des guerres. Les jeunes choisissent une langue commune, mais complètement étrangère à la société arabe, qui les regarde avec suspicion et étonnement.


(Milan) – Vous avez bien lu : il s’agit de rap. De rap en arabe. Une véritable révolution musicale, qui se propage parmi les jeunes générations du monde arabe divisées entre chaos et incertitude, dans le sillage des changements politiques, des conflits et des guerres. Les jeunes choisissent une langue commune, mais complètement étrangère à la société arabe, qui regarde avec suspicion ces jeunes garçons imiter la jeunesse occidentale, arborant chapeaux étranges, tricots colorés et pantalons baissés, jonglant avec des mots exprimant leur colère et leur envie de changement sur des tons très durs.

Les premiers groupes de rap sont apparus en Afrique du Nord à la fin des années 90, immédiatement suivis par le Moyen-Orient, puis se sont propagés dans les pays du Golfe.

Contrairement au rap international, le rap arabe mélange fortement les mots, la poésie et le chant, la voix du rappeur prenant une importance secondaire. Une véritable contamination culturelle, même si les rappeurs arabes ont réussi, à leur manière, à atteindre un bon compromis, liant la musique rap à leurs propres identités, en insérant des sonorités orientales et arabes, et en traitant de sujets spécifiques.

En effet, les mots ont une grande importance, et sont très appréciés et recherchés, au Moyen-Orient comme d’ailleurs dans le rap. Ceci s’exprime non seulement dans la littérature et la poésie, mais également dans toutes les manifestations artistiques populaires. Un exemple est le zajal, l’ancien art de l’improvisation dans la langue vernaculaire, très populaire au Liban et en Syrie.

Ainsi, la poésie et les mots en rimes et en rythme font en quelque sorte partie de la tradition populaire arabe, même si le rap est souvent étiqueté comme passade juvénile et simple musique de rue, bien loin des salons et des mélodies festives de soirées de rêves des mille et une nuits.

Le rap est peut-être le seul espace dans lequel les jeunes sont autorisés à s’exprimer librement, loin de la censure. ils traitent avec sarcasme, courage et transparence de tous les sujets tabous que la société arabe a tendance à ignorer, comme le veulent les coutumes et les traditions du passé : liberté, choix et réformes politiques, corruption, répression sexuelle, violence contre les femmes, homosexualité, chômage et pauvreté

Parfois, ces artistes ont réussi à atteindre un large public, comme ce fut le cas de la jeune rappeuse égyptienne Mayam Mahmoud, âgée de 18 ans, qui arrive en demi-finale de l’émission de télévision Arab Got Talent, abordant la question pressante du harcèlement sexuel des femmes en Égypte.

Cependant, c’est loin d’être chose facile. Les gouvernements arabes conservateurs et les extrémistes religieux considèrent que «le rap nuit à la dignité, vexe la pudeur, utilise un langage inadéquat ». Évitant de traiter les questions sensibles, ils considèrent que ce phénomène n’est qu’une «imitation de l’Occident pervers et mécréant».

Les réactions sont parfois difficiles : en septembre 2013 un tribunal tunisien a condamné à six mois de prison le rappeur Ahmad Bin Ahmad, connu sous le nom de Clay Bbj, pour avoir insulté la police et outragé l’ordre public.

L’une des caractéristiques du rap est le rejet du pouvoir absolu et la non résignation aux conditions imposées, et c’est une des raisons qui ont poussé les nouvelles générations arabes à choisir ce nouveau moyen d’expression. En effet, il ne s’agit pas d’une invasion de l’Europe occidentale, mais d’une tendance qui se répand à travers le monde, où le genre du rap se distingue comme l’égal des autres genres musicaux, s’insérant dans le patrimoine artistique de chaque pays.

Quelques informations sur les rappeurs arabes pour ceux qui souhaiteraient approfondir :

Dam (Da Arabian MCs)

« Sang » en arabe, Dam est le nom d’un groupe palestinien formé en 1999 et composé de trois jeunes gens : Suhail, Samer et Mahmoud. Ils chantent en anglais, en arabe et en hébreu. Ils ont choisi le rap pour raconter leur réalité en tant que jeunes, dénonçant la discrimination, le racisme, et la « maudite trinité sociale » : le chômage, la pauvreté et la drogue.

L’année 2001 fut pour eux une année décisive, avec un grand succès et plus d’un million de vues sur le web pour la chanson Qui est le terroriste ?

Leur premier album, Ihdaa (Dédié), est sorti en 2007, et le second, Nudbok al Amar (Dansons sur la lune), a été édité en 2012. Beaucoup de leurs chansons ont été utilisées dans un certain nombre de films arabes et internationaux.

Al Saied Darwish (Hani Al Sawah)

Après avoir entamé une carrière de journaliste, ce jeune syrien originaire de Homs enregistre sa première chanson en 2006, sans se douter qu’il s’agissait là du début d’une véritable carrière musicale. En 2008, il signe un duo avec le rappeur Kay Lead. Un an plus tard, il rencontre le musicien Sham Amsiz, avec lequel il enregistre le premier album de rap syrien, Kalimat Mutakatea (Mots croisés). Aujourd’hui, il fait partie du groupe Latlate (Gossip).

Al Rass (Mazen Al Saied)

Après des études de musique orientale à Paris, ce jeune poète est retourné au Liban pour former le groupe musical Ahel AlHawa (Les gens qui s’aiment), enclanchant ainsi sa carrière de rappeur. Après l’énorme succès de sa première chanson, Aghlabiyeh Samta (Majorité Silencieuse), en collaboration avec d’autres musiciens, il publie son premier album : Kashf AlMahjub (Lever le voile). Il décide d’utiliser le Web pour diffuser ses chansons autant que possible.

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