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Mariages forcés : une aggravation chez les réfugiés au Proche-Orient

Francesco Pistocchini
12 décembre 2014
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Mariages forcés : une aggravation chez les réfugiés au Proche-Orient
"Trop jeunes pour le mariage" exposition itinérante de Stéphanie Sinclair financée par les Nations Unies (photo : Stephanie Sinclair/UN)

Le problème des mariages forcés des jeunes filles mineures est plus que jamais d'actualité. La dernière estimation de l’UNICEF porte leur nombre à environ 250 millions d’enfants mariées de force avant l’âge de quinze ans. Un phénomène qui s'aggrave tout particulièrement au Moyen-Orient ces dernières années en raison de la crise syrienne.


Le problème des mariages forcés des jeunes filles mineures est plus que jamais d’actualité. La dernière estimation de l’UNICEF porte leur nombre à environ 250 millions d’enfants mariées de force avant l’âge de quinze ans. Cette pratique est en vigueur dans bien des régions du monde – de l’Afrique subsaharienne à l’Asie du Sud en passant par l’Amérique latine – est liée tant aux contextes culturels que religieux mais a avant tout pour terreau une  pauvreté généralisée. Une partie de ces fillettes vivent au Moyen-Orient où les tragédies humanitaires de ces dernières années semblent aggraver la situation.

L’été dernier, l’Agence des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dénonçait l’augmentation des mariages précoces notamment au sein de familles syriennes réfugiées dans les pays voisins (on compte 1,2 millions de réfugiés au Liban et plus de 600 000 en Jordanie). En 2013, un quart des mariages enregistrés parmi la population syrienne réfugiée en Jordanie impliquait des filles de moins de 18 ans. Ces familles vivent dans une grande précarité et dans des camps comme celui de Zaatari, où 80 000 personnes sont logées dans des tentes au milieu du désert. Le «placement» de ces jeunes filles mineures est considéré par beaucoup comme le choix le meilleur. Parfois, les maris sont des hommes mûrs, de pays arabes plus riches, et les adolescentes n’ont que rarement la possibilité de choisir elles-mêmes leur candidat.

Les jeunes femmes contraintes au mariage, selon les données recueillies par l’UNICEF, ne sont pas seulement déscolarisées mais courent des risques graves pour leur santé en raison de grossesse précoce. Fascinées ou enchantées par le charme des festivités accompagnant le mariage, beaucoup de fillettes se retrouvent à l’écart dans la maison d’un étranger, affectées aux tâches ménagères et souvent condamnés à des abus sexuels et de la violence. Conventions internationales à l’appui, la communauté internationale tente de limiter le phénomène mais faut-il encore qu’elles soient appliquées par la législation nationale. C’est qu’il s’agit bien souvent de faire évoluer des mentalités et changer des habitudes enracinées dans la société comme au Yémen, où plus de la moitié des épouses sont mineures. En mai de cette année, un projet de loi qui impose la majorité comme âge légal au mariage a été proposé. Une précédente tentative avait déjà été bloquée en 2009 par les conservateurs du Parlement yéménite. En Arabie Saoudite également point de limite d’âge alors qu’en Jordanie et dans les Territoires palestiniens, la limite est fixée à 16 ans pour les hommes et 15 pour les femmes.

Au Liban, où la loi prévoit la majorité comme âge minimum au mariage, les communautés musulmanes chiites et druzes peuvent obtenir des autorisations spéciales afin de l’abaisser. L’association pour l’égalité des chances Abaad a lancé, le 10 décembre, une vidéo de sensibilisation réalisée avec un financement européen ; elle s’intitule « Le mariage n’est pas un jeu ». Le pays du Cèdre qui abrite le plus grand nombre de réfugiés syriens, plongés dans une situation économique déplorable, voit augmenter chaque jour le nombre de mariages forcés et par conséquent celui des jeunes victimes, principalement des fillettes.

Agée de 17 ans, l’adolescente pakistanaise Prix Nobel de la Paix (première mineure de l’histoire à le recevoir), Malala Yousafzai a redit lors de la remise de son prix (mercredi 10 décembre à Oslo) : « ce prix n’est pas juste pour moi, il est pour tous les enfants qui sans voix demandent le changement » faisant notamment allusion aux mariées forcées ayant quittées l’école.