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Tombeau de Jésus: le pseudo scoop du National Geographic

Marie-Armelle Beaulieu
29 novembre 2017
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Tombeau de Jésus: le pseudo scoop du National Geographic
L'édicule sert d'écrin à ce qui reste du tombeau de Jésus au coeur de la basilique du Saint-Sépulcre ©MAB/CTS

Hier mardi, le National Geographic publiait en Une de son site un titre à caractère sensationnel en anglais et stupide en français sur la datation du tombeau de Jésus. Et la machine médiatique s’est emballée. Décryptage.


« Exclusif : l’âge de la prétendue tombe de Jésus Christ révélé », c’est avec ce titre à caractère sensationnel que le National Geographic (NatGeo) barrait la Une anglaise de son site internet hier 28 novembre. Tandis que le même site en langue française, moins inspiré et beaucoup plus stupide titrait : « De nouvelles analyses révèlent que le tombeau de Jésus a au moins 1 700 ans ».

Autant vous dire que vue de Jérusalem, où les chrétiens  gardent la mémoire du lieu de la sépulture de Jésus depuis sa mort il y a près de 2000 ans, ce n’est pas un scoop. Car c’est cette mémoire qui a permis l’édification de la première basilique chrétienne en 324-326 par ordre de l’empereur Constantin. Toute l’histoire de la présence chrétienne à Jérusalem s’articule autour de cette église qui malgré les vicissitudes politiques, les incendies ou les tremblements de terre est toujours restée debout et centrale dans le paysage de la cité. Et tout le prix de cette église, et cela aussi on le sait depuis 1700 ans, c’est qu’elle abrite un tombeau, selon la tradition LE tombeau, celui de Jésus.

A la lecture de l’article, un seul et unique élément intéressant est révélé au grand public quand le petit cercle des passionnés était au courant depuis le printemps dernier. Quand il a été procédé à l’ouverture du tombeau, que renferme l’édicule au cœur de la basilique de la résurrection, à la surprise générale, sous la dalle de marbre qui fait office de lit funéraire aujourd’hui, l’équipe en charge des travaux en trouvait une autre. Une dalle de marbre gris, avec les traces de sculpture d’une croix- qui aurait pu être une croix de Lorraine. On émit alors l’hypothèse que cette dalle serait d’époque croisée. Or il apparait à la datation que le mortier qui la fixe au-dessus du lit funéraire de pierre, taillé dans le roc, est d’époque byzantine et très précisément d’après le NatGeo « aux environs de 345 après Jésus-Christ. »

A part ça, pour important que ce soit mais en rien décisif, tout le reste est un total enfumage journalistique que l’on appelle du publi-rédactionnel. Cet article augure de la sortie dimanche prochain du documentaire du National Geographic « les secrets de la Tombe du Christ » (1) et que tous les amoureux du lieu attendent avec autant d’impatience que de circonspection.

Impatience parce que le NatGeo a eu l’exclusivité des images lors de l’ouverture du tombeau en octobre 2016. Impatience car on sait les moyens (gigantesques) qui ont été mis à disposition du réalisateur. Du reste, la vidéo insérée à l’intérieur de l’article montre de nouvelles infographies de la basilique du Saint-Sépulcre entièrement reconstitué en 3D. Il ne fait aucun doute que ce documentaire va nous en mettre plein les yeux et qu’on va aimer ça. Et on aura raison. Parce que ce lieu est la prunelle des yeux du Christianisme.

Mais si l’on attend avec circonspection le documentaire du NatGeo, c’est qu’il lui manquera deux dimensions. La première, c’est celle de la foi. Du sensationnel il y en aura comme en est déjà barbouillé l’article jusqu’à en défier les faits historiques et bafouer la tradition. Il y a à parier qu’il y aura  aussi – pour le meilleur et pour le pire – des effets hollywoodiens.

Et ce qui va également et surtout manquer c’est de la science. Pas celle de la professeure Moropoulou et de son équipe, mais la science de l’archéologie. La grande absente des travaux de restauration puisque l’Eglise grecque-orthodoxe de Jérusalem s’est farouchement opposée à ce que les travaux donnent lieu à une campagne archéologique digne de ce nom. Quoiqu’il en soit du travail de documentation et aujourd’hui de datation des matériaux collectés, à aucun moment lors des 10 mois de travaux il n’a été fait appel à des archéologues et à leur méthodologie. Ni non plus au fameux moment de l’ouverture du Tombeau. Mais les archéologues sont unanimes. Ils n’auraient pas procédé de cette façon, ils n’auraient pas ouvert ou dé-couvert les mêmes endroits ou pas dans cet ordre, et ils savaient exactement ce qu’ils cherchaient. L’archéologue du National Geographic pourra bien en faire des tonnes, comme il n’a déjà pas manqué de le faire, ce sera sur du vent. Comme du reste cet article du National Geographic que la presse internationale s’empresse de reprendre.

Mais bon, on l’a dit on attend les images. Et on rêverait voir à Washington au musée du National Geographic l’exposition qui le reconstitue en 3D et qui a ouvert le 15 novembre dernier. Quant au sérieux, on a bien une piste…. Vous pouvez toujours relire le dossier de 28 pages intitulé « Qu’a-t-on vu à l’ouverture du Tombeau de Jésus ? » publié par Terre Sainte Magazine, parce qu’à ce jour (et oui on n’est pas peu fiers) on attend encore qu’une publication fasse mieux… n

PS. L’édition papier de ce numéro TSM 647 de janvier février 2017 étant épuisée, nous vous annonçons la mise en vente de ce numéro au format PDF sur la boutique internet de Terre Sainte Magazine.

PS2. Parce qu’ils ont quand même des moyens, on vous invite à regarder les infographies ici

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1. En Prime Time sur National Geographic TV Amériques.

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