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L’Eglise copte orthodoxe secouée après la mort d’un moine

Christophe Lafontaine
2 octobre 2018
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L’Eglise copte orthodoxe secouée après la mort d’un moine
Zeinoun Al-Maqari, l'un des témoins du meurtre de l'évêque Epiphanius est parti avec son secret dans la tombe, au monastère Saint Macaire (Egypte) ©Faris knight

Le décès d’un moine copte orthodoxe égyptien a été annoncée le 26 septembre. Il devait témoigner le lendemain dans le procès lié au meurtre de l’évêque abbé Epiphanius. Une intrigue qui ravive l’émoi de l’Eglise copte. 


Deux mois après l’assassinat de l’évêque Epiphanius, le 29 juillet 2018, père abbé copte orthodoxe du monastère de Saint Macaire de Scété au nord-ouest du Carie en Egypte, l’Eglise copte orthodoxe est à nouveau au cœur d’une sombre actualité.

Le 26 septembre dernier, le porte-parole de l’Eglise copte orthodoxe via un bref communiqué publié sur la page Facebook du Coptic Media Center a annoncé la mort d’un moine, Zeinoun Al-Maqari. Ce religieux (la quarantaine) vivait depuis un mois au monastère d’al-Muharraq, à plus de 350 km au sud de la capitale égyptienne.

Cette mort intervient dans un contexte très particulier pour ne pas dire très sensible pour l’Eglise copte. Le procès lié au meurtre du père abbé du monastère de Saint-Macaire s’est ouvert dimanche 23 septembre. Et il était prévu que jeudi 27 septembre, Zeinoun al-Maqari soit entendu devant la justice.
Si la piste de son suicide a d’abord été avancée, un démenti – relayé ce jour par l’agence de presse catholique Fides – indique que le moine serait décédé des suites d’une crise cardiaque. Mais la thèse de l’empoisonnement n’entre pas forcément en contradiction avec ce deuxième point. L’Associated Press a rapporté en effet qu’il pourrait s’agir d’un assassinat en expliquant que les premiers examens de l’autopsie montraient « clairement » dans le corps du défunt des traces d’insecticide agricole largement utilisés dans le sud de l’Egypte.

Le défunt moine a été enterré vendredi 28 septembre au soir dans le cimetière du monastère de Saint-Macaire, où il était arrivé en tant que novice il y a une dizaine d’années. Mais après la mort de l’évêque Epiphanius cet été, le religieux avait été transféré dans le monastère d’al-Muharraq en août. Comme six autres moines, il avait été banni de son monastère d’origine suite au meurtre du père abbé. Cela suggérait que le moine avait peut-être été impliqué dans un différend disciplinaire désormais rendu public entre l’abbé et plusieurs moines de Saint Macaire…

Mais si ces soupçons pesaient sur Zeinoun al-Maqari comme complice de l’assassinat de l’évêque Epiphanius, ce n’est seulement qu’en tant que témoin qu’il était cependant attendu pour une audition jeudi dernier. Il n’en a été finalement rien. Corsant un peu plus l’obscure intrigue qui ébranle l’Eglise copte toute entière

Deux courants dans la vie monastique copte

La prochaine audience est ajournée au 27 octobre. Elle devrait se tenir en présence des deux moines accusés d’avoir tué Mgr Anba Epiphanius. Les deux risquent la peine de mort. Si leur mobile n’a pas été clairement établi, il a été reconnu que des « différends » existaient entre le père abbé et certains de ses moines. Zeinoun al-Maqari, était le « père confessionnel » de l’un des moines jugés, a rapporté l’agence de presse Reuters.

La police avait très vite identifié Wael Saad Tawadros (en religion Isaiah el-Maqary) comme le suspect principal. En garde à vue, il avait avoué avoir prémédité son acte et attaqué son supérieur en pleine nuit lorsqu’il se rendait à la prière des vêpres. Le site Vatican News avait rapporté qu’il faisait l’objet d’une expulsion pour comportement « en désaccord avec les principes du monachisme » et qu’il était en conflit avec son père abbé. Un deuxième moine, qui a tenté de se suicider quelques jours après le meurtre, aurait surveillé les couloirs pour le compte du coupable.

La mort de Zeinoun Al-Maqari, qu’elle soit liée à un assassinat – qui établirait qu’il eût pu être considéré comme un témoin gênant – ou à un mauvais coup du sort, remet quoi qu’il en soit, sous les projecteurs les querelles internes à la communauté monastique de l’Eglise orthodoxe traversée par deux courants qui s’opposent. Les réformateurs (courant dominant) et les « isolationnistes », comme l’explicite l’Associated Press. La tête de l’Eglise copte orthodoxe, le patriarche Tawadros II, dont l’évêque Epiphanius était proche, est reconnue pour apporter un soutien politique au gouvernement, pour privilégier la construction de ponts avec d’autres Eglises et favorable à un recadrage des moines éloignés de la pauvreté évangélique.

Les moines « isolationnistes », eux, refusent ce penchant réformateur en se considèrent comme les gardiens de la vraie foi. Ces moines, généralement diplômés de l’université, sont issus de monastères, éloignés géographiquement de l’institution centrale au Caire et ont comme été victimes de leur succès après avoir incarné le réveil de la vie monastique en Egypte ces cinquante dernières années. Ils ont fait de ces monastères excentrés de véritables entreprises agricoles et des lieux de pèlerinage pour des centaines de milliers de fidèles, leur conférant une grande indépendance financière et donc un pouvoir au sein de l’Eglise des plus influents. Notamment via les réseaux sociaux. Echappant ainsi au contrôle du patriarcat copte.

La mort de l’évêque Epiphanius a été l’élément déclencheur pour la tête de l’Eglise copte orthodoxe d’accélérer la révision des règles en vigueur dans ses monastères, au travers de 12 mesures fortes pour instaurer une plus grande discipline dans la vie monastique copte et mettre un terme aux dérives. A titre d’exemple, l’Eglise a décidé de suspendre pendant un an l’admission des novices dans les monastères, donné aux moines un mois pour fermer leurs comptes Facebook ou Twitter. Elle a également interdit les interviews non autorisées dans les médias. Les moines sont également interdits de quitter les monastères sans permission.