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Sursis en trompe-l’oeil pour les bédouins de Khan al-Ahmar ?

Christophe Lafontaine
23 octobre 2018
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Sursis en trompe-l’oeil pour les bédouins de Khan al-Ahmar ?
Les forces de sécurité israéliennes face aux bédouins du village de Khan al-Ahmar, le 15 octobre 2018. ©WisamHashlamoun / Flash90

Le Premier ministre israélien a repoussé, le 21 octobre, la démolition de Khan al-Ahmar en Cisjordanie. Laissant une chance aux négociations, actant toutefois que la destruction du village bédouin aura bien lieu.


Ce n’est pas le premier report mais peut-être le dernier. A entendre le Premier ministre israélien. Benjamin Netanyahu a pris la décision de surseoir, dimanche dernier, de « plusieurs semaines » l’évacuation et la destruction du village de Khan al-Ahmar en Cisjordanie, a fait savoir l’AFP. La décision a été prise par le cabinet de sécurité israélien pour « permettre aux négociations (avec les habitants) d’aboutir en vue d’une évacuation volontaire » du village bédouin, a indiqué un communiqué du bureau du Premier ministre israélien. Mais Benjamin Netanyahu, plus tard dans la journée, suite à la colère de l’aile la plus droitière de son gouvernement, n’a pas fait mystère du sort final du village : sa démolition. « C’est notre politique et elle sera mise en place. (…) Je n’ai pas l’intention de la reporter indéfiniment, mais pour une période courte et limitée. »

Le 5 septembre la Cour suprême israélienne avait donné son accord aux autorités israéliennes pour détruire le village considérant que les habitants de Khan al-Ahmar s’y sont installés illégalement car le village a été construit sans permis. « Nombre de ces personnes avaient déjà été évacuées après la guerre de 1948 et se trouvent une fois encore violemment déracinées pour faire place à des colonies israéliennes illégales », s’est désolée la commission Justice et Paix de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte, la semaine dernière, a rapporté l’agence Fides.

Le gouvernement avait donné aux habitants le 1er octobre comme date butoir pour quitter le village et démolir les structures du site. Jusqu’à aujourd’hui, ils ont refusé de partir d’eux-mêmes.

Selon Reuters, le ministère palestinien des Affaires étrangères a qualifié le report de « rien de plus qu’une tentative israélienne de calmer les critiques étrangères et locales. »

Le quotidien Haaretz rapporte cependant que Benjamin Netanyahou « va étudier les différentes propositions alternatives à l’évacuation des habitants du village. » Pour l’heure, « nos propositions sont basées sur ce que nous avons dit à la Cour, que nous sommes disposés à nous déplacer quelques centaines de mètres plus au nord », a expliqué l’un des avocats de la communauté bédouine cité par l’AFP.Selon lui, le gouvernement israélien n’a pas encore réagi à cette offre.

La solution à deux Etats au cœur de l’affaire

Khan al-Ahmar, hameau d’à peine 200 âmes, accueille une quarantaine de baraques de tôle, de planches et de toile, dans la zone C de la Cisjordanie, contrôlée au niveau administratif et sécuritaire par Israël. Sa position le place entre les colonies de Maale Adumim et Kfar Adumim à l’est de Jérusalem sur la route 1 qui mène à Jéricho. Sa destruction, selon les défenseurs du village bédouin, permettrait d’étendre et de relier les colonies israéliennes entre elles. L’opération couperait alors en deux la Cisjordanie. Restreignant l’accès des Palestiniens de Cisjordanie à la partie orientale de la ville sainte. Rendant encore plus compliquée la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-est pour capitale.

De l’Onu à l’Union européenne, en passant par Cour pénale internationale qui a prévenu Israël, le 17 octobre dernier qu’une « évacuation par la force » risquait de constituer un « crime de guerre », la communauté internationale n’a pas caché ses inquiétudes de voir l’affaire créer un précédent mettant l’avenir de milliers d’autres bédouins de Cisjordanie en péril et compromettant plus encore la viabilité d’un Etat palestinien.

Dans ce sens, « la France, en lien avec ses partenaires européens, a appelé à plusieurs reprises les autorités israéliennes à ne pas procéder à la destruction de Khan al-Ahmar et à l’évacuation forcée de ses habitants », a rappelé le Consulat général de France à Jérusalem, le 23 octobre. Une référence claire à la déclaration courant septembre de huit pays européens (Pays-Bas, Suède, Pologne, Royaume-Uni, France, Belgique, Allemagne et Italie). Dans son communiqué, le Consulat général de France dit demander « aux autorités israéliennes de renoncer définitivement au projet de démolition de Khan al-Ahmar et de lever l’incertitude qui pèse sur le sort de ce village, situé dans une zone essentielle à la continuité d’un futur Etat palestinien et donc à la viabilité de la solution des deux Etats. »

Même son de cloche du côté du Saint-Siège. Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent à l’Onu a de nouveau défendu la solution des deux Etats à New York, le 19 octobre. Il a par ailleurs plaidé en faveur des « civils innocents » qui « ne doivent jamais être la cible d’actes de terreur ou d’actions militaires accablantes ».

 

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