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Jordanie: la mosaïque qui relie l’humanitaire à la culture

Christophe Lafontaine
7 février 2019
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Jordanie: la mosaïque qui relie l’humanitaire à la culture
La « Carte biblique de Jordanie » devant l'église grecque catholique melkite de Madaba © Facebook Caritas Jordan

Le 5 février, « la carte biblique de Jordanie », réalisée par des réfugiés irakiens et des Jordaniens, a été inaugurée à Madaba. Un projet humanitaire pour valoriser le secteur de la mosaïque et le tourisme religieux.


1 700 000 tesselles ornent désormais le parvis de l’église St Georges des grecs-catholiques melkites de Madaba. Elles forment une mosaïque de plusieurs mètres au sol représentant cette partie de Terre Sainte que la Jordanie recouvre. Cette « carte biblique de Jordanie » indique entre autres sites connus le Mont Nébo, Machéronte, où fut décapité St Jean-Baptiste ou encore Gadara (Umm Qais) le lieu du miracle des pourceaux réalisé par Jésus.

Réalisée en 50 jours de travail, soit 52 000 heures, par un groupe de 17 personnes, majoritairement des réfugiés d’Irak en Jordanie (chrétiens, a précisé l’ambassade de France) aidés de Jordaniens, la « carte biblique de Jordanie » s’inscrit dans le cadre général d’un projet humanitaire de la Caritas Jordanie (le secours catholique) lancé il y a trois ans, indique le site de l’ambassade de France. Car le programme est en effet financé par le fonds de soutien du ministère des Affaires étrangères français aux victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Ce fonds soutenant particulièrement les réfugiés irakiens comme syriens, et visant particulièrement à préserver la diversité culturelle et religieuse du Moyen-Orient. Sa création avait été annoncée lors de la Conférence de Paris le 8 septembre 2015.

Précisément, trois conventions de financement de 250 000 euros par an ont été signées ces trois dernières années afin d’« améliorer les stratégies d’adaptation des personnes déplacées irakiennes en Jordanie et des Jordaniens vulnérables. » Un projet qui, s’il visait les réfugiés ayant fui l’Irak en 2014 et dorénavant installés à Madaba, s’est aussi étendu en 2017 à la ville de Kerak. Avec pour but, on l’a compris, de créer des opportunités économiques génératrices de revenus, notamment sur le modèle du « cash for work » (argent contre travail) pour les réfugiés irakiens, de les former et de favoriser ainsi leur insertion professionnelle et sociale.

Le programme promeut la création de différents ateliers de production artisanale et des formations professionnelles. Au regard de la vocation touristique de Madaba, ville des mosaïques, c’est ainsi que le projet de « la carte biblique de Jordanie » a pu voir le jour.

L’inauguration de la mosaïque a eu lieu le mardi 5 février sous le parrainage de l’ambassadeur de France, David Bertoloti, en présence de Mgr Joseph Gébara, l’archevêque de Petra, Philadelphie et de toute la Jordanie pour les grecs-melkites catholiques. Etaient également présents, outre le directeur de la Caritas Jordanie, le secrétaire général du ministère du Tourisme et des Antiquités, Issa Gammoh, L’événement s’est également tenu en coopération avec le département d’archéologie et de tourisme de l’Université de Jordanie. Caritas Jordanie ayant coopéré avec la faculté pour identifier et vérifier scientifiquement l’adéquation entre la carte politique actuelle du royaume hachémite et l’emplacement géographique des lieux et vestiges qui font mémoire de certains épisodes bibliques et de la présence chrétienne en Jordanie comme la stèle de Mesha à Dibon (IXème siècle av. J.-C.) qui relate la victoire du roi moabite Mesha contre le Royaume d’Israël, al-Deir (le monastère) à Petra, les vestiges des tours des anachorètes stylites à Um er-Rasas (VIème siècle), le Krach des Moabites à Kerak datant du XIIème siècle.

La « carte biblique de Jordanie » est la première tentative de ce type et pourrait également être le premier sol en mosaïque produit et posé autour d’une église en Jordanie depuis l’ère des premiers chrétiens.  
Les artisans qui ont constitué la mosaïque ont été formés par des experts de la mosaïque qui ont partagé leurs connaissances artistiques et professionnelles, les ont guidés à chaque étape de la réalisation, de la conception graphique des tesselles à leur pose, en passant par leur découpe.  Le but étant qu’ils soient à leur tour des professionnels de la mosaïque.

Une nouvelle vitrine pour le tourisme

Derrière l’humanitaire, le projet doit contribuer aussi au développement local des villes concernées notamment en matière de tourisme. Cité par abouna.org, le site chrétien d’information arabe, l’ambassadeur de France évoquant l’église St Georges des melkites à Madaba a rappelé qu’« il y a deux ans, cet endroit était un refuge pour les Iraquiens déplacés de force. » Se réjouissant aujourd’hui de le voir aujourd’hui devenir pour la ville comme « un nouveau point d’ancrage » destiné à être « une référence pour le tourisme religieux et culturel » mettant en valeur « l’héritage chrétien » de la Jordanie. Les porteurs du projet souhaitant que la « carte biblique de la Jordanie » contribue ainsi à la promotion, au développement, à la valorisation du secteur de la mosaïque, au tourisme religieux et culturel en Jordanie.

Le diplomate français a d’autre part salué « la technique ancestrale » que représente l’art de la mosaïque, estimant que « la carte biblique de Jordanie » qui expose le riche héritage chrétien de la Jordanie permettait de véhiculer « un message moderne ». A savoir que « la diversité culturelle et religieuse au Moyen-Orient est une richesse à préserver. »

Dans son allocution, Mgr Gébara a rappelé que la Jordanie, avec son territoire, son fleuve et son peuple, est continuellement présente dans les pages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cela ne faisant que souligner son importance dans l’histoire des civilisations anciennes et son caractère sacré en tant que terre honorée par la présence des prophètes, du Christ et des apôtres.