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Un papyrus dévoile la vie des premiers chrétiens en Egypte

Christophe Lafontaine
25 juillet 2019
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Un papyrus dévoile la vie des premiers chrétiens en Egypte
Une section du papyrus P.Bas. 2.43 qui est la plus ancienne trace manuscrite laissée par un chrétien © Université de Bâle

La plus ancienne lettre écrite par un chrétien (IIIe s. ap J.-C.), conservée à l’Université de Bâle (Suisse), vient d’être analysée et traduite, et donne un nouvel aperçu du mode de vie des premiers chrétiens en Egypte.


C’est une lettre datée de 230 après J.-C. « Elle est donc plus ancienne que toutes les preuves documentaires chrétiennes connues de l’Egypte romaine », annonce un communiqué de l’Université de Bâle en Suisse, signé le 11 juillet dernier. Cette lettre est issue d’une collection de papyrus qui appartient à l’université de Bâle depuis plus de 100 ans.

Le document a été examiné et traduit par Sabine Huebner, professeur d’histoire ancienne au département des civilisations anciennes de l’Université de la cité rhénane.

En décrivant les problèmes familiaux et administratifs quotidiens, le papyrus P.Bas. 2.43 apporte davantage d’informations sur la société des premiers chrétiens de l’empire romain.

Alors que les historiens décrivent généralement les premiers chrétiens comme marginaux ou vivant cachés à cause des persécutions, la lettre contredit cette version. Elle contient en effet des indications selon lesquelles, il y a 1 800 ans, les chrétiens s’étaient éloignées des villes, pour habiter l’arrière-pays égyptien. La lettre indique que l’auteur et son destinataire venaient d’une famille paléochrétienne instruite, propriétaire et occupant des postes de fonctionnaires comme leurs voisins non-chrétiens. En un mot, ils appartenaient à l’élite sociale.

En détail, la missive est signée d’un homme nommé Arrianus qui écrit à son frère Paulus. « Paulus était un nom extrêmement rare à cette époque et nous pouvons en déduire que les parents mentionnés dans la lettre étaient des chrétiens et avaient nommé leur fils d’après l’apôtre dès l’an 200 après Jésus-Christ » explique Sabine Hueber.

Arrianus, après des mots affectueux, fait référence à un certain Heracleides (sans doute un parent), nommé au conseil de la ville et demande d’autre part à son frère d’acheter deux arouras de terrain. L’aroura était une unité de surface utilisée pour mesurer les terres dans l’Egypte ancienne. L’aroura correspondait à environ 2756,5 m2. Après avoir traité des affaires courantes, Arrianus demande à son frère de lui faire parvenir une recette de sauce pour le poisson mais seulement si son frère la trouve bonne. L’auteur conclut sa lettre avec une abréviation typiquement chrétienne. De fait, en guise de salutations, Arrianus a recours à un nome sacrum, indique Sabine Huebner. L’expression « Je prie pour que tu ailles bien », se voit ajouter « dans le seigneur ». Cette dernière formulation écrite en abrégé « ne laisse aucun doute sur les croyances chrétiennes de l’écrivain », déclare le professeur d’histoire ancienne. « C’est une formule exclusivement chrétienne que nous connaissons via les manuscrits du Nouveau Testament. »

On connaît la région où vivait l’auteur de la lettre car le site du papyrus a été retrouvé, indique le communiqué de l’Université de Bâle. Il provient de Théadelphie, une ville grecque de la province de Crocodilopolis situé dans le centre de l’Egypte, à 30 kilomètres au nord-ouest de Médinet el-Fayoum.

A noter, le papyrus P.Bas. 2.43 est au centre de la nouvelle monographie de Sabine Huebner intitulée Papyri and the Social World of the New Testament aux éditions Cambridge University Press. Son livre s’adresse à un large public et montre comment les papyrus de l’Egypte gréco-romaine peuvent contribuer à illustrer la vie sociale, politique et économique des premiers chrétiens.