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Au Caire, “je prie pour que nous sortions de cette crise renouvelés”

Claire Riobé
30 avril 2020
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Au Caire, “je prie pour que nous sortions de cette crise renouvelés”

En cette période de confinement, Terre Sainte Magazine vous propose de vivre au plus près le quotidien de nos frères et soeurs de Terre Sainte, au travers d'une série de portraits exclusifs. Retrouvez aujourd'hui le témoignage de Nadine Zayat, jeune chrétienne égyptienne de 25 ans originaire du Caire.


Nadine Zayat vit au Caire. Née dans une famille catholique, elle est aujourd’hui investie au sein de la communauté de l’Emmanuel (renouveau charismatique) et d’une église évangélique de son quartier, à Héliopolis. Elle nous témoigne ici de son expérience du confinement, trente-sept jours après le début de la crise en Egypte. 

Nadine, comment vivez-vous le confinement au Caire ?

Nous restons tous chez nous depuis le 18 mars dernier. Tout est fermé, les restaurants, les écoles, les garderies… La plupart des gens travaillent depuis chez eux, mais j’en connais aussi plusieurs qui ne perçoivent plus de salaire ou ont même perdu leur emploi. La situation est compliquée. De même pour les agences de voyage, leur personnel n’a plus aucun revenu. D’autres égyptiens du Caire continuent de travailler de façon normale : ceux, par exemple, dont les parents sont propriétaires de magasins. Ils prennent juste davantage de précautions pour limiter la propagation du virus. 

Personnellement, je travaille au sein de l’entreprise de télécommunication Orange, et ai la chance d’avoir pu continuer de travailler sans subir de réduction de salaire. Mon quotidien n’a pas été directement impacté par cette crise. J’ai conscience que c’est une vraie aubaine comparé à bien des gens qui m’entourent.  

Qu’en est-il des communautés chrétiennes autour de chez vous ?

Comme en Europe ou en Terre Sainte, toutes les églises sont pour le moment fermées.

Nous avons donc vu peu à peu les communautés catholique, protestante et orthodoxe du Caire multiplier les initiatives et proposer aux fidèles de nouvelles façons de prier,  notamment en se regroupant sur les réseaux sociaux.

Par exemple dans l’église évangélique à laquelle je suis rattachée, House of Prayer, nous prions désormais plusieurs fois par semaine ensemble via l’application Zoom. Une paroisse grecque-catholique du Caire propose chaque soir à 22h le témoignage d’un croyant, qui partage en direct de ce qu’il apprend ou vit pendant ce confinement.

En ce qui concerne les messes, les paroisses font des lives sur Facebook. Avec mes parents, je participe chaque dimanche à une messe télévisée grecque-catholique. De même pour le dimanche des Rameaux. Petite anecdote : j’ai été particulièrement touchée par la réaction de mes amis chrétiens ce jour-là, car tout le monde a décidé de porter des vêtements de fête,, de décorer sa maison… malgré l’impossibilité de nous rendre à l’église, nous avons vécu ce dimanche comme un vrai temps de fête ! C’était très chouette.

Je continue par ailleurs d’avoir la maisonnée [rassemblement de prière hebdomadaire des membres de la Communauté de l’Emmanuel] chaque semaine, sur Zoom. Nous débutons par un temps de louange, puis un moment de partage, et enfin un temps de prière. Nous avons également mis en place chaque samedi un temps de louange en ligne pour l’ensemble de la communauté. 

Pouvez-vous nous partager votre expérience du confinement ?

Les trois premières semaines étaient faciles ; j’étais très contente car ai eu tout un coup beaucoup de temps pour prier ou faire des activités plus personnelles. Ensuite est venue une phase plus difficile, où je n’en pouvais plus de rester enfermée dans ma chambre ou la maison. Je voulais vraiment retrouver ma vie d’avant le confinement. Finalement, ces trois dernières semaines, je recommence à trouver des points positifs au confinement.

Ce temps m’a permi de prendre conscience que tout ce qui est matériel peut disparaître du jour au lendemain…

… alors que ce qui s’ancre dans Dieu est éternel ! Notre relation à Lui demeure, malgré ce que nous traversons au quotidien. Et ça, c’est vraiment une des choses les plus importantes à mes yeux. 

J’ai aussi vu que ma famille et moi nous sommes rapprochés depuis le début du confinement, en ce qui concerne notre foi. Nous lisons maintenant ensemble les Évangiles, presque quatre fois par semaine, ce qui est beaucoup plus qu’avant la crise. 

Quelles réflexions cette expérience suscite-t-elle au niveau de votre foi ? 

J’espère, et je prie beaucoup pour que nous sortions de cette crise renouvelés, en ayant redécouvert Jésus. Nous devons prendre conscience que l’Homme ne peut pas tout contrôler, il y a un Dieu qui dirige tout, et on ne doit pas avoir peur, peu importe ce qui se passe. Que ce soit avant la crise du coronavirus ou maintenant, nous n’avons jamais été ceux qui contrôlaient le monde ; c’est Dieu qui a tout en main, pas nous. 

Un exemple tout simple : beaucoup de mes collègues de travail ont absolument besoin d’un café de chez Starbucks pour commencer leur journée. Tout d’un coup, avec le confinement, Starbucks a fermé…et ils le vivent comme une catastrophe. Du jour au lendemain ils n’ont plus aucun contrôle sur la situation, et en souffrent, quelque part. Je ne suis pas à l’aise avec ça. Je pense que, typiquement, cette crise du coronavirus nous donne l’occasion de réfléchir à cette envie de contrôle que nous avons sur les choses et les évènements, ce désir de faire “tout ce que l’on veut quand on veut”. 

J’espère ainsi qu’avec cette crise nous pourrons mieux réaliser notre vulnérabilité, et laisser davantage de place à Dieu, celui qui a le pouvoir sur tout.

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