Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Église, Mère Église!

Kassam Muaddi Étudiant en sciences politiques
30 septembre 2011
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Église, Mère Église!
Jerusalem, summer camp, children, old city

Aujourd’hui comme hier, les organisations chrétiennes jouent un rôle essentiel dans la construction et la protection de la société civile palestinienne. Elle doit poursuivre sa tâche à la lumière des cultures locales.


Les chrétiens palestiniens ont toujours été une communauté vivante qui a joué un rôle central dans la construction de l’identité de la Palestine. Aujourd’hui, si l’Église de Terre Sainte est moins importante numériquement, elle est plus que jamais présente et les fidèles participent activement à la vie et au développement de leur société.
Aux jours de la Nakba, la « catastrophe » en arabe, qui désigne l’exode massif des Palestiniens qui a accompagné la création de l’État d’Israël en 1948, l’événement historique le plus important dans l’Histoire moderne du peuple palestinien, qui a entraîné la dispersion des Palestiniens à travers le monde, la destruction de son entité politique et de ses institutions, l’Église s’est maintenue unie, irréductible aux nouvelles frontières imposées par les guerres de 1948 et 1967. L’Église est la mère de Jérusalem, puisque son rôle, spirituel aussi bien que social, s’exerce envers tous les habitants y compris les non-chrétiens.

L’Église de tous les Palestiniens

De fait, l’Église est présente dans la vie de tous les Palestiniens, à travers les services rendus par ses organisations charitables et sociales. Aujourd’hui, les organisations chrétiennes constituent 45 % des organisations de la société civile palestinienne1.
L’impact des Églises en Palestine peut se mesurer en examinant le rôle de chaque paroisse au niveau local. Toute paroisse en Palestine (et au Proche Orient en général), qu’elle soit catholique, orthodoxe ou protestante, repose sur trois piliers : l’église, l’école et le presbytère. Dans chaque école, des élèves musulmans et chrétiens grandissent et apprennent ensemble. Aux abords du « Deir » (le domaine de la paroisse), on trouve toujours un club pour les jeunes, une association de femmes, une troupe de scouts, une crèche, une coopérative agricole ou quelque autre activité sociale ou culturelle, entraînant dans ses rangs des musulmans et chrétiens.
Ces activités contribuent de façon permanente, et depuis des siècles, à l’enracinement des valeurs de solidarité, de fraternité, de volontariat, d’appartenance à la communauté, d’indépendance et de dignité dans la culture et l’éducation de générations de Palestiniens. On a pu le constater dans les moments les plus difficiles des deux Intifadas (« soulèvements »), quand les églises étaient des centres logistiques pour l’approvisionnement, avec mission de s’assurer qu’aucun foyer ne manquât de nourriture ni de médicaments. Dans les « Deirs » s’organisaient aussi des cours pour les élèves lorsque les écoles devaient fermer.
En 1994, à la suite de la signature des Accords d’Oslo (septembre 1993), et la création de l’Autorité palestinienne, l’arrivée massive d’ONG, associations, institutions de tout poil a changé la donne, bouleversant le rythme de la société et ses valeurs intrinsèques. Le sens du volontariat a commencé à se perdre, et trouver un emploi dans ces organisations est devenu un « prestige » bénéficiant à un petit nombre de privilégiés. Ils n’étaient plus que les exécuteurs grassement payés des agendas des gouvernements ou des institutions bailleurs de fonds.

De la permanence de l’Église

À la fin des années 1990, l’esprit de service avait été ébranlé. Il ne s’agissait plus de servir sa communauté, mais de participer à la concentration des pouvoirs et aux sphères d’influence. L’Église est alors devenue un des rares refuges où l’on pouvait conduire une action sociale authentique, à l’abri des tentatives de manipulation des puissants donateurs.
Alors que drogue, prostitution, délinquance sont des fléaux qui menacent la jeunesse de la Vieille Ville, des banlieues et des camps de refugiés de Jérusalem-Est plus qu’ailleurs du fait de l’incurie de l’autorité de facto israélienne, les églises, leurs paroisses, leurs écoles et leurs activités sociales offrent à des milliers de jeunes Palestiniens non seulement des « espaces de vie » mais aussi toute l’attention nécessaire.
En Terre sainte, mère patrie de Jésus et de l’Eglise, les puissances politiques, quelles qu’elles furent, n’ont jamais cessé de se battre pour le contrôle du pays. Sur ce petit territoire, l’Eglise a joué à travers les siècles un rôle majeur dans la formation et la culture de ses habitants, chrétiens ou non. Elle fut omniprésente dans la vie quotidienne de générations de Palestiniens. Aujourd’hui, comme hier, l’Eglise reste active, en ces temps d’instabilité, dans la tempête et les vents mauvais, offrant un abri sûr à l’édification de la société civile palestinienne, comme une véritable mère qui protège ses enfants.

1. Palestinian christians Facts and figures, Dar Annadwa, Bethlehem 2009

Dernière mise à jour: 31/12/2023 14:50