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Jérusalem Mamelouk

Sofia Sainz de Aja
30 septembre 2011
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Jérusalem Mamelouk
La Madrassa (école coranique) Manjakiya, monument historique et siège du Conseil islamique de Jérusalem et de l’administration du Waqf.
Jérusalem, nouveau centre religieux

Enfants esclaves ramenés de l’est, convertis de force à l’Islam, formés et enrôlés pour devenir d’excellents guerriers, les Mamelouks ont peu à peu gravi les échelons du pouvoir pour finalement assumer un rôle officiel en tant que sultans d’empires successifs s’étendant depuis l’Égypte jusqu’à la Syrie. Au XIIIe siècle, au cœur d’une lutte effrénée contre les invasions mongoles
et contre l’ultime tentative croisée pour récupérer la Terre Sainte, les différents sultans mamelouks réussirent une fois de plus à sauver la foi du Prophète Muhammad.
Ils étaient les vrais défenseurs de l’islam et étaient prêts à tout pour le prouver.
Et voilà comment, en suivant la voie empruntée par le grand Salah al-Din un siècle plus tôt, les Mamelouks s’attelèrent à une œuvre de taille, celle de rendre à Jérusalem toute sa splendeur religieuse. La Jérusalem de l’esplanade des Mosquées, troisième ville d’importance capitale pour l’Islam après La Mecque et Médine, connaît la construction d’écoles islamiques, la rénovation d’édifices religieux, de mosquées, de centres religieux soufis, l’aménagement d’espaces publics, etc.

Ghawanima Minaret

À l’extrême nord-est de l’esplanade des mosquées, le minaret Ghawanima, érigé en 1297, fut une des premières constructions mamelouks à Jérusalem.

La rénovation de Jérusalem comme joyau de l’islam

En deux mille ans d’histoire, aucun empire n’aura déployé autant d’efforts au rayonnement de la Ville Sainte. Si la Jérusalem antique est telle que nous la voyons aujourd’hui,
c’est en grande partie grâce à ces esclaves affranchis, devenus guerriers.
Peu nombreux sont ceux qui s’attendaient à leur arrivée au pouvoir en 1260 et moins encore sont ceux qui, trois siècles plus tard, ont pu prédire leur chute.
Lorsque le sultan de la dynastie Ayubí al-Salih tombe en pleine bataille contre les Mongoles, son épouse, la veuve Shajar al-Durr décide de continuer la bataille : la victoire étant proche,
il était risqué d’annoncer la mort du sultan. Au chevet de la veuve, la garde mamelouk, de plus en plus impliquée dans les affaires du palais, voit venir l’opportunité rêvée.
Maintenant ou jamais. Dix ans plus tard, le premier sultan mamelouk de l’histoire occupera la place du gardien de l’Islam, prélude de trois siècles d’occupation mamelouk.
Leur capitale : Le Caire. Leur objectif : faire revivre Jérusalem, troisième ville la plus importante de l’Islam.

Souk des marchands de coton

S’ils ont largement travaillé à la construction d’édifices religieux,
les Mamelouks participèrent aussi à l’aménagement de certains espaces publics de la ville sainte : restauration du système hydraulique reliant les piscines de Salomon à Bethléem à Jérusalem, construction de marchés, d’hospices pour pèlerins, ou de lieux d’utilité publique comme des fontaines communes. Ici, le marché des vendeurs de coton. A la sortie de l’esplanade, les habitants de Jérusalem bénéficiaient d’un vrai marché, dont la présence encore aujourd’hui nous rappelle l’époque mamelouke.

Porte du souk des marchands de coton 1335-1336

Porte permettant l’accès au souk des marchands de coton depuis l’esplanade des Mosquées. La porte comme le marché furent construits sous le vice-roi de Syrie, Tankiz, lequel fit également construire une école islamique à son nom. Les bénéfices du marché étaient destinés tant à l’entretien de l’école islamique Tankiziya qu’à celui de l’esplanade des Mosquées.

 

Des constructions prévues pour durer

« Ils ont donné à la ville de Jérusalem une importance religieuse plus grande encore que toutes les dynasties qui les ont précédés » souligne Kate Raphael, docteur en archéologie à l’Université hébraïque. Un vrai centre d’activité religieuse autour de l’esplanade des Mosquées voit le jour au cœur de la Jérusalem mamelouk, et le style architectural tel que nous le voyons aujourd’hui et qui confère à la vieille ville son caractère islamique, est celui laissé par les Mamelouks. En outre, continue la docteur Raphael « c’est la première fois que nous assistons au phénomène suivant : non seulement ils firent construire de nombreux édifices, mais ils s’assurèrent aussi que ces édifices pourraient perdurer dans le temps » elle explique. « Ils établirent les bases pour assurer la perpétuité de ces institutions. Prenons l’exemple d’une école islamique, non seulement ils en entreprenaient la construction mais ils élaboraient également tout un système d’entretien de telle sorte que tous les villages des alentours donnaient chaque année un pourcentage de leurs revenus pour financer l’école. Ils savaient que construire pour construire n’était pas suffisant. ».

Ashrafiyya Collège

Le collège, commencé vers 1465 par le sultan al-Ashraf Khushqadam, n’avait pu être terminé en raison de la mort du sultan deux années plus tard.
Pour ne pas laisser la construction à l’abandon, le surintendant de Jérusalem se rendit au Caire afin de demander au nouveau sultan de poursuivre le travail. Lorsque quelques années plus tard, le sultan Qaitbay visita Jérusalem, le nouveau bâtiment ne trouva pas grâce à ses yeux et il ordonna
la reconstruction du collège qu’il confia à un architecte copte. Le résultat est encore visible aujourd’hui.

L’école Tankiziya

À l’ouest de l’esplanade des Mosquées se trouvent les restes de ce qui fut autrefois l’école Tankiziya construite par le vice-roi de Syrie, Tankiz, de qui vient son nom. Le bâtiment, véritable complexe, comprenait : un couvent soufi, un collège, une école de Tradition, une école pour orphelins, une zone résidentielle aménagée avec des bains, un marché dont les revenus assuraient l’entretien des lieux, et encore un asile pour femmes âgées pouvant en accueillir jusqu’à douze.

Une ville splendide et sans murailles

Il est curieux note la docteur Raphael, qu’ils aient employé tous leurs efforts à faire de Jérusalem un centre religieux sans aller plus loin, qu’ils n’aient pas trouvé d’intérêt à développer d’autres aspects urbains. « Je me réfère par exemple au fait qu’à cette époque Jérusalem n’était pas fortifiée, la ville n’était pas entourée de murailles, c’était une ville exposée de toutes parts à l’attaquant » explique-t-ell. Un fait étonnant si l’on considère la grande importance religieuse de Jérusalem lors des dynasties mameloukes. « Peut-être pensaient-ils qu’après avoir repoussé les invasions mongoles et avoir chassé les Croisés de Terre Sainte, tous les dangers étaient écartés. Même si c’était vrai, il n’en est pas moins surprenant qu’aucun sultan ne se soit soucié de fortifier la ville » conclut-elle. Presque soixante sultans mamelouks se sont succédés et contribuèrent à exalter la splendeur de Jérusalem pendant trois siècles. En 1517, ils tombèrent face aux nouveaux défenseurs de l’Islam, laissant place à l’empire Ottoman.

Dernière mise à jour: 31/12/2023 14:53