Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Le temps des retours

Archiprêtre Alexandre Winogradsky Patriarcat Grec-Orthodoxe de Jérusalem
30 septembre 2011
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À peine le Ramadan s’achève-t-il que Jérusalem revêt de nouveau ses habits de fête. C’est au tour des juifs à vivre leurs fêtes les plus importantes de l’année.
Mais les chrétiens sont-ils si étrangers à ce concert de prières ?


Jérusalem serait-elle le cœur tellurique du monde ? Elle attire comme un aimant. L’orthographe française permet un jeu de mot. Une ville où l’on se croise sans se rencontrer ; ou bien encore de brèves rencontres. Comme par fulgurances, Jérusalem, la Terre Sainte attirent sans répit les chercheurs de vie intérieure, ou bien ceux qui s’accrochent à des rêves insensés.
En 2011, les calendriers du Ramadan musulman (1432), de Av (“consolateur”) juif (5771) et le mois d’août selon la tradition orientale se suivirent en parallèle pour offrir un temps de conversion, de dialogue paisible avec autrui, de charité, de pardon, de prière, de convivialité. L’Église orthodoxe commence la nouvelle année liturgique au 1er septembre (14/9 calendrier julien) – cette année on entre en 7520 de la création – ce qui souligne l’enracinement des fêtes sémitiques et hébraïques.

Le Tombeau est vide ; la Résurrection ne peut se mettre en boite comme certains croient vendre de l’air de Jérusalem !

Il est frappant de voir combien nous sommes les héritiers d’un calendrier sumérien. Babel fut peut-être “confusion” ; elle est aussi “bab-El”, la Porte du Ciel. En été, les traditions chrétiennes célèbrent les temps à venir. La Transfiguration est comme un flash intensif sur le Christ et le rassemblement de l’histoire. Cette fulgurance de quelques secondes stupéfia les disciples endormis. Puis, la Vierge s’est endormie d’un profond sommeil. Où cela se passa-t-il ? Comme pour la Transfiguration, on n’est sûr de rien et tout renvoie à Jérusalem…
À Jérusalem, on voudrait tout pérenniser. Certains juifs pensent que l’histoire se serait condensée autour du Temple. Les syro-orthodoxes pensent que Jésus a tout accompli Rue Saint Marc… D’autres ne reconnaissent que le Saint Sépulcre. Le Tombeau est vide ; la Résurrection ne peut se mettre en boite comme certains croient vendre de l’air de Jérusalem !
Dans la tradition orthodoxe, on bouge sans cesse à travers le pays pour célébrer la mémoire d’un saint, de la Vierge, de son endormissement ; ou bien à Haïfa pour suivre le prophète Élie. Bref, le croyant n’est jamais casanier.
Pierre a déclaré que c’est en raison de nos péchés que le Seigneur tarde à revenir dans la gloire (Actes des Apôtres ch. 2-3).
Dès le mois d’août (le 9 Av), la communauté juive rappelle la destruction des deux Temples, de la ville de Jérusalem, les exils et les persécutions.
Le judaïsme se prépare, au plus fort de la chaleur (Genèse 18,1), à la nouvelle année d’automne. Un temps issu de la civilisation sumérienne. Rosh HaShana est le “cappo d’anno” de l’an neuf. Un temps de création et de jugement que l’on pressent positif puisque nous sommes encore là, de génération en génération. “Shana = changer, mais aussi répéter, enseigner, passer au-delà du sommeil (shena)”.

La joie du pardon

Dix jours plus tard, c’est le Jour du Grand Pardon ; jour d’expiation, Yom Kippour, de la racine akkadienne “kipuru = rançon”. Pardon ? Oui, d’abord la réconciliation si difficile entre les êtres humains. Dieu peut ensuite décider d’inscrire les noms dans le “Livre de la Vie”. Six jours plus tard, la fête de Sukkot (Tabernacles, tentes) : l’étude, l’histoire, le temps, la vie sont assemblés dans ces huttes de pèlerinage vers la célébration du Dieu Un.
Jérusalem se couvre alors de branchages, de larges palmes, de bouquets de myrte, de roseaux auxquels on joint un cédrat odorant, gros comme le cœur de l’être humain. Il y a une joie profonde ; le pardon rachète, il est joyeux, communautaire, international, pourrait-on dire “inter-sidéral”. Car le salut concerne tout l’univers, toutes galaxies et c’est à peine si l’on a marché sur la Lune…
La prière de Kippour exprime ce retour vers Dieu : “Seigneur, Pardonne, absous, efface les péchés de toute la communauté de la Maison d’Israël comme ceux de l’étranger qui habite avec elle, car tout le peuple (= nation humaine) a erré par folie et inconscience.”
La liturgie byzantine reprend cette litanie de repentir. Les mêmes paroles sont dites pendant le jeûne musulman du Ramadan. Cette similitude souligne l’enracinement de mots sur cette terre où individus et communautés s’interrogent sans cesse sur le sens de réalités qui semblent tituber entre “l’être et le néant”. Ici, on défie la plénitude des temps en essayant de suivre avec foi le cours des jours, des mois, des années et “mille ans sont comme le jour d’hier (Psaume 90,4 hbr.).
Au fond, c’est une histoire de points cardinaux : Le Mur occidental (dit “des Lamentations”) accueille les fidèles tournés vers l’Est. Il est axé sur l’Ouest, le monde des Nations. L’autel central des Sacrifices était placé vers le nord…
Cette universalité en dépit de tout est l’âme de Jérusalem. C’est particulièrement sensible pendant ces jours de ferveur automnale. La prière juive l’exprime avec profondeur et beauté : “Dieu de nos pères, élève-toi et manifeste-toi dans ta gloire à toute la création. Ainsi tout être vivant, tout être qu’emplit un souffle de vie par les narines, dira : le Seigneur, le Dieu d’Israël est vivant et Son règne n’a pas de limite”.

Dernière mise à jour: 31/12/2023 12:30