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L’économie palestinienne et le « danger chinois »

Giuseppe Caffuli
30 septembre 2011
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L’économie palestinienne et le « danger chinois »

Aux difficultés endémiques générées par la situation politique, l’économie des Territoires palestiniens (notamment) doit lutter de plus en plus contre les effets de la mondialisation.


La société Herbawi Textile, petite fabrique familiale d’Hébron, est devenue le symbole de la résistance de l’économie proche-orientale au « géant chinois ». Herbawi est en effet désormais la seule entreprise palestinienne à fabriquer encore d’authentiques kefieh, les couvre-chef arabes devenus célèbres parce que portés par le leader de l’OLP, Yasser Arafat. Voici dix ans encore, en 2000, il existait une centaine de fabriques comme celle-là dans les Territoires palestiniens et leur production était florissante. Aujourd’hui en revanche, sur le marché règne – même pour le kefieh – la marque made in China. Les commerçants cachent l’étiquette tant bien que mal ou la découpent mais les produits chinois se taillent la part du lion dans la Vieille Ville de Jérusalem, de Jéricho, de Bethléem. La Herbawi a son siège à Hébron, dans un hangar qui compte 15 machines dont seules 4 sont encore en activité. « Nous produisons en moyenne 3 600 pièces par mois – nous explique Abd-Alazzeem Herbawi, fils du propriétaire de l’entreprise – et nous pâtissons de la concurrence chinoise qui produit bien davantage et à des prix inférieurs ». Dans les années 90, la production était bien supérieure : de 500 à 700 kefieh par jour avec la possibilité de faire travailler 10 personnes. Aujourd’hui le marché ne le permet plus.

La qualité ne fait plus la différence

Et pourtant la différence avec le made in China est évidente : il suffit de passer les doigts sur le tissu pour en recevoir une agréable sensation au toucher : les kefieh de cette manufacture sont compacts, composés à 70% de coton, le reste étant en polyester. Les prix d’usine sont très bons, au moins pour les occidentaux : les kefieh coûtent 5 euros pièce mais, dans les magasins d’Hébron où ils sont revendus, les prix varient selon le gérant et la volonté de chaque touriste de marchander. Les modèles et les couleurs sont multiples mais le plus vendu demeure le « modèle Arafat » alors que le kefih rouge, qui rappelle la Jordanie et le Front Populaire, suit au deuxième rang. Les autres, aux couleurs et associations de couleur les plus variées, s’adaptent aux goûts dictés par les modes du moment, surtout à l’étranger où le kefieh a perdu sa signification politique et alors que les acheteurs ne savent rien de l’histoire de ce couvre-chef ou de celle de la Palestine. Le marché textile constitue cependant seulement une petite partie des intérêts économiques de la Chine au Proche-Orient. De nombreux produits religieux en vente dans les magasins viennent de Chine qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans.
Si la Chine s’est implantée au Proche-Orient, comme ailleurs grâce à ses produits manufacturés, son implantation la plus importante est dans les ressources minières : selon l’agence économique Bloomberg, en effet, la Compagnie pétrolière nationale chinoise, la plus grande entreprise de Pékin du secteur en question, présente en Syrie depuis 2002, a acquis, en mai dernier, 35% de la filiale syrienne de la compagnie pétrolière Royal Dutch Shell, pour un montant de 1,5 milliard de dollars. La filiale a demandé au gouvernement syrien des licences qui lui permettraient d’ouvrir quarante puits de pétrole supplémentaires. Et toujours selon Bloomberg, les gouvernements chinois et égyptien étudieraient une collaboration dans le secteur pétrolier afin de lancer une société commune ayant pour objectif de s’affirmer sur les marchés africain et proche-oriental.


Solidarité et bonnes affaires

« 15 shekels le foulard ? Ça fait 3 euros, n’est-ce pas ? Génial ! Je n’aurais jamais une telle qualité à ce prix-là en France. Je vais en prendre trois. 3 fois 15 égalent 45, tu peux lui demander si je peux les avoir pour 40 (8 euros) ? ». Le vendeur accepte en maugréant, je quitte le magasin un peu triste d’avoir marchandé. Pour la plupart des occidentaux les prix des bibelots qu’on rapporte en souvenir sont très abordables, mais ils marchandent, marchandent encore. Certes, c’est de tradition dans le pays pourtant il y a des limites ; celle ultime où l’on étrangle le commerçant, qui étranglera son fournisseur, qui étranglera son ouvrier, qui privera les siens. C’est ici comme ailleurs, et si « la misère est moins pénible au soleil » comme chante Aznavour, il ne faudrait pas que les pèlerins qui viennent en Terre Sainte pensent que les populations de ce pays marchent à ce point sur les pas des prophètes qu’elles ne se nourrissent que de la Parole de Dieu. À bon entendeur…

Dernière mise à jour: 31/12/2023 14:21