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La tradition des Hammams

30 novembre 2011
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La tradition des Hammams

Jérusalem, Saint Jean d’Acre, Nazareth, Naplouse, Ramallah, Hébron. Les cités antiques de Terre Sainte redécouvrent leur patrimoine ancestral et cherchent à le mettre en valeur.
Toutes ces villes s’attachent depuis quelques années à restaurer et redonner de la vie à leurs bains publics, connus aussi comme bains turcs ou Hammam en arabe.
Zoom sur un élément de la culture proche-orientale dont nos spas contemporainssont un très pâle reflet..


Un peu d’histoire

Le hammam (signifiant « qui répand la chaleur » en arabe), aussi appelé « bain maure » ou « bain turc », est une tradition datant de l’Empire romain. Les fameux bains à vapeur inspirèrent par la suite les Turcs pour construire leurs propres bains. Vers 600 après Jésus-Christ, la pratique du hammam commença à se développer sous l’impulsion de Mahomet. En effet, le prophète vantait les vertus de la chaleur du hammam, censée augmenter la fertilité et donc favoriser l’accroissement de la communauté des croyants. Le hammam devint vite une annexe à la mosquée, où se baignaient les croyants pour respecter les règles d’hygiène et de purification de l’Islam. Les Arabes vinrent de plus en plus fréquemment prendre des bains dans les hammams (pas facile de revenir aux bains d’eau froide quand on goûte au plaisir d’une chaleur pouvant atteindre 50 degrés !), qui devinrent des lieux de repos et de farniente propices aux nouvelles rencontres.

 

Plaisirs du bain et de la conversation

Les bains étaient un des rares endroits ouverts à tout le monde, du petit matin jusqu’aux heures avancées de la nuit. Ainsi, le lieu rassemblait toutes les tranches du peuple : riches et pauvres, jeunes et vieux… La fréquentation du hammam faisait partie intégrante de la vie sociale, si bien que même les plus fortunés désertaient les bains privés pour fréquenter ces lieux, et montrer qu’ils étaient propres. Les jeunes filles faisaient admirer leurs serviettes, les hommes parlaient la plupart du temps affaires et politique. Parmi les personnages incontournables se trouvait le barbier qui lavait les visages et les corps, coupait les cheveux, massait ou frottait la plante des pieds des baigneurs. Et pour cause, un pied sans cals permettait non seulement de laisser s’échapper les mauvaises odeurs, mais aussi de soigner les migraines. Du fait de la grande proximité entre le barbier et les baigneurs, ces derniers n’étaient pas autorisés à manger de l’ail ! Pour s’enquérir des dernières nouvelles de la ville, le barbier était aussi le parfait interlocuteur.

Prestige et popularité

Plus une ville comptait un nombre important de hammams, plus sa puissance était grande. Ainsi, Bagdad pouvait s’enorgueillir de l’implantation de plus de 3 000 hammams !
La ville d’Hébron où l’usage du Hammam n’était pas populaire en comptait 5. La ville de Naplouse aujourd’hui en compte encore 6 en activité.
Souvent, les bains étaient construits grâce aux fonds des églises ou des gouvernements, mais parfois les plus riches étaient aussi à l’origine des projets. L’écrivain arabe Yusuf B. Abdalhadi écrivait que « quiconque a commis des péchés devrait construire un bain », car on disait que bâtir un hammam était bien vu par Allah. Si les propriétaires étaient riches, il n’en était cependant pas de même pour les clients. Pour que tout le monde puisse entrer dans les hammans, le prix d’entrée était minime.

Les hammams à l’abandon

Au milieu du XVIIIe siècle, les hammams ont commencé à être délaissés par les riches patrons, attirés par les nouveautés de la Révolution Industrielle (machines à vapeur par exemple). Les ornements, tapis et mosaïques furent enlevés. Dès lors, seules les classes populaires continuèrent à se rendre aux bains.
Au milieu du XIXe siècle la plupart des hammans de Jérusalem, biens du Waqf musulman furent vendus à des étrangers et tombèrent dans le domaine privé. Leur espace architectural exceptionnel en fit des maisons de toute beauté mais connues de leurs seuls propriétaires.

Et les femmes ?

A l’origine, quand Mahomet recommandait les hammams pour prier et se détendre, les femmes ne pouvaient y entrer. Quand on se rendit compte des bienfaits des bains, les femmes furent cependant autorisées à fréquenter les hammams après une maladie ou un accouchement. Peu à peu, elles vinrent régulièrement pour papoter avec leurs amies. Cette pratique devint une partie intégrante de leur vie quotidienne, à tel point que si leur mari leur interdisait de se rendre au hammam, les femmes pouvaient prétendre au divorce.

Acre, Jérusalem, Hébron et Naplouse

Le Hammam Al-Ayn de Jérusalem était un des plus importants bains de la ville. Il fut construit au XIVe siècle, et était alimenté par les eaux du canal El-Sabil. Détail important car ce canal alimentait la source El-Arub dont les eaux coulaient jusque dans la mosquée El-Aqsa. De l’antique hammam, il ne reste aujourd’hui plus que la salle qui servait à chauffer l’eau. Rénové en 2011, le hammam ne retrouvera cependant pas son activité pour des raisons techniques et politiques. Il sera converti en lieu de rencontres et d’expositions.
En revanche, le Hammam Al-Shifa à Naplouse est toujours en activité depuis sa création au XVIIe siècle. Des manifestations culturelles y sont temporairement organisées.
Un des Hammas d’Hébron a lui aussi été restauré et transformé en musée. Il accueili récemment une exposition de l’ONG de la Custodie de Terre Sainte sur l’art de la mosaïque.
A Saint-Jean d’Acre, le musée ouvert dans le Hammam El-Pacha donne à voir, en suivant l’histoire fictive d’une famille en charge des lieux, la vie, l’histoire et la tradition du Hammam comme celle de la ville.

 

 

 

Dernière mise à jour: 31/12/2023 20:58