Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Frère Sergio : le franciscain, les diplomates, et le Bon Dieu

Myriam Ambroselli
4 juin 2012
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Frère Sergio : le franciscain, les diplomates, et le Bon Dieu
Mars 2011, le père Sergio guide le président de la république chilienne, Sebastián Piñera et son épouse dans la Vieille Ville. Ici, sur le parvis du Saint Sépulcre. © Marco Gavasso/CTS

La Custodie, avec le patriarcat latin, est très investie dans le champ
de la pastorale auprès des communautés locales. Son internationalité a depuis toujours permis aux frères franciscains de se tourner vers la communauté des expatriés installés ici. Rencontre avec le frère Sergio, l’aumônier des diplomates hispanophones.


Quand il n’est pas en mission sur le terrain, c’est à Saint Jean du Désert , à Aïn Karem, qu’il faut aller pour trouver le père Sergio Olmedo. De nationalité chilienne, mais le cœur définitivement enraciné en Terre Sainte, le père est affecté à ce sanctuaire en 2001. En 2004, il y est nommé supérieur. Dès lors, il entreprend de nombreuses restaurations.
Lorsque l’on demande au père Sergio d’où il vient, il commence par répondre « Je suis de la Custodie ». Il explique comment il est d’abord rentré chez les Franciscains à Buenos Aires, puis comment il a passé quelque temps à Rome en tant que postulant. Il vint ensuite faire son noviciat en Terre Sainte, à Ain Karem et depuis, il n’a pas quitté la Terre Sainte. Il a vécu dans différents sanctuaires à Bethléem et à Jérusalem. « Je suis un enfant de la Custodie de Terre Sainte, je ne suis pas de la province de Buenos Aires. Je suis né et j’ai grandi en tant que Franciscain pour la Custodie de Terre Sainte ».

Une aumônerie pour les diplomates hispanophones

Le père Sergio raconte comment lorsqu’il est entré dans la Custodie, il n’a jamais pensé qu’un jour il mènerait une telle pastorale. « J’imaginais que j’allais me consacrer à prier, à travailler dans le jardin, à célébrer la messe. Mais le Seigneur m’avait préparé d’autres chemins… ».
L’origine de cette communauté hispanophone remonte à l’époque où le père Sergio était à la paroisse franciscaine de Jaffa-Tel Aviv en tant que diacre. « Tout a commencé en l’an 2000 à Jaffa, lorsqu’il m’avait été confié la responsabilité de toute la communauté d’Amérique Latine. Aussi bien des diplomates que des sans papiers. Ensuite, lorsque j’ai été envoyé en 2001 à Saint Jean du désert, certains m’ont suivi. Pour les sans-papiers, ce fut plus difficile, mais je suis resté en relation avec nombre d’entre eux et je les visite lorsque je vais à Jaffa – Et d’autres frères mènent à Jaffa une pastorale extraordinaire. Quant aux diplomates, ils pouvaient profiter des week-ends pour aller à Jérusalem et faire étape ici à Saint Jean. Depuis la tradition s’est installée.»
Le charisme du père Olmedo et la beauté de ce havre de paix situé au cœur des montagnes de Judée, dans la vallée de Sorec, ont fait le reste.
À partir de 2006, cette communauté hispanophone a commencé à prendre de l’ampleur, six ans après que les premiers jalons aient été posés. « La pastorale s’adresse désormais à tous les consuls et ambassadeurs hispanophones, du Chili, d’Argentine, du Brésil, d’Equateur, du Mexique, de Colombie ainsi qu’à ceux qui travaillent dans ces mêmes ambassades ou consulats. Elle est devenue peu à peu « l’aumônerie » des diplomates » raconte le père Sergio. Ils se réunissent en moyenne une fois par mois pour célébrer le samedi soir la messe en espagnol. L’ancienne salle à manger du couvent admirablement décorée au XXe siècle de fresques byzantines représentant les grands saints du désert leur sert de salle de réunion. Un lieu qui porte à la prière. Le père Sergio explique comment la pastorale va de pair avec la vie du sanctuaire de Saint Jean du désert : « au long de ce chemin spirituel qui se réalise lentement, ils s’identifient avec le sanctuaire. » En effet, ce lieu marque pour la plupart d’entre eux des étapes essentielles de leur vie spirituelle. « L’année dernière par exemple, nous avons eu trois premières communions, cette année nous en aurons une quatrième. Nous avons aussi de nombreux jeunes qui demandent la confirmation. » Pour cette petite communauté hispanophone, le père Sergio est guide, chantre, prêtre, aumônier et ami.

Le père Sergio souligne combien l’accompagnement spirituel est primordial lors de la visite des lieux saints : « L’essentiel est de vivre avec force le mystère de chacun de ces lieux, l’Incarnation, la Résurrection, etc. Une catéchèse in situ. »

Il s’emploie corps et âme à apporter une dimension spirituelle au séjour des diplomates en Terre Sainte qui dure en moyenne deux ans. Le père explique comment, lorsque le départ du consul ou de l’ambassadeur en poste approche, arrive son successeur. « Lorsqu’ils se délèguent les fonctions de leurs postes respectifs, ils s’indiquent aussi les bonnes adresses, et Saint Jean du désert en fait partie » ajoute en souriant le père Sergio. La diplomatie est organisée par groupes, consuls, vice-consuls, chefs de missions etc. mais la pastorale s’adresse à tous sans distinction de rang et offre un chacun un accompagnement spirituel. Guide de pèlerins, le père organise aussi avec eux des excursions dans les lieux saints, en Galilée ou ailleurs. La dernière a eu lieu notamment au Mont Carmel et à Nazareth, en mars dernier. « Des visites qui ne sont ni diplomatiques, ni politiques mais qui sont celles de Chrétiens catholiques en quête spirituelle. Ma mission est de leur faire découvrir l’importance des lieux saints, il ne s’agit pas de conjuguer religion et politique mais de leur offrir une formation spirituelle de telle manière qu’à l’heure de prendre des décisions politiques, ils puissent être éclairés en tant que catholiques. Il y a actuellement une séparation entre la foi et les décisions, et il arrive qu’un catholique puisse prendre des décisions contraires à la morale chrétienne, ce qui constitue une incohérence grave » souligne le père Sergio. Il raconte comment il s’est aussi lié d’amitié avec de nombreux ambassadeurs non catholiques mais qui ont su se laisser toucher par les lieux saints. Les témoignages foisonnent : « un ambassadeur athée de gauche m’a dit récemment qu’il s’était rendu compte dans les lieux saints que la foi n’était pas une invention de l’Église, qu’il y avait là une base de valeurs qu’il fallait prendre en compte et partager ». Le père Sergio souligne combien l’accompagnement spirituel est primordial lors de la visite des lieux saints : « L’essentiel est de vivre avec force le mystère de chacun de ces lieux, l’Incarnation, la Résurrection, etc. Une catéchèse in situ. »
Les fêtes des différents pays sont aussi des occasions de se réunir. Le père Sergio se souvient comment en 2006 pour la première fois, la fête nationale du Chili avait donné lieu à un banquet chaleureux dans les jardins du sanctuaire. Déjà à cette époque une centaine de personnes étaient venues, les ambassades de Colombie, du Chili, du Mexique, de l’Equateur, de l’Argentine, du Brésil etc. – aussi bien des représentants pour Israël que pour la Palestine. En mars 2011, il a également été donné au père Sergio d’organiser la visite du président de la république chilienne, Sebastián Piñera. « Les ambassadeurs de la communauté hispanophone avait informé le Chili qu’il pouvait s’adresser à la Custodie en ma personne pour une visite officielle des lieux saints en accord avec le protocole du Statu Quo ». Depuis, le père Sergio est la personne désignée pour assister les diplomates et hommes politiques, les recevoir et leur faire découvrir la Terre Sainte. « C’est une pastorale qui me remplit de satisfaction. Le gouvernement chilien a été très heureux du travail qui a été fait auprès des autorités en question pour respecter le protocole. En effet, la visite des lieux saints par un homme politique exige un protocole précis et complexe propre au Statu Quo. » Le père Sergio regrette seulement de ne pas avoir été là en mars 2010 lors de la visite du président de Panama Ricardo Martinelli. En effet, pendant que le père était en voyage au Chili, la visite du président est passée quasiment inaperçue côté chrétien.

Amoureux de la Terre Sainte

La richesse de la formation franciscaine en Terre Sainte explique la profondeur et l’intensité de l’apostolat du père Sergio. « Nous sommes des fils de la Custodie, formés dans les lieux saints depuis que nous sommes religieux. Les innombrables excursions bibliques faites avec des professeurs passionnants qui constituent notre formation font de nous des amoureux de la terre sur laquelle nous vivons, de telle sorte que cette terre devient une partie de nous-mêmes, et en vient même à former une seule identité avec nous-mêmes ». La communauté de diplomates hispanophones est née indéniablement grâce au charisme du père Sergio mais aussi grâce à la beauté naturelle et surnaturelle du sanctuaire qui attire également tous les jours un grand nombre de visiteurs et de pèlerins. Mais le charisme du père Sergio ne touche pas que les hispanophones. Il parle aussi français. Et si vous voulez vous en convaincre, allez lui rendre visite ! ♦

Saint Jean Baptiste au désert

À trois kilomètres d’Aïn Karem le lieu appelé ‘Aïn el-Habîs’ évoque celui où saint Jean Baptiste vécut son enfance et ses années de préparation à son ministère public. Les témoignages écrits qui appuient l’historicité du lieu sont relativement tardifs. Ils se basent sur le nom du lieu et sur les ruines. Le nom ‘Aïn el-Habîs’ signifie ‘fontaine de l’ermite’ ; il contient une allusion à la personnalité du précurseur de Jésus, prototype des ermites.
C’est sur des ruines qui existaient déjà que les Croisés ont construit une église et un couvent.
Le premier témoignage écrit est celui d’un auteur anonyme du XIIe siècle qui fait une brève mention de la chapelle du désert. Plus tard Jean Zuallard en parle en ces termes : « Partant de la Visitation il faut continuer durant deux ou trois milles pour visiter le Désert, où saint Jean Baptiste guidé et fortifié par l’Esprit Saint vécut son enfance jusqu’au jour où il se manifesta à Israël en prêchant le baptême de pénitence. Ayant rejoint ce désert par un chemin difficile et dangereux nous sommes arrivés avec une grande joie, en voyant un lieu si austère mais beau, bien qu’il ne soit pas actuellement aussi boisé qu’il paraît l’avoir été dans le passé, lieu rude et éloigné de toute habitation humaine. L’excavation naturelle où vivait le saint (qui est évoquée dans l’hymne liturgique Antra deserti) est une cavité dans la roche à mi-hauteur d’une pente de la montagne (couverte d’arbustes) qui se transforme en précipice, avec en face une vallée profonde. Cette caverne est assez grande. Au fond s’y trouve une élévation où l’on s’imagine que dormait le saint. L’entrée est très étroite. Près d’elle se trouve une petite fontaine d’une eau très bonne, que l’on peut recueillir en haut ou en bas. Au dessus il y a une petite église et un petit monastère, où l’on ne voit rien, sauf quelques parties de murs déjà détruits » (ELS 82).
En 1626 le Père Quaresimus parle d’une église dédiée à saint Jean Baptiste (ELS 82) ce qui fait penser à une restauration et une reconstruction de la part des franciscains.
En 1911, le 10 novembre, le Désert de Saint Jean a été acheté par la Custodie de Terre Sainte au Patriarcat Latin qui l’avait lui-même acquis vers 1850-1855. Le Patriarche, Monseigneur Valerga, y avait fait construire un autel dans la grotte.
L’église et le couvent d’A. Barluzzi ont été inaugurés en 1922. 

Dernière mise à jour: 04/01/2024 11:38