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L’avenir incertain des familles chrétiennes palestiniennes de Terre Sainte

Carlo Giorgi
6 juin 2012
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L’avenir incertain des familles chrétiennes palestiniennes de Terre Sainte
Le professeur Bernard Sabella

Les dernières statistiques israéliennes sur la population de Jérusalem annonce 14500 chrétiens dans l’agglomération. Le même chiffre qu’en 1948, mais les voisins musulmans et juifs ont eux plus que doublé leur nombre. Bernard Sabella, professeur de sociologie à l’université de Bethléem, apporte un éclairage sur la présence chrétienne en Terre Sainte.


(Milan) – Elles sont de moins en moins nombreuses. Et beaucoup rêvent d’émigrer pour assurer un avenir meilleur à leurs enfants. Il y a aujourd’hui dans les Territoires Palestiniens environ 15000 familles arabes chrétiennes, pour un total de 50000 fidèles, qui ont été représentées par une petite délégation à la rencontre mondiale des familles à Milan. Ces dernières années, la situation de ces familles est devenue de plus en plus difficile. « Ils doivent faire face à deux types de problèmes, tous liés les uns aux autres », indique Bernard Sabella, professeur de sociologie à l’université de Bethléem  et auteur de nombreux ouvrages sur les arabes chrétiens. « D’une part, il y a l’occupation israélienne, dont les chrétiens palestiniens, tout comme la majorité musulmane, subissent les conséquences ; d’autre part, le fait que le nombre d’arabes chrétiens est en constante diminution relativement au reste de la société, ce qui met en péril la survie même de la communauté. »

Dans la Vieille Ville de Jérusalem, par exemple, il y avait, en 1998,  14400 chrétiens pour 353800 juifs et 125200 musulmans.

Vingt ans plus tard, en 2009, le nombre de chrétiens a à peine augmenté (14500) tandis que le nombre de juifs (763500) et de musulmans (264300) a doublé. « L’occupation est difficile à vivre pour tout le monde, chrétiens et musulmans, et tous, dans les Territoires, sont confrontés aux difficultés liées à la crise économique et au chômage » explique Sabella. Mais les conséquences sont pires pour la communauté chrétienne, dont la taille est restreinte dès le départ. Il y a par exemple, à l’heure actuelle, dans la Vieille Ville de Jérusalem, 109 jeunes femmes chrétiennes en âge de se marier et seulement 85 jeunes hommes chrétiens, parce qu’un grand nombre d’entre eux ont émigré pour leur travail ou leurs études. Ce qui signifie que de nombreuses jeunes filles chrétiennes sont vouées à demeurer célibataires et que le nombre de familles chrétiennes est voué à diminuer. » Un autre problème tient au faible taux de natalité dans les familles arabes chrétiennes. « Mes parents ont eu huit enfants, raconte Sabella, j’en ai eu trois et mes deux enfants qui sont mariés n’ont pas encore d’enfants ».

« Les familles chrétiennes palestiniennes adoptent des taux de croissance démographique comparables à ceux de l’Occident ; les jeunes couples partagent les attentes typiques des classes moyennes européennes, rêvant que leurs enfants fassent de bonnes études et trouvent un bon poste. C’est aussi pour cette raison que notre taux de natalité a diminué et se situe entre 1,5 et 2 pour cent ; bien que positif, ce taux est inférieur à celui de la communauté musulmane, qui est bien plus nombreuse. Le problème tient aussi au fait que le taux d’émigration dans la communauté chrétienne est d’un pour cent par an. » Morale de l’histoire : la communauté chrétienne de Terre Sainte ne s’accroît pas et sa proportion diminue même rapidement par rapport au reste de la population. « Quoiqu’il en soit, l’un des problèmes principaux tient à l’instabilité politique » poursuit Sabella, « si elles pouvaient imaginer une vie normale pour leurs enfants, de nombreuses familles chrétiennes resteraient en Palestine. La situation des arabes chrétiens qui vivent en Israël en revanche, est bien meilleure. Dans une ville comme Haïfa, par exemple, les arabes chrétiens vivent en paix avec les juifs et les musulmans et peuvent faire des projets pour l’avenir. »