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Mgr Younan: « Nous, chrétiens syriens, vendus par l’Occident pour du pétrole »

Manuela Borraccino
30 août 2013
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Mgr Younan: « Nous, chrétiens syriens, vendus par l’Occident pour du pétrole »
Youssef III Younan, Patriarche syriaque-catholique

Les chrétiens syriens « ont été trahis et vendus par l’Occident », affirme le Patriarche syriaque-catholique Youssef III Younan. En ces jours où l’on discute d’une éventuelle intervention militaire, le Patriarche critique encore une fois « la politique cynique et machiavélique » des puissances qui depuis deux ans et demi ont armé les rebelles.


(Milan) – Les chrétiens syriens « ont été trahis et vendus par l’Occident », affirme le Patriarche syriaque-catholique Youssef III Younan. En ces jours où l’on discute d’une éventuelle intervention militaire, le Patriarche critique encore une fois « la politique cynique et machiavélique » des puissances qui depuis deux ans et demi ont armé les rebelles, pour ensuite se rendre compte qu’il ne peut y avoir de solution militaire à la crise. 

Patriarche Younan, il y a quelques jours, un de vos prêtres a été blessé à Damas. Que sait-on de son état ?

C’est le Père Amer Qassar. Il a 34 ans et a été ordonné prêtre du diocèse de Damas en 2003. Il est pasteur de notre église de Qatanah, dans le sud de la capitale. Mercredi 21 août, vers 18 h, il se rendait à l’église de Notre Dame de Fatima, dans le centre de Damas, lorsqu’une bombe a explosé à quelques mètres de lui, le blessant gravement au visage, au ventre et aux jambes. Il est resté sous les gravats pendant deux heures, mais d’après ce que m’a dit son frère le 25 août, Dieu merci il va un peu mieux, mais ne peut encore parler. Nous prions pour sa guérison.

Les États Unis et la France envisagent une intervention militaire. Qu’en pensez-vous ?

Au lieu d’aider les différents partis à chercher des solutions pour se réconcilier, entamer un dialogue vers des réformes basées le pluralisme, ces puissances, jusqu’à présent, ont armé les rebelles, incité à la violence et aggravé les relations entre chiites et sunnites. L’Occident pense qu’avec les sunnites au gouvernement la démocratie remplacera la dictature, mais ceci n’est qu’une grande illusion : changer le régime par la force, sans offrir de garanties aux partis d’inspiration laïque va provoquer un conflit plus grave qu’en Irak.

Vous avez souvent souligné l’ambiguïté des rapports qu’entretient l’Occident avec les monarchies du Golf. Considérez-vous toujours que ces pays soient coresponsables de ce qui se passe en Syrie ?

Certainement, parce que nous ne nous faisons plus aucune illusion sur la politique cynique et machiavélique de ces pays et de l’Occident : la France, la Grande Bretagne, les États-Unis… ils ne voient rien d’autre que le pétrole et ont oublié leurs principes. Depuis deux ans, avec la Turquie, tous disent que le régime va s’effondrer : c’est le plus grand mensonge raconté aux opinions publiques respectives, et la pire erreur de calcul qui ait été commise depuis ces dix dernières années. Le régime est encore en place, le pays est détruit et plus de 100 000 personnes sont mortes. Nous, chrétiens, avons été trahis et vendus pour du pétrole. L’Occident soutient au nom de la démocratie des régimes qui n’ont rien de démocratique ; le Qatar et l’Arabie Saoudite font partie des pays les plus rétrogrades du monde. Leurs chefs sont reçus dans les palaces occidentaux comme des héraults de la démocratie, du pluralisme et de la tolérance !

Pourquoi cette escalade de violence contre les chrétiens ?

Toute la population souffre, mais particulièrement les chrétiens. Ils sont victimes de la haine d’une communauté qui pense défendre la cause de Dieu, même par la force. Cela fait deux mois que notre prêtre, François Mourad, a été assassiné dans le couvent de Ghassanieh, dans le nord Ouest de la Syrie, près de la Turquie, par des terroristes du Jabhat Al-Nusrah. Il y a une dizaine de jours, un autre massacre a eu lieu à l’ouest de Homs : une vingtaine de chrétiens ont été tués.