Paul VI en Terre Sainte – La charte du pèlerin
À force de voyages de papes en Terre Sainte, on en oublierait la portée historique du premier pèlerinage effectué par le pape Paul VI. Pour mieux comprendre cet événement, nous vous proposons d’emprunter une machine à remonter le temps et de parcourir les pages du numéro spécial que lui consacra La Terre Sainte en mars-avril 1964.
“Nous sommes si profondément convaincu qu’il faut intensifier les prières et les œuvres pour l’heureuse conclusion du Concile, que Nous avons décidé, après une mûre réflexion et de nombreuses prières, de nous faire Nous-mêmes pèlerin dans la terre de Jésus Notre Seigneur… pour honorer personnellement, dans les lieux saints où le Christ naquit, vécut, mourut et monta au ciel après sa résurrection, les principaux mystères de notre salut : l’Incarnation et la Rédemption. Nous verrons ce sol béni d’où partit Pierre et où aucun de ses successeurs ne retourna. Nous y retournerons, humblement et brièvement, en signe de prière, de pénitence et de rénovation, pour offrir au Christ son Église, pour appeler à elle, unique et sainte, les frères séparés, pour implorer la miséricorde divine en faveur de la paix entre les hommes… pour supplier le Christ Seigneur pour le salut de l’humanité tout entière”.
Pour moi, ce qui m’a frappée, c’est son geste de quitter le Vatican et de venir ici. C’est-à-dire qu’il ne s’inquiète pas de sa vie. Il s’inquiète d’une chose, c’est de voir la terre où Jésus a passé sa vie. Cet acte a relevé le courage de tous les cœurs chrétiens. En visitant la Jordanie, il prouve que c’est notre devoir de visiter les Lieux-Saints. Je regrette de ne l’avoir pas vu et que tout le monde l’ait poussé, mais si je n’ai pas vu son visage, j’ai vu sa lumière et sa sainteté dans mon cœur.
Marie Toubassi, 15 ans environ en 1964. Elle s’est mariée et a eu des enfants.
L’éditorial, exceptionnellement signé du Custode, frère Lino Cappiello s’intitule : La grande charte du pèlerin. “Lorsque le 4 décembre 1963, en son discours final de la 2e session du Concile Vatican II, S. S. Paul VI prononça ces paroles, tout le monde en eut la respiration coupée. La nouvelle, certes, était surprenante et extraordinaire, l’événement grandiose et sa valeur immense pour les auditeurs de la radio ou de la télévision. Mais il y avait plus que cela. Cette annonce historique, au milieu d’une émotion profonde et d’une joie incommensurable, sous les voutes de Saint-Pierre, devant la plus auguste assemblée des prélats de l’Église catholique, devant les observateurs des Églises chrétiennes, était la proclamation solennelle de la “Grande Charte” du pèlerin. Le Saint-Père, en effet, indiquait en peu de mots le but, les dispositions d’âme, les intentions de tout vrai pèlerinage.
Le but : un lieu saint honoré d’un culte spécial à cause d’un souvenir en relation avec notre sainte religion, par exemple et surtout, les lieux sanctifiés par la vie et la mort de Notre-Seigneur.
Les dispositions d’âme : le pèlerin doit laisser chez lui sa forma mentis de chaque jour et se faire une âme neuve, avec un esprit et un désir de prière, de sacrifice, de rénovation. Seules ces dispositions spirituelles l’aideront à bien accomplir son pèlerinage. Seul ce vêtement intérieur le distinguera du touriste ou du simple voyageur.
Les intentions : plus sublime sera le but du pèlerinage, plus grands seront la noblesse et le mérite de cet acte religieux. C’est selon les intentions du pèlerinage, de la prière, de la pénitence, de la rénovation, que le Seigneur se montrera disposé à exaucer le pèlerin.
Puis c’est le père Georges Lugans, directeur de la revue qui prend la plume. On sent le souffle de l’émotion qui l’anime encore. “Sa Sainteté le pape Paul VI avait annoncé et n’a cessé de répéter, lorsque cela était nécessaire, que son voyage n’avait qu’un but spirituel. C’était un pèlerinage “vers les Lieux-Saints où le Christ naquit, vécut, mourut et, ressuscité, monta au ciel”. II a voulu accomplir son “pèlerinage aux sources”. Les sources de l’Église, c’est Jésus-Christ, ce sont les Évangiles, ce sont Pierre et les autres apôtres, c’est la Palestine, c’est l’esprit et le souffle de cette première époque qui vit, une fois le Christ remonté au ciel, son Vicaire planter l’Église en Orient et aller fixer son siège a Rome et y mourir en témoignage de sa foi. Le retour Rome-Jérusalem, il aura fallu attendre le 4 janvier 1964 pour le voir réalisé magnifiquement par le 262e pape, environ 1900 ans après. C’est le retour de Pierre auprès de son lac, par ce premier pape qui voyage en avion, ce premier pape qui quitte l’Italie dans nos temps modernes, le premier et le seul pape à revenir en Terre Sainte, théâtre de l’Évangile et de notre Rédemption. Tout a jailli de l’Évangile. C’est dans le sillage du Christ de l’Évangile et de son Vicaire que le pape pèlerin nous mène, sans tiare, sans crosse, sans affaires à traiter pendant ces trois jours, si ce n’est d’être présent à tout et à tous, de prier et de faire pénitence, comme un humble pèlerin.”
Puis le père Lugans résume d’étape en étape le dense pèlerinage du Saint-Père. Il raconte la foule, la ferveur, les lieux, les aspérités du chemin, les temps de prière et de repos, les vive le pape et les applaudissements. Il raconte les rencontres, notamment entre l’Église d’Occident et d’Orient.
Du discours prononcé à la basilique Sainte-Anne, il nous dit qu’il est un “hymne à l’Orient, à l’unité des chrétiens et à la charité entre les hommes.” Il préfère alors citer le Saint-Père pour ne pas dénaturer la force de son propos : “L’unité n’est catholique qu’en respectant pleinement la diversité légitime de chacun, et à son tour, la diversité n’est catholique que dans la mesure où elle respecte l’unité, où elle sert la charité, où elle contribue à l’édification du peuple saint de Dieu.”
Pierre est revenu
À Gethsémani le père Lugans nous montre le vacarme à l’entrée du sanctuaire “mais lorsque le souverain pontife se prosterna presque de tout son long sur la roche sacrée et la vénéra, le calme se rétablit. (…) L’Agonie fut chantée dans les six langues liturgiques de Jérusalem : latin, grec, arabe, arménien, copte et slave. (…) Pierre était revenu à Gethsémani, il avait veillé une heure avec le Christ et ses fidèles, il avait redit son fiat pour porter sur ses épaules le poids immense de l’Église, il pouvait aller prendre un court repos, sans arme à dégainer.”Avec La Terre Sainte on voit le pape à Bethléem. “Quand il fit son entrée, en se pliant en deux, comme tout le monde, sous la célèbre porte basse, les fidèles ne purent s’empêcher d’applaudir et de crier des vivats, couvrant la musique de l’orgue, le chant des religieux et le son des cloches qui carillonnaient à toute volée. Quelques privilégiés seulement purent descendre avec le pape dans la Grotte, où il célébra la messe, aussi simplement qu’au Saint-Sépulcre et à Nazareth. On l’a entendu par la radio. (…). Il nous plaît de souligner que dans son salut au monde, c’est-à-dire à ceux qui regardent le christianisme comme du dehors, le pape a eu une adresse déférente toute particulière pour “quiconque professe le monothéisme et avec nous rend un culte religieux à l’unique et vrai Dieu, le Dieu vivant et suprême, le Dieu d’Abraham, le Très-Haut, créateur du ciel et de la terre…”. C’était n’oublier personne dans ces pays où vivent côte à côte chrétiens, juifs et musulmans.”♦
Dernière mise à jour: 04/01/2024 20:14