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Koweït, travailleurs ou esclaves?

Terrasanta.net
24 juin 2014
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Le Koweït fait la chasse aux « esclaves fugitifs », par le biais des réseaux sociaux. Le site Migrant-rights.org, animé par un réseau d'associations moyen-orientales qui défendent les droits des travailleurs étrangers, a dénoncé il y a quelques jours la création d'une page inquiétante sur Instragram. Cette page ayant été dénoncée dans la presse n'est désormais plus accessible.


Le Koweït fait la chasse aux « esclaves fugitifs », par le biais des réseaux sociaux. Le site Migrant-rights.org, animé par un réseau d’associations moyen-orientales qui défendent les droits des travailleurs étrangers, a dénoncé il y a quelques jours la création d’une page inquiétante sur Instragram. Le promoteur a appelé les employeurs à «publier les photos des femmes domestiques qui ont abandonné leur lieu de travail » afin que « ensemble, nous puissions éradiquer ce phénomène ». En postant la photo des travailleuses domestiques « en fuite», si un employeur rencontre la « fugueuse », il pourra la dénoncer et la renvoyer à son «propriétaire» légitime.

En une semaine, la page a reçu près de 2700 « like » et s’est montrée très efficace, recevant et publiant près de 80 photos de travailleuses domestiques qui avaient disparu sans laisser de traces. Par la suite, les médias moyen-orientaux ont dénoncé ce phénomène, et la page a littéralement disparu d’Instagram.

Selon Migrant Rights, on compte dans les pays du Golfe environ 1 840 000 travailleurs domestiques, principalement des femmes. Rien que pour le Koweït, on en dénombre 600 000 (sur une population de près de trois millions de personnes). En cas d’abus (comme les paiements différés, les heures supplémentaires non rémunérées, la violence verbale et physique, la confiscation illégale de passeport ou encore la promiscuité), la législation, en vigueur dans de nombreux pays du Moyen-Orient, ne garantit nullement à ces travailleurs la possibilité de se défendre. C’est parmi eux que l’on compte le taux le plus élevé de dépressions et de suicides. Que ce soit au Koweït ou dans plusieurs autres pays du Moyen-Orient, les travailleurs domestiques qui décident de s’enfuir, faute de ne pouvoir en supporter davantage, peuvent être poursuivis pour « abandon de poste » et emprisonnés pour une durée indéterminée, ou plus simplement renvoyés dans leur pays d’origine. Selon Migrant Rights, au Koweït au moins 10 000 travailleurs domestiques ont porté plainte contre leurs employeurs au cours de la seule année 2010. Il existe une véritable culture de l’exploitation, très difficile à démanteler. « Les agences de recrutement pour les travailleurs domestiques utilisent généralement les verbes « acheter » et«vendre» lorsqu’elles se réfèrent aux travailleurs domestiques », a déclaré un fonctionnaire de l’Association des avocats du Koweït, interrogé en 2012 dans le cadre d’une étude de l’ Organisation Internationale du Travail (OIT). « Nous sommes en train de retourner au Moyen Âge. Si l’employeur n’est pas satisfait de sa domestique, il peut la ramener à l’organisme « vendeur », qui le dédommage alors de 500 dollars. Par la suite, le même organisme « revend » la domestique à un autre employeur pour environ un millier de dollars …».

D’après Migrant Rights, la situation des travailleurs immigrés au Koweït ne semble pas s’améliorer. Le phénomène des travailleurs étrangers privés de leurs papiers officiels s’est complètement banalisé. Cela permet aux employeurs d’engager des migrants au noir, sans aucune garantie pour l’employé, et sans aucun risque pour l’employeur. Pour mettre une limite à la présence d’immigrés clandestins, le ministère de l’Intérieur aurait déjà renvoyé au mois de mars environ 13 000 étrangers dans leur pays d’origine, tous employés domestiques.