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Yarmouk à genoux

Chiara Cruciati
13 avril 2015
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A Damas, Yarmouk ne trouve plus la paix : depuis près de trois ans, ce qui a été l’un des camps palestiniens majeurs de Syrie, vit sous siège permanent, écrasé par le conflit entre le gouvernement du président Bachar al-Assad et les groupes d'opposition syriens qui ont rejoint les lieux en décembre 2012 et désormais l'État islamique et sa barbarie. Mais que représente aujourd’hui Yarmouk pour les Palestiniens?


A Damas, Yarmouk ne trouve plus la paix : depuis près de trois ans, ce qui a été l’un des camps palestiniens majeurs de Syrie vit sous siège permanent, écrasé par le conflit entre le gouvernement du président Bachar al-Assad et les groupes d’opposition syriens qui ont rejoint les lieux en décembre 2012 et désormais l’État islamique et sa barbarie (Daesh).

Les militants islamistes ont concrètement pénétré dans le camp le 1er avril: les affrontements ont immédiatement explosé en une guérilla urbaine entre Daesh et groupes palestiniens encore présents et défendant le camp. D’en haut sont arrivées les bombes du gouvernement syrien, raconte la population locale ; sur le terrain, le groupe d’opposition le plus fort – le Front al-Nosra d’al-Qaïda – s’est déclaré neutre mais, de fait, a soutenu l’entrée des hommes du califat dans le camp.

Difficile de fournir un nombre de victimes civiles: les sources de l’ONU parlent de 26 morts, les sources médicales de près de 200. Yarmouk compte encore 18 000 personnes, soit environ 10% de la population qui y résidait avant le déclenchement de la guerre civile en Syrie. En effet, au printemps 2011 on estimait le camp à plus de 160 000 résidents dont de nombreux Syriens pauvres, incapables pour des raisons économiques de vivre dans d’autres quartiers de la capitale.

Les appels internationaux se succèdent depuis plusieurs jours, de l’Union européenne à l’ONU, afin que les miliciens permettent la création d’un couloir humanitaire, lequel pourrait venir en aide à une population civile épuisée par trois années de siège et littéralement affamée. Des mots durs ont été prononcés, par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon le 10 avril: « Yarmouk est tel un giron de l’enfer, un camp de réfugiés qui ressemble à un camp de la mort« .

Une attention qui a pourtant fait défaut, quand, l’an passé, plus de 150 personnes sont mortes de malnutrition: le peu de nourriture arrivant à Yarmouk ayant été confisqué par l’opposition et revendu aux civils à des prix exorbitants. Aujourd’hui, à cette indicible dévastation s’ajoute  la barbarie de l’État islamique: deux combattants palestiniens auraient été décapités par des militants islamistes, qui, d’une part égorgent et de l’autre distribuent du pain pour apaiser la colère des civils.

Yarmouk, abandonné depuis trois ans, mais désormais décidé à se libérer lui-même : le 10 avril, 14 groupes palestiniens ont passé un accord avec le gouvernement de Damas afin de créer une milice armée conjointe à même de repousser l’Etat Islamique et al-Nusra. La Syrie ne participera pas directement à l’opération militaire mais coordonnera les activités avec les factions palestiniennes.

C’est donc tout la Palestine historique qui scrute aujourd’hui Yarmouk, pour preuve les manifestations de soutien qui se multiplient un peu partout. Pourquoi Yarmouk est-il considéré par les Palestiniens, qu’ils vivent en Palestine ou dans la diaspora, comme le symbole du droit au retour ? « Yarmouk est le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Moyen-Orient – explique Nidal al-Azze, directeur de l’ACT, une association qui promeut le droit au retour des réfugiés -. Il a toujours joué un rôle central dans le mouvement de la résistance palestinienne, en particulier dans la lutte armée à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. Yarmouk a abrité les bureaux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et la direction palestinienne en exil. Dans la culture nationale palestinienne, Yarmouk fait figure de capitale politique de la lutte « .

« Plus grand camp de réfugiés au plan démographique, les points de vues et opinions des réfugiés de Yarmouk ont déterminé l’avenir, les choix et prises de positions exprimées par les dirigeants palestiniens. Yarmouk a toujours été pris en compte. Pourtant Yarmouk n’est pas un camp officiellement reconnu par les Nations Unies : c’est un grand quartier de Damas, où vivaient Palestiniens et Syriens. Pour cette raison, il a toujours été un miroir de la relation particulière entre les réfugiés palestiniens et le peuple syrien: Yarmouk n’a jamais été ni un camp de réfugiés au sens pur, ni un quartier purement syrien ».

De nos jours, Yarmouk n’est pas seulement la « capitale » de la diaspora palestinienne, c’est aussi un champ de bataille stratégique pour les différents acteurs régionaux engagés dans la guerre civile syrienne : des gouvernements arabes anti-Assad (en particulier l’Arabie saoudite) aux les groupes de l’opposition syrienne des islamistes modérés à Daesh. Ce sont les civils qui ont «décidé » de rester qui en payent le prix. « La plupart des 18 000 personnes qui sont restées dans Yarmouk sont des proches ou familles des combattants. Une autre partie représente des réfugiés fatigués de fuir, épuisés à l’idée d’un nouvel exode. Aujourd’hui, ces civils sont le principal obstacle à l’opération militaire de grande envergure  qu’envisagent le gouvernement de Damas et les factions palestiniennes pro-Assad afin de reprendre pied dans ce camp controlé jadis par Beit al-Maqdis Akfan (un groupe proche du Hamas) et aujourd’hui tombé dans les mains de l’Etat islamique. Ces civils ne peuvent pas s’échapper, ils sont piégés« .