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Le mécontentement palestinien en Israël

Chiara Cruciati
21 novembre 2015
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Il y a ceux qui l’appellent intifada et ceux qui préfèrent attendre avant d'étiqueter l'insurrection en cours dans les territoires occupés et en Israël. Et si les manifestations et les affrontements sont fréquents à Jérusalem et en Cisjordanie, le gouvernement israélien s’inquiète aujourd'hui de l’agitation des palestiniens de citoyenneté israélienne, qui représente 20% de la population.


« Arrestations arbitraires de jeunes hommes et femmes, répression de la liberté d’expression et de protestation, détention administrative, brutalité policière, violation des droits des détenus ou personnes arrêtées pour délit d’opinion ». La liste de l’avocate Suhad Bishara, de l’association légale palestinienne Adalah, est longue. Ce sont les mesures qui ont été prises dans les semaines suivant les manifestations et attentats palestiniens en Cisjordanie et à l’intérieur de l’Etat d’Israël. Le 19 novembre dernier fut encore une journée particulièrement sanglante : cinq morts – quatre Juifs (y compris un jeune Américain) et un Palestinien – dans deux attaques différentes qui ont eu lieu à Tel Aviv et près d’Hébron, en Cisjordanie. Les deux responsables palestiniens ont été arrêtés et, mesure de rétorsion, leurs maisons seront bientôt démolies.

Il y a ceux qui l’appellent intifada et ceux qui préfèrent attendre avant d’étiqueter l’insurrection en cours dans les territoires occupés et en Israël. Et si les manifestations et les affrontements sont fréquents à Jérusalem et en Cisjordanie, le gouvernement israélien s’inquiète aujourd’hui de l’agitation des Palestiniens de citoyenneté israélienne, qui représentent 20% de la population : « C’est une erreur d’avoir créé des différences au sein du peuple palestinien, c’est un même peuple au-delà des frontières politiques et des lignes vertes – continue Suhad -. Aujourd’hui, les politiques appliquées aux palestiniens israéliens sont les mêmes pour les palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Nous sommes victimes de la même discrimination : dans notre cas, nous parlons de limitation du droit au logement, de l’utilisation des terres, de répartition différente des ressources naturelles, des fonds de l’Etat, des services sociaux et de santé, de violation des droits culturels et religieux ».

Les manifestations de ces dernières semaines ont porté dans les rues des dizaines de milliers de personnes : 20 000 à Nazareth, 30.000 à Sakhnin, beaucoup plus à Haïfa et Acre. Ce sont avant tout les plus jeunes, les adolescents et les étudiants qui se mobilisent, fatigués de vivre dans un Etat qui ne reconnaît pas leur identité, tandis que de l’autre côté du mur, l’Autorité palestinienne ne les représente pas et ne s’y essaye même plus.

Le souci des dirigeants israéliens est palpable (amplifié ces derniers jours par les attaques liées au terrorisme international de l’Etat islamique). Il est encore plus visible dans les instruments de répression mis en œuvre. Les contrôles des services secrets sont omniprésents, des écoutes téléphoniques à la surveillance des réseaux sociaux. Et vous pouvez vous retrouver en prison pour une publication sur Facebook : le cas le plus frappant est celui d’Anas Khateeb, 19 ans, arrêté le 16 octobre pour « incitation à la violence et au terrorisme ». Sur Facebook il a écrit : « Vive l’Intifada, Jérusalem est arabe ». Le 27 octobre, la cour d’Acre a prolongé sa détention pour un autre mois, il sortira probablement à la fin novembre.

« Ces mesures ne sont pas nouvelles. Elles sont appliquées depuis 1948, mais le mois dernier, il y a eu un resserrement », – explique Mohammad Kahba, activiste palestinien de Wadi Ara. Par exemple (après le massacre de la famille Dawabsheh fin juillet dans le village de Douma par des terroristes israéliens – NDLR), la pratique de la détention administrative – jusqu’ici seulement appliquée dans les territoires occupés – a été introduite en Israël. Elle prévoit des peines d’emprisonnement allant jusqu’à six mois (reconductible sans limite de temps) sur la base d’un dossier secret qui n’est pas montré aux avocats et détenus. Cela signifie que, sans accusation officielle, il n’y a même pas un processus.

« Les gens sont maintenant convaincus que le gouvernement israélien veut élever le niveau de tension au lieu de le réduire – ajoute Mohammed -. La violence de la police, tirant sans raison alors qu’il serait possible d’agir différemment, entend augmenter le niveau de confrontation. Seule la démocratie et l’égalité entre les citoyens peuvent mettre fin à la violence ».

Dépourvu d’un responsable politique faisant autorité, à même de donner force aux citoyens palestiniens d’Israël en coordination avec ceux qui vivent au-delà du mur dans la bande de Gaza et la Cisjordanie : « De nombreux événements sont organisés en coopération avec les territoires en l’absence totale de direction, nos jeunes appellent la création d’une nouvelle unité, qui lutte contre les politiques israéliennes de division. Nous voulons un nouveau projet de libération qui nous implique tous en un seul état dans lequel les deux peuples vivent ensemble dans l’égalité et la démocratie, de la mer au Jourdain ».

« Nous, les palestiniens de 1948, citoyens israéliens – a déclaré Mohammed – voulons envoyer un message : nous aimons la vie, nous voulons vivre et non pas nous faire tuer. Nous voulons vivre, oui, mais seulement si la vie qui nous attend est faite de dignité. Qui, ces jours-ci, accomplit des agressions et se fait tuer par la police, le fait car il a perdu tout espoir pour l’avenir. Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas un conflit entre deux peuples, mais un conflit entre un système colonial et un peuple occupé ».