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Vie Nouvelle ou l’Eglise en mouvement

Terresainte.net
19 novembre 2015
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D’inspiration charismatique, New Life est la seule communauté en Terre Sainte de chrétiens arabes laïcs consacrés. Marquée par le souci de l’unité de l’Église, elle l’est aussi par l’inculturation de l’Église à la société arabe.


(Jérusalem/TD) – D’inspiration charismatique, la communauté New Life est la seule communauté en Terre Sainte de chrétiens arabes laïcs consacrés. Marquée par le souci de l’unité de l’Église, elle l’est aussi par l’inculturation de l’Église à la société arabe et arabophone. Terre Sainte Magazine est allé la rencontrer pour en savoir plus.

Comment la communauté New Life a-t-elle commencé ?

Nabil Abu Nicolas : J’ai grandi dans une famille chrétienne à Nazareth. Il y avait là un prêtre que j’admirais beaucoup, le père Faraj Nakhleh. J’étais encore très jeune quand lui fut diagnostiquée une sclérose en plaques. En 1993, j’avais à l’époque 24 ans, le père Faraj est rentré de l’étranger où il avait passé trois ans. Sa maladie avait beaucoup progressé et il avait besoin d’assistance permanente. Un prêtre nous a invités à lui rendre visite alors qu’il était tombé dans le coma. J’y suis allé avec d’autres. Tandis que nous étions présents, il s’est réveillé. Il m’a reconnu et parlé.

J’ai alors ressenti que je devais tout quitter et venir l’aider. Je savais depuis mon enfance que je voulais être consacré. J’étais sur le point de partir dans un monastère au Liban où j’avais été admis. À l’époque, j’étais gérant dans une usine. J’ai démissionné. Peu après, nous avons donc commencé à vivre ensemble. C’était une période exceptionnelle pour moi, de paix, de prière. Je voulais l’aider à poursuivre sa vie, pas seulement sa vie d’homme, mais aussi sa vie de prêtre. L’évêque de l’époque m’avait autorisé à faire tout ce dont le père Faraj aurait besoin pour l’exercice de sa prêtrise. Après un an, le père a reçu dans la prière et a annoncé le nom de “New Life Community” “Communauté Vie Nouvelle”.

Pourquoi fonder une communauté ?

Nabil : En fait, nous nous rendions compte que nous étions déjà dans une communauté. Samia venait quasiment chaque jour. En 2001, Nesrine et son frère ont rejoint la communauté.

Samia Ashqar : Cela m’a permis de rejoindre la communauté. Normalement dans la culture arabe, on ne peut pas partir de la maison sans être mariée, à moins d’étudier ailleurs ou d’être religieuse. Pour ce qui est de Denise, son père l’avait déjà laissée partir d’Haïfa pour étudier à l’hôpital de Nazareth. Lui était rassuré que sa fille puisse habiter avec la communauté.

Quel est le charisme de votre communauté ?

New Life prend son inspiration de la première communauté : la Sainte Trinité. Après la mort du père Faraj en 1996, nous voulions continuer son travail. Le père Faraj disait : “Le Livre des Actes des Apôtres ne doit pas se terminer par un point final mais par des points de suspension. Si vous voulez être chrétiens, vous devez être responsables, et si vous voulez être responsables, vous devez être des apôtres”, ajoutait-il. “Je suis arabe, mais pas musulman, j’habite en Israël mais je ne suis pas juif, je suis chrétien mais pas seulement catholique”, disait-il encore. Il avait déjà fondé, à Rameh, un centre pour les jeunes ouvert à tous, chrétiens, druzes, musulmans. Après sa mort, nous avons rassemblé des enregistrements et des notes. Aujourd’hui, seuls Nabil et moi l’avons connu mais les autres membres de la communauté ont été touchés par ses enseignements.

Combien êtes-vous dans la communauté aujourd’hui ?

Samia : Nous sommes cinq consacrés. Il y a d’autres personnes qui œuvrent régulièrement avec la communauté, mais habitent chez elles. Chacun de nous a une pièce du puzzle : je suis grecque-orthodoxe, Nabil est grec-catholique, Denise est maronite, Nesrine et son frère Amer sont catholiques romains. L’unité de l’Église est très importante pour nous. J’étudie la musique, Nabil est souvent sur la route, Denise travaille en tant qu’infirmière à mi-temps, Nesrine habite ici et s’occupe de la maison, et son frère est au séminaire au Liban en ce moment.

Comment sont vos relations avec les Églises ? Comment collaborez-vous ?

Samia : Nos relations sont très bonnes. Après la mort du père Faraj, nous sommes allés voir les évêques des différentes Églises, anglicans et baptistes compris. Nous leur avons annoncé que nous allions commencer à vivre en communauté à Nazareth, dans la spiritualité du père Faraj. Ils nous ont tous donné leur bénédiction : catholiques, maronites, tous. Nous voulions leur montrer que notre démarche se faisait en Église.

Nabil : En fait, nous travaillons à trois niveaux : à l’intérieur de la communauté, avec l’Église, et avec la population. Pour ce qui est de l’Église, nous avons chaque premier vendredi du mois une veillée de prière pour l’unité des chrétiens, toute la nuit. Nous animons tous les samedis soir la procession à la basilique de l’Annonciation. Par ailleurs, tous les jeudis nous avons une messe pour l’unité de l’Église chez les clarisses, et ce depuis plus de 20 ans, dans une liturgie différente à chaque fois : maronite, melchite, orthodoxe… Enfin le premier mercredi du mois nous avons une adoration, et nous méditons, avec les petits frères, les enseignements de Charles de Foucauld. Voici l’emploi du temps régulier, mais très souvent les paroisses demandent à la communauté d’animer des fêtes ou des activités pour les jeunes.

Samia : Oui, par exemple récemment, les sœurs du Rosaire nous ont demandé de mettre en scène le rosaire. Nous sommes venus avec la Chorale œcuménique Mariale, et les jeunes ont joué des mystères du rosaire. Nous ne sommes pas un mouvement dans l’Église mais l’Église en mouvement. Nous n’attendons pas que les gens viennent, nous allons vers eux pour construire l’Église avec eux.

C’est la troisième dimension donc, aider les gens d’ici ?

Samia : Oui, nous essayons d’être disponibles à toute heure et pour tous. Dernièrement, un couple en difficulté a appelé Nabil à une heure du matin pour qu’il les aide à résoudre leur conflit. Les gens passent à toute heure et nous nous organisons pour répondre aux demandes.

Nabil : Par ailleurs, Nesrine et Denise vont recommencer à aller dans les maisons pour prier, surtout avec des malades. Nous commençons des missions, et les arrêtons pour nous consacrer à autre chose en fonction des besoins des gens.

Quelles sont vos autres activités ?

Nabil : Nous avons deux fondations : la première est Musicians4Peace, (Musiciens pour la paix), un trio que nous avons créé avec Ofer Golany, juif israélien. Nous ne voulons pas seulement l’unité de l’Église, mais aussi l’unité entre arabes et juifs. La deuxième fondation est la Marian Ecumenical Choir (Chorale œcuménique Mariale), créée en 2010, composée de 50 personnes, 15 musiciens et 35 choristes. Chaque année, nous organisons un grand concert thématique : cette année il était en l’honneur de Mariam Baouardy et Marie-Alphonsine, les deux nouvelles saintes palestiniennes.

Être une communauté créée localement est-il important pour vous ?

Samia : Il y a très peu de communautés de laïcs consacrés originaires du Moyen-Orient. À ma connaissance, il n’y a qu’une seule autre communauté comme la nôtre au Liban. Sinon les communautés ici sont d’origine étrangère. Elles font des choses très bien et nous travaillons avec elles. Cependant l’incarnation à Nazareth, c’est être comme on est ici. Les communautés étrangères attirent les chrétiens locaux vers elles au risque de morceler encore plus la présence chrétienne autochtone.

Nabil : Nous avons une relation forte avec ces communautés. Nous les aidons, mais nous essayons aussi de leur faire comprendre la réalité de la situation ici. Or, ça ne marche pas toujours. Les communautés veulent s’installer ici, parce que c’est la Terre Sainte. Cependant beaucoup n’entrent pas dans l’incarnation, elles ne cherchent pas à s’enraciner dans la réalité de ce qui se passe ici.

Samia : Nous, arabes, sommes une minorité, et nous, chrétiens arabes, une minorité dans la minorité. Les communautés étrangères nous fragmentent encore plus, pourquoi ? Il faudrait que les communautés nous aident. Il faudrait qu’elles respectent l’histoire et les traditions locales. Au premier rang desquelles la langue, l’arabe. Je dis aux communautés étrangères que ce n’est pas l’italien, le français ou le portugais la langue de la Terre Sainte aujourd’hui. C’est l’arabe, mais où est l’arabe ? À cause de cela, les gens qui viennent ici ne touchent pas le mystère de l’incarnation dans notre terre. Ils ont l’impression d’être dans leur pays. Qu’est-ce qui les touche de notre terre ? Rien ! C’est fragmenté, disparu, caché ! Nous ne devons pas laisser notre identité s’effacer. Voilà pourquoi par exemple, même si nous connaissons beaucoup de chants du monde entier, nous avons composé notre propre répertoire, avec notre musique. Tout est nouveau : les paroles, la mélodie, c’est de la musique orientale, donc c’est proche du cœur des gens. New Life a composé 472 chansons. J’aimerais que les communautés venues du reste du monde aident les locaux à vivre leur foi, leur identité, mais pas à l’effacer.