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Cinq ans après la révolution égyptienne: quel bilan pour les chrétiens d’Égypte ?

Terresainte.net
27 janvier 2016
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Cinq ans après la révolution égyptienne: quel bilan pour les chrétiens d’Égypte ?
Place Tahrir en 2011, de jeunes chrétiens coptes soutenaient la révolution et aujourd'hui ? Photo © Sherif9282

Entre le retour d’un régime peu soucieux des droits de l’Homme et la montée de l’islamisme, les coptes sont pris en tenaille. Les espoirs portés par la révolution égyptienne, il y a cinq ans, sont bien loin de la réalité de la situation actuelle.


(Jérusalem/TD) – Cinq ans sont passés depuis le 25 janvier 2011, premier jour des manifestations massives place Tahrir, au Caire, qui provoquèrent 18 jours plus tard la chute d’Hosni Moubarak. Pourtant, après les heures de gloire de la révolution, le régime égyptien est aujourd’hui redevenu un régime fort, avec à sa tête l’ancien général Abdel Fattah al-Sissi. Pendant ces cinq années, les divisions entre chrétiens et la frange pro-islamiste de la population se sont nettement aggravées.

Retour quelques années en arrière : en juin 2012, le candidat soutenu par les Frères musulmans, Mohammed Morsi, devient le premier président démocratiquement élu du pays. Un an plus tard, fin juin 2013, insatisfaits de l’action du président, près de 15 millions d’Égyptiens descendent dans les rues et appellent l’armée à le destituer. Le 3 juillet, l’armée avec à sa tête la général Abdel Fattah Al-Sissi, exécute ses menaces de coup d’État et le président déchu est arrêté.

Face à ce renversement les militants pro-Morsi se rebellent contre le nouveau pouvoir. Plus de 1400 manifestants sont tués au cours de la répression, et des dizaines de milliers de partisans des Frères musulmans, plus tard déclarés organisation terroriste, sont arrêtés.

En août 2013, un mois après la chute de Mohammed Morsi, des dizaines d’églises et de propriétés appartenant à des coptes sont incendiées ou attaquées, notamment au Caire. Les chrétiens sont accusés d’avoir soutenu le coup d’État contre Mohammed Morsi.

La nouvelle législation anti-terroriste et sécuritaire permet à l’État de museler toute opposition. Cette année en 2016, pour l’anniversaire du début de la révolution égyptienne, ce ne sont donc que quelques dizaines de manifestants qui sont descendus dans les rues, rapidement dispersés.

De nombreuses ONG dénoncent des abus pires que sous l’ancien dictateur Hosni Moubarak. “Les manifestants pacifiques, les politiciens et les journalistes ont fait les frais d’une intense campagne menée par le gouvernement et les forces de l’ordre contre la dissidence légitime (…) ” a déclaré dans un communiqué le directeur adjoint du programme Afrique du nord et Moyen-Orient d’Amnesty International, Said Boumedouha.

Non seulement la situation concernant les droits de l’Homme ne s’est pas améliorée, mais depuis cinq ans l’absence de stabilité et les risques sécuritaires en Égypte ont privé le pays de la manne touristique dont dépend une grande partie de son économie. Le peuple égyptien aussi est divisé : un des symptômes principaux en est les dissensions entre chrétiens et la frange pro-islamiste de la population, qui se sont nettement aggravées.

Malgré les abus du pouvoir, la minorité chrétienne semble largement acquise à la cause du régime actuel. La stabilité et la sécurité sont pour les coptes une priorité face aux nombreux actes anti-chrétiens commis depuis 5 ans. La montée de l’islamisme est palpable non seulement sur les rives du Nil, mais aussi à l’est et à l’ouest, avec la présence de l’État Islamique au Sinaï et en Libye. Le 15 février 2015 restera dans les mémoires : un groupe affilié à l’État islamique diffuse une vidéo de décapitation de 21 coptes égyptiens sur une plage libyenne. Le lendemain, l’armée égyptienne annonce avoir bombardé des positions de l’organisation islamiste. Depuis deux ans la lutte armée entre les islamistes et l’armée dans la péninsule du Sinaï a fait des dizaines de victimes au sein des forces de l’ordre.

Face à ces risques pour les chrétiens et probablement aussi par peur de subir les mêmes déboires que les autres minorités chrétiennes de la région, le pape Tawadros II de l’Église Copte Orthodoxe soutient ouvertement le président actuel, Abdel Fattah Al-Sissi. L’Église Copte Orthodoxe constitue la plus importante communauté chrétienne au Moyen-Orient : ses membres comptent pour environ 10 pourcent des 90 millions d’Égyptiens.

Le Mufti d’Al-Azhar, la plus importante autorité musulmane d’Égypte, soutient lui aussi le régime. Le besoin de stabilité et la résistance face à l’islamisme montant poussent donc les chefs religieux à soutenir le pouvoir en place, malgré le virage sécuritaire qu’il a pris.

De nombreux gestes en faveur des coptes ont été faits sous le régime actuel. Abdel Fattah Al-Sissi restera le premier président de l’histoire égyptienne à assister à une messe de Noël, il y a un an. Le 6 janvier 2016, pour le Noël copte orthodoxe, la foule lui offre un accueil triomphal, sous  les applaudissements et cris de joie. Il présente les excuses du gouvernement et de l’armée pour le retard à la reconstruction de ce qui a été détruit par les attaques anti-chrétiennes depuis l’été 2013, promettant que tout serait réparé, notamment les églises endommagées par les islamistes.

Un Imam de premier plan, le cheikh Mazhar Shaheen, était aussi présent à la messe dans un esprit de solidarité entre chrétiens et musulmans. Mais partout dans le pays la sécurité autour des églises était à son maximum pour la fête, afin d’empêcher que les chrétiens soient pris pour cibles.

Dans tous les cas, nombreux sont ceux qui ont fui le pays depuis cinq ans. Victimes de violences, d’enlèvements contre rançon, dénonçant les discriminations, et probablement aussi à cause de la situation économique, au moins plusieurs dizaines de milliers de coptes ont décidé de partir.

Si les musulmans sont numériquement bien plus touchés que les chrétiens par les guerres civiles actuelles au Moyen-Orient, les chrétiens sont ceux qui subissent proportionnellement le plus de pertes, entre exode, déclin du taux de fécondité et persécutions. La minorité chrétienne, qui constituait 14 pourcent de la population de la région en 1910 ne représente plus que 4 pourcent aujourd’hui.