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Arménie, profil d’une Eglise

Giuseppe Caffulli
23 juin 2016
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Arménie, profil d’une Eglise
Fidèles arméniens dans la cour d'une église. (Photo G. Caffulli)

A quelques jours du voyage du Pape François, Terrasanta.net vous dresse un rapide portrait de l'une des plus vieilles chrétientés au monde et de nos frères catholiques de rite arménien.


En vue de la visite apostolique du pape François en Arménie, prévue cette semaine du 24 au 26 juin, il est intéressant de revenir sur l’histoire si riche de ce pays. L’Arménie est en effet un berceau du christianisme et le premier pays chrétien au monde. Le christianisme y a été prêché par les apôtres Thaddée et Barthélemy.

Selon certaines sources, dès le milieu du IIème siècle, les premiers missionnaires d’Edesse arrivèrent dans les vallées arméniennes et créèrent les premiers groupes de fidèles. Au milieu du troisième siècle une lettre en provenance d’Egypte, écrite par saint Denis d’Alexandrie, était adressée à un évêque arménien.

Mais c’est l’année 301 qui demeure la date clé de l’histoire du christianisme arménien ; elle marque la conversion du roi Tiridate (et par conséquent de tout le royaume) sous l’influence de Grégoire l’Illuminateur, éduqué à la foi chrétienne en Cappadoce où il avait trouvé refuge pour échapper aux conflits entre perses et arméniens. Dès lors, débute une longue histoire de foi et de martyre, culminant avec le génocide arménien du début du XXe siècle, au cours duquel périrent plus d’1.5 millions d’arméniens dont cent mille catholiques.

Autre moment essentiel de l’histoire de l’Arménie, l’invention par le moine Mesrop Machtos, à la fin du IVème siècle, d’un nouvel alphabet composé de 36 lettres mais surtout la traduction des Saintes Ecritures en arménien (première traduction de la Bible en 406). Pendant des siècles, l’identité arménienne se développera par sa culture et son enracinement chrétien, indépendamment des vicissitudes de l’histoire. L’Eglise apostolique arménienne – qui se réclame précisément de la prédication des premiers disciples – compte environ 6 millions de fidèles. Les arméniens à travers le monde, représenteraient quant à eux 10 millions de personnes, dont 3 millions dans les pays de l’ex bloc soviétique.

Actuellement, les arméniens catholiques sont au nombre de 280.000 fidèles pour une population totale d’un peu moins de 3 millions d’habitants. La hiérarchie catholique, après des siècles de tentatives uniates, fut officiellement établie en 1740, au travers du Patriarcat catholique arménien de Cilicie et l’élection du patriarche d’Apraham Ardzivian. Ce dernier, nommé évêque arménien d’Alep quelques années auparavant, avait été arrêté et condamné aux galères pour prosélytisme catholique à la demande des traditionalistes arméniens.  Libéré, il se rendit au Liban où il créa un ordre religieux. Il consacra alors trois évêques en « communion avec Rome ». Se rendant à Rome, il obtient en décembre 1742, du pape Benoit XIV, le titre de Patriarche de Cilicie ; l’Eglise catholique arménienne était fondée.

A la fin du XIXe siècle, l’Eglise arménienne catholique comprenait quatre archidiocèses : Constantinople, Alep, Mardin et Sivas-Tokat ; 12 diocèses : Alexandrie, Ancyre (Ankara), Adana, Marasc (Kahramanmaraş), Erzeroum, Césarée en Cappadoce (Kayseri), Mélitène (Malatya), Musk-Van (Muş), Prusa (Bursa), Amida (Diyarbakır), Trabzon (Trabzon), Kharpout (Harput). Elle comptait également 9 vicariats patriarcaux : Artvin, Bagdad, Jérusalem, Zmar, Smyrna, Nicomédie, Isfahan, Beyrouth, Deir el-Zor. Parmi ces 25 circonscriptions ecclésiastiques, 16 ont été incluses dans les territoires de l’actuelle Turquie.

Avec le « Grand Mal » – comprenez le génocide arménien – c’est tout un peuple, catholiques compris, qui a payé un lourd tribut. Selon certaines sources, en plus de la destruction de 156 églises, 32 monastères, 148 écoles et 6 séminaires, l’Eglise catholique arménienne a vu périr 270 et 300 prêtres religieux. Le Pape François se rendra d’ailleurs au musée-mausolée consacré au massacre des arméniens en 1915.

Aujourd’hui, la structure de l’Eglise catholique de rite arménien est la suivante : le Patriarcat de Cilicie des arméniens est basé à Bzoomar (Beyrouth), dont la compétence s’étend aux éparchies d’Alexandrie (Egypte), Isphan (Iran) et Kamichlié (Syrie) ainsi qu’aux exarchats de Jérusalem-Amman et Damas. Il y ensuite les éparchies catholiques arméniens d’Alep, Bagdad, Constantinople et Lviv. Le territoire actuel de l’Arménie et les anciens territoires de l’Union soviétique relèvent de l’ordinariat pour les arméniens catholiques de l’Europe Orientale, basé à Gyumri et présidé par Mgr Raphael Minassian.

La présence d’arméniens catholiques dans la diaspora est très importante, notamment au travers des éparchies de Notre-Dame de Nareg à Glendale (États-Unis et au Canada), de Sainte-Croix de Paris des arméniens catholiques de France ou de Saint Grégoire de Narek à Buenos Aires (Argentine). On relève encore un Exarchat apostolique de l’Amérique latine et du Mexique, avec compétence sur le Brésil et le Mexique. En Europe, on retrouve encore deux autres ordinariats, en Grèce et en Roumanie.

L’arrivée des arméniens en France remonte aux années 1920, lorsque des survivants du génocide quittant la Turquie et la Syrie. La communauté s’est implantée à Paris, Arnouville-lès-Gonesse, Marseille, Valence, Saint-Chamond, Lyon, Vienne, etc. La guerre du Liban dans les années 80 entraîne une nouvelle vague de migrants en France. La mémoire de ce passé douloureux est réveillée par l’actualité brûlante de la guerre en Syrie. Car le présent est lourd de menaces pour les dernières communautés arméniennes vivant au nord-est de la Syrie, la grande communauté arménienne d’Alep a déjà déserté la ville.

Lors de sa visite, le Pape François signera une déclaration conjointe avec le catholicos Karékine II, chef suprême de l’Eglise arménienne aspostolique, en vue d’approfondir les relations œcuméniques entre l’Église catholique et l’Église arménienne apostolique. Il s’agit de la seconde visite d’un pape en Arménie, quinze ans après Jean-Paul II en 2001. Pour François, il s’agira d’une nouvelle visite dans un pays des « périphéries » de l’Europe où les catholiques sont très minoritaires, après l’Albanie et la Bosnie.