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N’oublions pas Quezon !

Terrasanta.net
14 février 2017
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N’oublions pas Quezon !
Père David Neuhaus, jésuite israélien et vicaire patriarcal latin pour les catholiques hébréophones ©Hadas Parush/Flash 90

Le Père David Neuhaus, Israélien, a écrit au ministre de l'Intérieur Deri au sujet de la défense de 14 adolescents philippins en voie d’être expulsés. Il rappelle la dette de reconnaissance des Juifs envers les Philippines.


 

(G.S.) – « Par respect pour notre histoire, nous ne pouvons pas expulser ces 14 enfants et leurs familles. » Ceci est, en résumé, la mise en garde que le Père jésuite David Neuhaus adresse au ministre israélien de l’Intérieur Aryeh Deri Machluf, par une lettre ouverte publiée dans l’édition hébraïque du journal Haaretz le 9 février dernier, et maintenant relayée, dans d’autres langues, sur le site institutionnel du Patriarcat latin de Jérusalem.

Les 14 adolescents que défend Neuhaus sont nés en Israël de parents philippins qui, pendant des années, ont vécu sur le sol juif comme travailleurs étrangers, la plupart du temps au service des familles en tant que soignants ou domestiques (surtout des femmes). Les enfants ont grandi ici, parlent l’hébreu comme leurs camarades de classe et sont considérés comme faisant partie intégrante de la société israélienne. Mais pour les autorités, il n’en est pas ainsi : elles refusent de reconnaître leur droit à la résidence permanente et s’apprêtent à les expulser aux Philippines, la patrie de leurs parents.

Le Père Neuhaus – Vicaire patriarcal latin pour les catholiques hébréophones et responsable diocésain de la pastorale des migrants, mais aussi citoyen israélien d’origine juive – est sensible à leur sort et prend leur défense à partir d’un fait historique du siècle dernier.

Alors qu’en Europe la persécution nazie-fasciste faisait rage et que les Juifs étaient dépouillés de leurs biens, de leur travail, du droit à l’étude, de la citoyenneté et enfin de la vie dans les camps d’extermination, le président (catholique) des Philippines, Manuel Luis Quezon, offrit aux Juifs européens fuyant leur pays, un refuge sûr : 1302 personnes furent accueillies, bien que les intentions du politique philippin était d’en accueillir beaucoup plus.

Cette histoire est racontée dans le documentaire, en anglais, Open Door (La porte ouverte), produit il y a quelques années par le réalisateur Noel Izon, lui-même d’origine philippine. C’est dans ce film que Neuhaus a découvert, il y a quelques semaines, l’histoire des réfugiés juifs reconnaissants au Président Quezon. C’est pourquoi il recommande ce documentaire, ainsi qu’au ministre Deri, à qui il écrit : « Des hommes et des femmes âgés, souvent émus aux larmes, parlent de ces années passées, alors qu’ils n’étaient que des enfants, dans un refuge sûr, et loin de l’enfer de l’Europe en guerre. Un Juif âgé déclare : « Non seulement je conserve mon passeport philippin, mais j’insiste pour que mes enfants renouvellent leurs passeports philippins. Cette terre n’était pas ma terre mère, mais ma terre adoptive. »

La lettre ouverte au politique israélien poursuit : « Vous avez décidé qu’il n’y avait pas de place pour ces 14 enfants dans l’Etat d’Israël. Ces jeunes sont tous nés ici, ne parlent presque que l’hébreu, voient ce pays comme leur patrie et n’ont qu’un rêve : construire leur foyer ici, contribuer au développement et à la prospérité de notre pays. J’ajoute : ils sont tous d’origine philippine. La génération de leurs grands-parents a ouvert les portes des Philippines aux Juifs afin que ceux-ci  échappent à la Shoah. Leurs parents sont venus ici pour prendre soin de nos personnes âgées, handicapées et malades et le font jour après jour avec dévouement et amour. (…) Je suis sûr qu’en nous rappelant le passé, il  nous est possible d’ouvrir nos cœurs et nos esprits pour comprendre qu’en déportant ces enfants ou tout autre enfant de travailleurs migrants philippins, nous nous livrons à un acte cruel et inhumain qui trahit la mémoire de la bonté et de la générosité.