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Avec Erdogan, Sainte Sophie redeviendrait-elle mosquée?

Giuseppe Caffulli
18 avril 2017
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Sur fond des attaques tragiques contre les chrétiens coptes égyptiens, le Président turc envisageait d’aller prier à Sainte-Sophie, l’ancienne cathédrale byzantine devenue mosquée puis musée.


Alors que des événements tragiques en Egypte voyaient couler le sang des chrétiens coptes, le président turc Recep Tayyip Erdoğan envisageait une provocation de nature à mettre de l’huile sur le feu. Le 14 avril, en plein Vendredi saint (cette année pour les catholiques et orthodoxes), accompagné de membres de son parti et de chefs religieux musulmans, celui que l’on surnomme le « sultan » d’Istanbul (ville dont il a longtemps été le maire), envisageait de se rendre à Sainte Sophie pour y prier.

Il n’a finalement pas mis à exécution ce qui apparaissait une menace pour les chrétiens de cette partie du monde.

La splendide basilique chrétienne de Constantinople, avait été déclarée musée en 1934 par le Père de la Turquie moderne, Kemal Ataturk. En  Turquie, un référendum constitutionnel fortement voulu par Erdogan a eu lieu dimanche dernier, dans le but de renforcer encore les pouvoirs présidentiels. 51,37% des électeurs ont voté « oui » : cette victoire du Président implique désormais  l’abolition du poste de premier ministre, l’élargissement du parlement (de 550 à 600 sièges), et un contrôle renforcé au Conseil supérieur de la magistrature.

Avec la prière musulmane à Sainte-Sophie, Erdogan visait à donner un autre signal au monde islamique turc, qui rêve d’envoyer promener le kémalisme séculaire et de rafraîchir la splendeur néo-ottomane.

Ces derniers temps, on ne compte plus dans le pays les cas de révisionnisme historique. Récemment, Mustafa Armagan, professeur à l’Université d’Istanbul, a publié un essai intitulé « Les intrigues de Sainte-Sophie » (Aya Sofia Entrikalari) où il soutient que l’acte publique par lequel Sainte-Sophie – d’abord église, puis mosquée – a été déclarée musée national (et donc retiré du culte islamique) serait un faux. Par conséquent, il n’aurait pas de valeur légale.

Cela ne date pas d’hier, le chef de l’Etat turc cherche à regagner – surtout à des fins politiques et électorales – les lieux historiques au culte musulman. Il y a quelques années, les deux temples dédiés à Sainte-Sophie, à Nicée (Iznik), siège du premier concile œcuménique, et à Trabzon, ont été reconvertis de musées en mosquées. Depuis longtemps, une campagne de presse active vise à établir un consensus autour de la « Reconquête » islamique de Sainte-Sophie.

La splendide basilique a été construite en 537 par l’empereur Justinien et dédiée à la Sagesse de Dieu. Ce fut la cathédrale chrétienne de rite byzantin jusqu’en 1453 et le siège patriarcal grec-orthodoxe (Patriarcat œcuménique de Constantinople).

En juin dernier déjà, pour la première fois depuis 81 ans, le gouvernement turc avait permis que fût célébré un culte musulman dans ce lieu considéré par le monde byzantin comme un véritable symbole de foi et d’histoire. Les chefs de l’Eglise grecque-orthodoxe ont parlé d’une « incroyable provocation. » Le gouvernement d’Athènes est allé jusqu’à parler d’« acte anachronique et incompréhensible qui démontre un manque de respect envers les chrétiens orthodoxes dans le monde entier. »

Quant au gouvernement turc, il ne manque pas de rappeler les interdictions d’Athènes au sujet de la construction de mosquées sur le sol grec.

En tout état de cause, la visite d’Erdogan à Sainte-Sophie finalement restée à l’état de projet, a sans doute évité d’alimenter d’autres foyers de tension, particulièrement dans ce contexte tendu tel que celui que traverse le Moyen-Orient en ce moment.