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L’Egypte attend le pape dans un climat tendu

Alessandra Bajec
20 avril 2017
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L’Egypte attend le pape dans un climat tendu
Monastère Sainte-Catherine sur le © Berthold Werner

Pâques dans la désolation après les attentats du dimanche des Rameaux. Nouvelle attaque le 18 avril près du Monastère Sainte-Catherine sur le mont Sinaï. C’est dans cette Egypte que François doit arriver fin avril.


Ce fut une triste solennité de Pâques pour les Coptes égyptiens qui pleurent encore leurs proches perdus le 9 avril dernier dans la double attaque terroriste dans les églises de Saint-Georges à Tanta, et Saint-Marc à Alexandrie ; un meurtre qui a fait environ 46 morts.

Un dimanche de Pâques blindé par la police et les soldats pour garder les entrées des églises et des institutions « vitales » dans tout le pays, des patrouilles de surveillances dans les environs, des caméras vidéo installées sur les murs des églises, des cordons de sécurité autour des lieux de culte.

Après une Semaine Sainte souillée par la pire attaque mortelle contre la minorité chrétienne, les célébrations eucharistiques ont été annulées, notamment au Nord de l’Egypte, pour des raisons de sécurité. Comme l’Eglise copte orthodoxe l’avait annoncé, les rites de la Vigile se sont limités à de simples prières. Seule la messe du jour de Pâques, dimanche 16 avril, a été autorisée. Une célébration dédiée aux victimes des deux attentats, revendiqués par les terroristes du prétendu Etat islamique.

Sur les réseaux sociaux, les images des martyrs de Tanta et Alexandrie circulent largement, avec une invitation à prier pour les Coptes d’Egypte. Wael Eskandar, journaliste indépendant, blogueur et militant d’origine copte, relaie le choc de sa communauté, en particulier parmi les partisans du président Abdel Fattah al-Sissi qui ne s’attendaient pas à un tel échec du système de sécurité. « Les chrétiens veulent vivre en paix, en sécurité, au même niveau que les citoyens qui ont le droit de pratiquer leur foi, de construire des lieux de culte et d’être protégés des actes de haine violente perpétrés dans un environnement largement discriminatoire contre les coptes d’Egypte » soutient le journaliste.

Eskandar accuse les extrémistes islamistes, mais aussi le gouvernement pour sa politique qui alimente un terrain fertile au terrorisme, ainsi que les dirigeants de l’Eglise : en devenant partisans du président al-Sissi, ils ont selon lui fait imprudemment des coptes, une cible facile pour les extrémistes.

Après avoir renforcé la sécurité en déclarant l’état d’urgence pour trois mois, confirmé par le Parlement jeudi 13 avril, Al-Sissi a promis au pape Tawadros II – Patriarche copte – de faire tout ce qui est en son pouvoir pour traquer les coupables.

Ils sont nombreux à craindre que les mesures de sécurité prises ne soient pas suffisantes pour éviter une nouvelle effusion de sang. L’attaque d’il y a deux jours a confirmé ces craintes au poste de contrôle en charge de la protection du monastère grec orthodoxe Sainte-Catherine sur le mont Sinaï : un policier a été tué et trois autres blessés.

Dans une interview accordée à Reuters, l’évêque Macaire, chef du diocèse copte de Minya, a dit être sceptique quant à la possibilité que l’état d’urgence puisse apporter la sécurité et a ajouté que le gouvernement devait en faire davantage pour protéger les chrétiens.

Après Pâques, les esprits sont tournés vers la visite imminente du pape François en Egypte, prévue pour les 28 et 29 avril. « Les Egyptiens attendent avec impatience l’arrivée du pape, malgré le climat pesant », a déclaré le père Rafic Greiche (porte-parole des évêques d’Egypte) s’adressant à Catholic News Service au lendemain des attentats. Greiche a ajouté que la visite du Pape « peut apporter la paix et l’espérance au peuple égyptien et plus particulièrement aux chrétiens d’Orient. »

Les experts examinent le programme pour assurer la sécurité du Pape et des fidèles. Près de vingt ans se sont écoulés depuis la dernière visite officielle d’un souverain pontife en Egypte. Jean-Paul II fut le premier pape de l’histoire à se rendre dans ce pays. Peu de temps après son arrivée au Caire, dans l’après-midi du vendredi 28 avril, le pape François interviendra lors d’une conférence internationale sur la paix. Il rencontrera également le président al-Sissi ; le Grand Imam de la mosquée d’Al-Azhar, cheikh Ahmed el-Tayyib ; Tawadros II, pape de l’Eglise copte orthodoxe et Patriarche d’Alexandrie, ainsi que de nombreux membres de la communauté catholique. Même le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, sera au Caire avec Bergoglio.

La visite papale a pour but de consolider le respect mutuel et le dialogue entre les adeptes des différentes religions, et d’isoler davantage l’extrémisme et la violence.

 

« N’oublions pas nos frères d’Egypte ! »

(D.S.) – En marge des nouvelles douloureuses de ces derniers jours, le frère Ibrahim Faltas, religieux de la Custodie de Terre Sainte et égyptien, a lancé un appel à être plus proches des chrétiens d’Egypte.

« Chaque année à Pâques – écrit le franciscain de Jérusalem – de nombreux pèlerins arrivent d’Egypte, mais cette année, leur présence a eu un impact différent, par rapport aux groupes animés que nous avions l’habitude de voir les années précédentes. Cette année, hommes et femmes se déplaçaient avec dignité, en silence et surtout dans une prière recueillie, parce qu’ils pleuraient leurs morts des attentats du dimanche des Rameaux, dans différentes églises de Tanta et d’Alexandrie en Egypte. »

Frère Ibrahim poursuit : « Pour moi aussi, ce sont des jours de grande angoisse parce que ma famille vit à Alexandrie et elle a aussi vécu des moments de terreur : l’église où étaient mes proches, et que fréquentent également mes nièces, a été évacuée, parce qu’une bombe était prête à y exploser, ce qui aurait provoqué un véritable massacre d’enfants ».

Le frère a une pensée pour les soldats qui ont bloqué à temps le kamikaze qui voulait entrer dans l’église où le patriarche copte Tawadros II célébrait la messe : « Ce sont des soldats égyptiens, hommes et femmes musulmans, qui ont donné leur vie pour sauver les chrétiens coptes en prière ; mais ils ont aussi évité un massacre qui aurait donné lieu à une guerre civile ».

Selon le frère Ibrahim, « la réponse des fidèles de toutes les Eglises d’Egypte a été celle-ci : la prière et le silence respectueux, où devant tant de violence inhumaine, on ne peut qu’invoquer l’aide de Dieu le Père. Dans les églises, les gens se sont rassemblés afin de demander pardon pour les terroristes ».

Faltas a fait l’éloge du gouvernement actuel, qui – dit-il – donne de nouvelles perspectives de renouveau dans le pays après la parenthèse des Frères musulmans au pouvoir au lendemain du « Printemps arabe » de 2011. Le frère demande alors à la communauté internationale de « condamner avec des sanctions sévères tous les pays qui sèment, sous couvert d’une guerre de religion, la destruction et l’oppression de la reprise économique et sociale en Egypte ».

Enfin, nous sommes tous appelés à nous unir « dans une prière unique pour le peuple égyptien, afin que la violence qu’il a subie ne soit pas source d’une semence de vengeance, mais que reste vivante la semence du pardon. »