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Rentrée sous tension pour les écoles privées au Liban

Christophe Lafontaine
8 septembre 2017
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Rentrée sous tension pour les écoles privées au Liban
Le Custode de Terre Sainte, Francesco Patton avec le patriarche maronite Mgr Béchara Raï ©Toufic Bou Merhi/CTS

La tension monte au sujet de la hausse annoncée des frais de scolarité du privé au Liban, conséquence de l'adoption d’une grille des salaires pour le public et le privé. Les évêques maronites veulent que l’Etat paye.


Menace sur les écoles privées au Liban en ce début d’année scolaire. Une nouvelle échelle des salaires a été adoptée en juillet dernier et publiée le 21 août au Journal officiel. Cette nouvelle disposition englobe non seulement les enseignants et l’ensemble des fonctionnaires du secteur public, mais aussi les enseignants du privé. Une nouvelle échelle qui fera grimper les salaires des enseignants bloqués depuis 2008. C’est-à-dire réajuster les salaires des enseignants, pour chaque échelon. Sans compter les effets rétroactifs de cette mesure gelée depuis 2008. Un coût énorme.

Afin de garantir aux enseignants des écoles catholiques la même augmentation de salaire que ceux des écoles publiques, les institutions privées n’auraient comme solution que celle consistant à augmenter les frais de scolarité, du fait de la hausse des coûts de fonctionnement. Dans ce cas, ce seraient aux parents d’assumer les salaires des enseignants. Sachant que pour financer la grille des salaires du secteur public, le Parlement a voté non moins de 19 nouvelles taxes.

Lors de leur réunion mensuelle présidée par le patriarche maronite Béchara Raï, le 6 septembre à Dimane (résidence d’été du Patriarche), les évêques maronites ont appelé l’Etat à revoir le mécanisme des augmentations de salaires prévu par les nouvelles normes en matière de grille salariale ou prendre en charge les coûts prévus pour financer les augmentations de rétribution des enseignants des écoles privées. En un mot : que l’Etat paye la différence. Autrement dit : que le décideur soit le payeur. « Nous sommes inquiets face au débat sur les frais de scolarité et ses répercussions sur l’année scolaire qui commence », expliquent les évêques maronites dans un communiqué publié à l’issue de leur réunion mercredi. Dans son édition d’hier, l’Agence Fides indique même que les évêques ont conjointement relevé que « seule une contribution publique pourra éviter aux écoles catholiques le danger d’une crise financière qui aurait des conséquences graves sur l’ensemble du système éducatif national. »

Plus des deux tiers des élèves dans le privé

Ces demandes, explique l’Orient-Le Jour, font suite aux déclarations de Mgr Raï, mardi, qui a indiqué que les écoles catholiques ne sont pas contre les augmentations de salaires des enseignants, pas plus qu’elles ne veulent éreinter les parents par la hausse des scolarités. Alors, « pour protéger à la fois les enseignants et les parents, elles réclament que l’Etat assume les augmentations de salaires des enseignants.» Le quotidien libanais rappelle que Mgr Raï s’exprimait à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 24ème congrès annuel des écoles catholiques. Déjà la semaine dernière, l’agence vaticane Fides relayait l’émoi de Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth. « Les écoles privées accueillent plus des deux tiers des élèves libanais. Si elles s’arrêtaient, l’Etat serait-il en mesure de fournir une instruction à ces jeunes ? », s’interrogeait-il.

Pour l’heure, la réponse des autorités se fait attendre, tandis que de nombreux élèves ont déjà pris le chemin de l’école. Contacté par L’Orient-Le Jour, le ministre de l’Education affirme que la répercussion de la grille des salaires sur les scolarités de l’enseignement privé est à l’étude par un comité d’urgence qu’il a formé, regroupant des représentants de la Fédération des associations scolaires privées du Liban, du syndicat des enseignants de l’école privée et d’associations de parents d’élèves. Avec pour objectif de se pencher sur les comptes des écoles privées. Marwan Hamadé estime aussi que « la demande du patriarche maronite, telle quelle, de but en blanc, paraît assez peu réaliste, étant donné les moyens de l’Etat.»

A noter également que le président de la République, Michel Aoun, a reçu hier le cardinal Giuseppe Versaldi, préfet de la Congrégation pour l’éducation catholique au Saint-Siège, accompagné du président de la commission épiscopale des écoles catholiques, l’évêque Hanna Rahmé, et du secrétaire général des écoles catholiques, le père Boutros Azar. Les regards sont aujourd’hui tournés vers le Conseil constitutionnel qui examine un recours en invalidation présenté par le chef du parti Kataëb (droite forte), Samy Gemayel.