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Ces Israéliennes et Palestiniennes qui marchent pour la paix

Christophe Lafontaine
9 octobre 2017
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À l'appel du mouvement Women Wage Peace, des milliers de Palestiniennes et Israéliennes ont terminé, le 8 octobre à Jérusalem, une marche de deux semaines à travers Israël et la Cisjordanie pour exiger un accord de paix.


Et si la paix arrivait par les femmes… ? Avec leur cœur, leur expérience et leur sensibilité de mère ou de sœur ou de fille, des milliers de femmes israéliennes et palestiniennes ont pris leurs chaussures de marche et mis leur chapeau sur la tête, deux semaines durant pour « exiger » auprès de leurs gouvernants respectifs la reprise les pourparlers de paix. Juives, musulmanes, chrétiennes ou encore athées de tous bords politiques, elles ont foulé le sol de villes juives et arabes d’Israël ainsi que de la Cisjordanie occupée où une rencontre s’est déroulée en présence de dizaines de femmes palestiniennes et de femmes vivant dans des colonies. Et ce sont au final plusieurs milliers de femmes (5000 selon Reuters), essentiellement israéliennes qui ont arrivées en fin d’après midi à Jérusalem dimanche 8 octobre 2017, la plupart habillées de blanc – la couleur de la paix –  avec des pancartes demandant explicitement un accord de paix.

Pour mémoire, les négociations israélo-palestiniennes sont au point mort depuis le mois d’avril de cette même année, après le refus d’Israël de mettre fin aux colonies et de libérer des prisonniers palestiniens détenus de longue date dans les prisons israéliennes.

A l’initiative de cet événement ? Le mouvement israélien Women Wage Peace (Les femmes font la paix). Le but ? « Faire entendre la voix de ces dizaines de milliers de femmes israéliennes juives et arabes, de gauche, centre et droite et de leurs partenaires palestiniennes, qui main dans la main ont pris ensemble cette route de la paix », explique Marie-Lyne Smadja l’une des fondatrices du mouvement qui a tout juste trois ans. Depuis 2014, Women Wage Peace milite pour relancer le processus de paix israélo-palestinien. Le déclic a été la guerre de l’été 2014  dans la bande de Gaza, qui a coûté la vie à plus de 2100 Palestiniens et à 73 Israéliens.  Au total, plus de 25 000 femmes sont aujourd’hui inscrites sur le site de l’association, une réussite pour ce mouvement car à l’échelle israélienne c’est un chiffre considérable. Le mouvement est d’ailleurs tel qu’il a inspiré une chanson à Yael Deckelbaum, célèbre compositrice et interprète en Israël.

Le point d’orgue de cette édition 2017 de la « Route de la paix » étalée sur deux semaines a été la marche d’hier qui a démarré près de la mer Morte au bord du Jourdain. Les femmes s’y étaient réunies sous la  Tente de la Paix de Agar et Sarah, levée dans la plaine qui jouxte la Mer morte. Nommée ainsi en référence aux deux personnages bibliques, mères d’Ismaël et Isaac, demi-frères et patriarches des religions juive et musulmane. Tout un symbole.

« Nous avons besoin de créer un (vivre) »ensemble » afin de pouvoir construire la paix que nous voulons tous », a affirmé à l’AFP Michal Frouman, une mère de famille vivant dans la colonie de Tekoa en Cisjordanie. La jeune femme avait été poignardée en janvier 2016 par un Palestinien alors qu’elle était enceinte de son 5ème enfant et veut continuer de « croire en la paix ». « En tant que femme religieuse, je dis que ne pas croire en la paix, c’est ne pas croire en Dieu »,  a-t-elle ajouté. Pour l’organisatrice Huda Abuarquob, une Palestinienne de Hébron, « cette marche n’est pas une manifestation de plus mais le moyen de dire que nous voulons la paix et qu’ensemble, nous pouvons l’obtenir ». Au micro d’Euronews, Vivian Silver, qui abrite un Kibboutz près de la frontière entre Israël et Gaza assène quant elle : « Nous devons trouver un compromis politique, nous devons changer le paradigme qui nous a été enseigné depuis sept décennies. On nous a appris qu’il n’y a que la guerre qui nous apporterait la paix. Nous n’y croyons plus. Il a été prouvé que c’était faux ».

Quand la marche devient démarche

Tout au long de cette « Route de la paix » où la marche devient démarche, étaient prévus des rencontres, des cercles de discussions, des expositions artistiques, des visites culturelles, archéologiques, interreligieuses, des évènements musicaux, des moments de prières. Des temps d’échange pour valoriser la contribution des femmes à la société et à la paix. Une démarche qui n’est pas sans rappeler les paroles que Benoît XVI avait livrées dans son exhortation apostolique « Ecclesia in Medio Oriente » en 2012 : « Reconnaissant leur sensibilité innée pour l’amour et la protection de la vie humaine, et leur rendant hommage pour leur apport spécifique dans l’éducation, la santé, le travail humanitaire et la vie apostolique, j’estime que les femmes doivent s’engager et être impliquées davantage dans la vie publique. »

Soutiens et critiques

A noter que parmi les personnalités israéliennes qui ont soutenu ou participé à cette marche figurent des députés de l’opposition israélienne mais aussi de la coalition de droite ainsi que des intellectuels, penseurs, artistes et écrivains venus de tous les horizons

Côté politique, le docteur Ziad Darwish, de la Commission en charge des interactions avec la société israélienne au sein de l’Organisation de libération de la Palestine, a affirmé que la marche des femmes pour la paix bénéficiait du soutien de l’OLP et de  l’Autorité palestinienne. Lors d’une conversation téléphonique avec le Times of Israël, il a indiqué qu’une vingtaine d’autobus transportant des Palestiniennes avaient été envoyés pour participer à la manifestation. Mahmoud Abbas a, de son côté, envoyé un courrier personnel aux marcheuses, dans lequel il a appelé la création d’un Etat palestinien, vivant côte à côte et en paix avec Israël.

De son côté, le Hamas, qui est actuellement en train de négocier le transfert de son contrôle sur la bande de Gaza avec l’Autorité Palestinienne, s’est pour sa part opposé à cette marche, comme au rassemblement. Le mouvement a publié un communiqué officiel dénonçant l’initiative et affirmant qu’il considérait l’invitation lancée par la Commission pour l’interaction avec la société israélienne comme « un renoncement au consensus national et une offense faite à l’histoire de notre peuple. »

Un parlement de femmes ?

Les femmes de Women wage peace espèrent ainsi que des espaces de représentation des femmes s’élargiront et que s’intensifieront leur travail dans la recherche de possibilités d’interaction, de dialogue et d’engagement afin de progresser dans la construction d’un avenir de paix. C’est pourquoi le mouvement a annoncé dimanche vouloir ériger un « Parlement de femmes » palestiniennes et israéliennes qui se fixerait comme objectif de rappeler aux dirigeants palestiniens et israéliens que les accords de paix doivent être une priorité, selon Marie-Lyne Smadja. « Les hommes qui ont le pouvoir ne croyaient qu’à la guerre mais par la force des femmes nous pouvons apporter autre chose, quelque chose de neuf », a affirmé à l’AFP Amira Zidan, une mère de famille arabe israélienne qui fait partie des fondatrices de Women Wage Peace.

Les 9 et 10 octobre, alors que la fête de Souccot touche bientôt à sa fin, une grande « cabane de la Paix » (Souccat Shalom) sera montée à Jérusalem où auront lieu des rencontres et des cercles d’études.

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