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Mar Aboun ou la résurrection d’un monastère au Liban

Christophe Lafontaine
6 octobre 2017
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Mar Aboun ou la résurrection d’un monastère au Liban
Mgr Bechara Raï, le 19 septembre dernier au monastère de Mar Aboun ©bkerke.org.lb

Le 19 septembre 2017, le Patriarche maronite Bechara Raï a lancé le coup d’envoi de la restauration de Mar Aboun, monastère de la vallée sainte au Liban. Déserté depuis le 17ème siècle, des moines doivent le réinvestir.


Non seulement, le monastère de Mar Aboun au Liban sera restauré, mais il sera aussi rendu à la vie monastique. Les travaux de réhabilitation ambitionnent aussi de développer à nouveau l’agriculture sur les terrasses qui entourent le monastère. C’est L’Orient-Le Jour qui se fait l’écho de ce projet avalisé par la direction des Antiquités du Liban. Décidé en 2011, le chantier devrait durer deux ans et demi. Se calant sur un plan général conçu pour toute la Qadisha, la vallée sainte du pays du Cèdre, par l’Association « Qannoubine pour la mission et l’héritage », véritable cheville ouvrière du projet.

Le début des travaux a été béni par le Patriarche des maronites, Mgr Bechara Raï, le 19 septembre dernier en présence de l’ambassadeur de France, Bruno Foucher, et du PDG de la compagnie de téléphonie mobile Alfa, Marwan Hayek, qui soutient financièrement la reconstruction. Il reste que le Conseil des ministres doit encore approuver le plan d’aménagement de la route en terre battue qui traverse la vallée sainte. Ce qui signifierait le retour à l’interdiction aux voitures autres que celles des riverains. Les travaux prévoient, dans un premier temps, de débarrasser le site des débris et de la végétation sauvage qui s’y trouvent, puis de numéroter les pierres éparpillées, sous la supervision d’un archéologue. Le couvent sera reconstruit avec les matériaux utilisés aux siècles passés.

Lors du coup d’envoi des travaux, il s’agissait de la première visite d’un patriarche maronite à Mar Aboun depuis 1822, date à laquelle le patriarche Jean Helou s’était rendu sur place. Le 19 septembre, Mgr Bechara Raï a réservé à l’ambassadeur de France l’essentiel de son discours, rapporte L’Orient-Le Jour. «  La présence aujourd’hui de l’ambassadeur dépasse en signification, celle d’une simple visite touristique ; elle touche aux racines des liens historiques qui se sont noués depuis toujours entre la France et les maronites. (…) », a-t-il dit avant d’ajouter « quand nous parlons des liens entre la France et les maronites, nous voulons dire les liens de la France avec le Liban, sans lequel il n’y aurait pas de maronites. Nous voulons approfondir les relations entre la France et les maronites, au service du Liban. »

Résistance de foi, de prière et d’attachement à la terre

Le monastère de Mar Aboun, se trouve dans la vallée de la Qadisha située dans le Gouvernorat du Nord du Liban. Avec la forêt des Cèdres de Dieu, cette vallée est inscrite depuis 1998 sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Au sud de la Qadisha, s’étend la vallée de Qannoubine où est suspendu sur la falaise le monastère de Mar Aboun qui n’est plus occupé depuis le 17ème siècle. Comme la plupart des monastères de la vallée (souvent troglodytes) qui combinaient érémitisme et vie communautaire sur un chapelet de grottes égrenés au fil des cavités que propose la nature, Mar Aboun est difficile d’accès. On l’atteint par un sentier très raide.

L’effort n’a d’ailleurs pas échappé au Patriarche maronite qui après l’ascension vers le monastère a déclaré : « C’est avec une grande émotion que nous avons pénétré dans ce lieu saint, et c’est avec un étonnement mêlé d’admiration que nous imaginions, en faisant la route, l’endurance exceptionnelle dont nos aïeux ont fait preuve, pour vivre dans ce lieu sauvage. » Et le Patriarche-cardinal de rappeler que « c’est dans les conditions les plus difficiles qu’ils ont vécu et résisté, au temps des Mamelouks, qui ont durement persécuté les maronites, et des Ottomans, qui ne venaient dans cette vallée que pour incendier, détruire, tuer et imposer des taxes exorbitantes, sans jamais réussir à décourager nos patriarches et nos moines. Il s’agit d’une leçon pour nos contemporains. Nous ne serions pas ici sans l’endurance des ancêtres, sans cette véritable résistance de foi, de prière et d’attachement à la terre. »

D’aucuns,  affirment que le monastère Mar Youhanna, connu sous le nom de Mar Aboun  (notre père à tous – pour les moines – en syriaque) fait mémoire de Saint Jean-Baptiste tandis que d’autres évoquent celle de Jean-le-Petit (petit de taille), qui fut ermite en Egypte à la fin du IVe siècle.

Le monastère se compose d’une église et d’un ermitage situé dans deux cavités naturelles. L’église est située dans une grotte de 25m de profondeur et 15m de largeur. Elle contient les vestiges bien conservés d’une petite église médiévale. Le bâtiment est construit en grès ce qui est assez courant dans la vallée.

C’est le Patriarche Etienne Douaihy (1630-1704) auteur d’une œuvre littéraire importante qui fait remonter la première mention de Mar Aboun au 13ème siècle rapportant que « ce monastère était le directeur de tous les ermitages dans la région de Bécharré (ndlr : au fond de la vallée de la Qadisha) » Un passé sans doute important mais que les siècles ont oublié sans en laisser grande trace. Le site a ensuite était abandonné jusqu’en 1668 après qu’un un français, le père François de Chasteuil « le solitaire du Mont-Liban » s’y installa pour y vivre en ermite et travailler la Bible. Il mourut en 1644 dans un monastère voisin, à Mar Elicha. A nouveau déserté, Mar Aboun a ensuite servi de bergerie.