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Ni Eglises ni dirigeants palestiniens pour Pence à Jérusalem

Christophe Lafontaine
25 janvier 2018
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Le vice-précisent américain a quitté Jérusalem sans rencontrer les Eglises de la ville et les leaders palestiniens. Leur chef, à Bruxelles, a appelé l’UE à reconnaître l’Etat Palestinien. Un chassé-croisé lourd de sens.


Les Etats-Unis ouvriront leur ambassade à Jérusalem avant fin 2019. C’est ce qu’a déclaré le vice-président américain, Mike Pence, lundi 22 janvier 2018 à la Knesset (le parlement israélien). « En reconnaissant enfin Jérusalem comme la capitale d’Israël, les Etats-Unis ont choisi de préférer les faits à la fiction – et ces faits sont la seule fondation possible à une paix juste et durable », a-t-il affirmé en demandant aux dirigeants palestiniens de revenir à la table des négociations.

Dans son discours parsemé de références bibliques, le numéro 2 américain n’a cependant fait aucune allusion à l’occupation ou à la colonisation israélienne des Territoires palestiniens. Ni même évoqué de quelconques concessions faites aux Palestiniens. Ce qui fait dire au Jerusalem Post, journal conservateur que  « Barack Obama, Joe Biden, Hillary Clinton, John Kerry ont tous prononcé des discours en Israël par le passé (…). Comme Pence, ils ont loué le peuple juif pour sa résilience et Israël pour sa capacité à faire fleurir le désert. Mais en les écoutant, vous saviez toujours qu’il y aurait un ‘mais’ (…). Ce qui distingue le discours de Pence, c’est qu’il n’y a pas eu justement de ‘mais’ ».  Le quotidien Haaretz, à gauche, a souligné que « Mike Pence a livré l’un des discours – ou peut-être devrions-nous dire l’un des sermons – sionistes les plus décomplexés jamais entendus à la Knesset israélienne. »

Cela dit, le numéro 2 américain a aussi rappelé que Donald Trump avait demandé à toutes les parties de maintenir le statu quo sur les lieux saints de la ville et qu’il avait précisé que sa déclaration ne préjugeait pas des frontières finales au sein de la ville sainte. Pour rappel, la Maison Blanche qui espère présenter cette année un plan de paix pour le Proche-Orient, a dit en décembre dernier ne pas envisager de projet dans lequel le mur des Lamentations ne resterait pas sous contrôle israélien.

Une visite qui divise plus encore

La tournée au Proche-Orient (toutefois limitée à l’Egypte, la Jordanie et Jérusalem) de Mike Pence, fervent évangéliste américain a cependant été marquée par l’absence de rencontres (connues) avec les représentants des Eglises chrétiennes de la ville sainte  et avec les dirigeants palestiniens. On se souvient que l’archevêque Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique pour le Patriarcat latin de Jérusalem et donc plus haut dignitaire catholique romain au Proche-Orient, avait déclaré avant Noël  que les Eglises chrétiennes traditionnelles trouveraient « problématique » que Mike Pence visite officiellement les lieux saints de Jérusalem en janvier. De fait, le vice-président américain ne s’est pas rendu au Saint-Sépulcre, lieu du tombeau du Christ selon la tradition chrétienne. Le prélat avait redit l’opposition de l’Eglise à toute initiative « unilatérale » et toute revendication « exclusive » concernant Jérusalem.

A l’origine, le voyage du vice-président américain était prévu avant Noël et devait se concentrer sur le sort des chrétiens au Moyen-Orient. La déclaration américaine du 6 décembre sur Jérusalem a chamboulé la donne. De fait, Tawadros II, le pape des coptes en Egypte et le grand imam de la mosquée al-Azhar (pôle académique de référence pour l’islam sunnite)avaient alors refusé de rencontrer Mike Pence en guise de protestation. Ce qui a d’ailleurs été concrétisé ces derniers jours.

Du côté politique, les dirigeants palestiniens ont boycotté la venue du numéro 2 américain. Réagissant aux propos de Mike Pense, un porte-parole du président de l’Autorité palestinienne a réitéré la vive opposition des Palestiniens à la décision américaine. « L’administration américaine ne doit pas contribuer à accroître la tension » dans la région, a déclaré Nabil Abou Rdainah.

Depuis la déclaration de Donald Trump, le président palestinien Mahmoud Abbas a de fait gelé les contacts avec les responsables américains, cherchant ailleurs des soutiens. Et notamment auprès de l’Union européenne.  En déplacement à Bruxelles, au début de la semaine, le vieux raïs palestinien a réaffirmé son espoir de voir la création d’un Etat palestinien avec pour capitale Jérusalem-Est. Il a appelé les 28 pays membres de l’union – estimant qu’il n’y avait pas de « contradiction » avec « une reprise des négociations » de paix avec Israël – à reconnaître « rapidement » la Palestine comme un état indépendant. Une reconnaissance difficile à obtenir tant les liens des différents pays membres avec Israël sont différents. En témoigne la Grèce, impliquée avec l’Italie, Chypre et Israël dans un vaste projet de gazoduc reliant les côtes israéliennes à celles de l’Italie.

« Jérusalem  est cruciale pour la paix dans la région » (Abdallah de Jordanie)

Avant sa venue à Jérusalem, Mike Pence s’était rendu en Egypte et en Jordanie. Les deux seuls pays arabes à avoir signé un traité de paix avec Israël. Et qui pourraient potentiellement jouer un rôle dans le processus de paix israélo-palestinien qui semble, toutefois,  plus qu’au point mort aujourd’hui.

Lors de leur rencontre dimanche à Amman, le roi Abadallah II de Jordanie a exprimé auprès du vice-président américain Mike Pence son « inquiétude » au sujet de la décision unilatérale du président Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. « Jérusalem est cruciale pour les musulmans et les chrétiens, comme elle l’est pour les juifs », a-t-il rappelé. Et le souverain hachémite de rajouter que la ville « est cruciale pour la paix dans la région, et cruciale pour permettre aux musulmans de combattre efficacement certaines des causes de la radicalisation. » Le monarque a demandé à Mike Pence de « rétablir la confiance, pas seulement pour une solution à deux Etats avec Jérusalem-Est comme capitale d’un Etat palestinien indépendant, mais aussi pour vivre côte-à-côte avec un Etat d’Israël sûr et reconnu en accord avec le droit international. » De son côté, Mike Pence a déclaré à l’issue de l’entretien que « parfois, les amis ont des différends. » Il a  souligné l’engagement de Washington à « respecter le rôle de la Jordanie comme gardienne des lieux saints » (à Jérusalem) ainsi qu’à soutenir une solution à deux Etats.