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A 83 ans, Fayrouz chante pour Jérusalem et Gaza

Christophe Lafontaine
24 mai 2018
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A 83 ans, Fayrouz chante pour Jérusalem et Gaza
Capture d'écran du dernier clip-vidéo de Fayrouz "Ela Mata Ya Rabbou"

La diva libanaise de la chanson, Fayrouz, a publié le 20 mai sur internet une nouvelle chanson, véritablement engagée, dédiée à Jérusalem, Gaza et aux Palestiniens. Un hymne intitulé «  Combien de temps, Seigneur ? »


« Ela Mata Ya Rabbou » (Combien de temps, Seigneur?). Cette chanson en arabe signe le retour engagé de Fairouz sur la scène musicale. Après son dernier album « Bebalee » sorti en 2017, le monument vivant de la chanson arabe, d’origine chrétienne, revient pour pleurer et crier sur les récents affrontements qui ont opposé les forces israéliennes aux manifestants Gazouis. Causant la mort à plus de soixante d’entre-eux.

Ces événements s’inscrivaient dans le cadre de la « Grande Marche du Retour » commencée le 30 mars dernier. Les Gazouis demandant la levée du blocus de Gaza, la liberté de circulation et surtout le droit au retour des réfugiés palestiniens. Le 14 mai en aura été le point culminant. Jour du transfert de l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem. Un déménagement qui aura été imité les jours suivants par le Guatemala et le Paraguay pour leurs représentations diplomatiques dans l’Etat hébreu. Le contexte était d’autant plus tendu que les Palestiniens commémoraient le 15 mai la « Nakba », (en arabe la catastrophe qu’a constitué la création d’Israël pour eux). 750 000 personnes ont été chassées ou ont dû fuir de chez elles il y a 70 ans.

A l’aune de ces tensions, à 83 ans, celle qui est produite par sa fille, Rima Rahabany, a diffusé le 20 mai 2018 sur sa chaîne Youtube son dernier clip. A ce jour, il a déjà réuni près de 100 000 visionnages. D’une durée de quatre minutes, il a été enregistré devant une représentation du Christ en croix qui se trouve dans la chapelle du Golgotha qu’abrite la basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem.

La douceur de la voix chaude de Fayrouz n’a pas changé. Et c’est dans un univers musical proche des hymnes religieux, qu’elle apparaît voilée de noir. Donnant ainsi à son hymne la sobriété du désespoir et la solennité d’un appel au recueillement.

En arrière-plan du clip-vidéo, défilent et s’alternent les images compilées de la résistance gazaouie sous les balles ou celles du deuil de mères éprouvées par la perte des leurs. Un spectacle de désolation qui donne à la chanteuse d’invoquer le secours de Dieu pour les Palestiniens, pour la paix en Terre Sainte, pour la paix de Jérusalem.

Les chansons, une autre forme de résistance

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sa chanson est sous-titrée « Pour toi, ville de prière, je te prie ». Une inspiration, somme toute, naturelle pour Fayrouz la libanaisae, née  dans une famille syriaque orthodoxe et maronite. La chanteuse reprend ainsi les mots du psalmiste, qui crie dans le psaume 12  « Combien de temps aurai-je l’âme en peine et le cœur attristé chaque jour ? » Ou encore, ces paroles lourdes qui disent la proximité de la chanteuse pour les Palestiniens : « Combien de temps mon ennemi sera-t-il le plus fort ? » Ou enfin : « Regarde, réponds-moi, Seigneur mon Dieu ! Donne la lumière à mes yeux, garde-moi du sommeil de la mort ».

Comme le mentionne le site du Patriarcat latin de Jérusalem, plus de cinquante ans se sont écoulés depuis que la grande dame de la musique libanaise a sorti en 1967 sa  plus célèbre chanson pour Jérusalem, « La fleur des villes. » La diva aura bercé des générations entières dans le monde arabe. Plusieurs de ses chansons ont, dans le passé, représenté sa forme de résistance. Nombre d’entre-elles ont été consacrées au sort des Palestiniens et leur droit au retour dans des chansons comme « Al quds fi el bal « (Jérusalem dans mon coeur) en 1967. Elle avait chanté le déchirement des réfugiés et le droit au retour, dans la chanson « Sa narjiou yawman ila hayina » (On retournera un jour à notre cité). Les Palestiniens lui sont aussi redevables des plus belles chansons écrites pour eux, dont le « Jisr el Aouda » (Pont du retour), « Al-Quds al-atika » (Les anciennes rues de Jérusalem) ou « Al-Quds su lana » (Jérusalem est à nous).