Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Quel roi se cache derrière une figurine d’il y a 2 800 ans ?

Christophe Lafontaine
12 juin 2018
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Quel roi se cache derrière une figurine d’il y a 2 800 ans ?
Ce visage surgi du passé est-il celui du roi Achab d'Israël, du roi Hazaël d'Aram-Damas ou du roi Ethbaal de Tyr ? Mystère. © Gabi Laron

Une céramique miniature représentant probablement la tête d'un roi biblique, datant de l’âge de fer, a été découverte dans le nord d'Israël, selon un communiqué de l'Université Azusa Pacific. Approfondissement.


C’est un exemple très rare d’art figuratif de la Terre Sainte au IXe siècle avant J.-C. Période associée aux rois bibliques. D’ailleurs, Eran Arie, le conservateur du Musée d’Israël à Jérusalem pour l’âge de fer et l’archéologie perse, n’a pas manqué de déclarer à l’Associated Press que cette découverte était unique en son genre : « à l’âge du fer, s’il y a de l’art figuratif, et il n’y a pas grand chose, c’est de très mauvaise qualité. Et, cette pièce-là est d’une qualité exquise. »

Malgré « sa petite taille », une petite tête en faïence, finement ciselée et remarquablement conservée « nous offre une occasion unique de regarder droit dans les yeux un célèbre personnage du passé », a déclaré dans un communiqué le 31 mai dernier, Robert Mullins, professeur d’études bibliques et religieuses à l’Université Azusa Pacific.

Le co-directeur des fouilles archéologiques menées dans la ville antique d’Abel Beth Maacah, mentionné plusieurs fois dans la  Bible suppose même qu’il pourrait probablement s’agir d’un roi ayant vécu vers entre – 900 et – 800 avant J.-C. Une période où Israël s’était scindé en deux royaumes, et la ville d’Abel aurait été au milieu d’une lutte de pouvoir géopolitique compliquée entre ses nombreux voisins.

Le site, aujourd’hui se trouve à l’extrême nord d’Israël juste au sud de la frontière avec le Liban, à deux kilomètres au sud de la ville moderne de Metoula et à environ 6,5 km à l’ouest de Tel Dan.

L’artefact en faïence d’environ 5,1 cm sur 5,6 cm, était sans doute à l’origine solidaire d’une statuette dont le corps n’a pas été retrouvé mais qui proportionnellement devait mesurer une vingtaine de centimètres, d’après les archéologues.

Un signe qui ne trompe pas

La tête représente un homme élégant. Ses yeux en forme d’amande sont ourlés de noir et les lèvres pincées donnent un air sérieux et sévère, signe tangible d’autorité. Barbu, il est coiffé de tresses noires coupées au carré. Un bandeau jaune et noir ceint les cheveux et pourrait laisser penser à un diadème doré. Un signe qui ne trompe pas. Pour Robert Mullins, la figurine représente donc « un personnage distingué, probablement un roi. » Ce que semblerait confirmer la qualité de réalisation de la petite céramique et l’emplacement prudent où elle aurait été découverte à savoir à l’intérieur d’un grand bâtiment sans doute administratif situé au point le plus élevé de la ville antique d’Abel Beth Maacah.

Le hic, c’est que la datation au carbone 14 ne permet pas de donner une date plus précise de la tête sculptée autre que son appartenance au 9ème siècle av. J.-C. L’objet aurait été réalisé de 902 à 806 av. J.-C.

Un contrôle d’identité pas si facile

Résoudre l’énigme de l’identité de celui qui est représenté comme un roi n’est donc pas aisé. Le champ des candidats potentiels est grand. D’autant que le contrôle de la ville, à l’époque, a beaucoup fluctué du fait de son emplacement à la frontière de trois royaumes : le royaume araméen de Damas à l’est, la cité phénicienne de Tyr à l’ouest et le royaume israélite, avec sa capitale à Samarie au sud. Abel Beth Maacah passant, au gré des guerres, sous la juridiction des différents royaumes.

Robert Mullins et son équipe doivent encore entreprendre les recherches nécessaires pour aboutir à un contrôle d’identité archéologique digne de ce nom. Mais trois hypothèses peuvent déjà être retenues.

La tête pourrait d’abord représenter Achab, un roi impie qui fut le mari de la  sulfureuse Jézabel, qui adorait le dieu païen Baal. Il est cité dans le Premier Livre des rois comme étant le fils d’Omri. Il régna sur Israël, à Samarie, pendant vingt-deux années et « fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur, plus encore que tous ceux qui l’avaient précédé. » en allant « servir Baal et se prosterner devant lui. » (1 Rois 16:29-30) Il eut de nombreux démêlés avec le prophète Elie.

Autre possibilité, la tête pourrait représenter le beau-père d’Achab, père de Jézabel. Le roi Ethbaal est mentionné également dans le Premier Livre des Rois au même chapitre. Sous son règne, Tyr développa son influence et son pouvoir sur l’ensemble de la Phénicie.

Enfin, le troisième personnage pourrait être le roi Hazaël mentionné dans le Premier Livre des Rois (19:15) qui raconte que Dieu a demandé au prophète Elie de consacrer par l’onction Hazaël, comme roi d’Aram-Damas, un état araméen qui sous ce roi s’étendit sur de grandes parts de la Syrie et de la Palestine.

Quoi qu’il en soit, preuve de la rareté et de l’intérêt que soulève cette pièce découverte l’été dernier le musée d’Israël a décidé de l’exposer il y a une dizaine de jours dans l’aile archéologique du musée d’Israël à Jérusalem.  Non seulement les chercheurs, américains et israéliens, publient en ce mois de juin un article de fond sur cette découverte dans la revue Near Eastern Archaeology, mais les fouilles dans le grand bâtiment d’Abel Beth Maacah se poursuivront cet été, indique Live Science. Précisant que les archéologues espèrent trouver plus d’informations qui pourraient aider à déterminer l’identité de la miniature.

Les fouilles sont autorisées par l’Autorité des Antiquités d’Israël et l’Autorité de la Nature et des parcs en Israël. L’université  Azusa Pacific est une université chrétienne évangélique qui travaille sur le site archéologique d’Abel Beth Maacah en collaboration avec l’Université hébraïque de Jérusalem.