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A Bethléem, le curé s’alarme de la disparition des chrétiens

Christophe Lafontaine
8 juillet 2018
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A Bethléem, le curé s’alarme de la disparition des chrétiens
Père Rami Asakrieh (en habit franciscain) aux côtés du Custode de Terre Sainte, avec les scouts de la paroisse latine de Bethléem ©Nadim Asfour/CTS

Les chrétiens représentent moins de 20% de la population de Bethléem, et ne profitent pas des dons des organisations qui utilisent le nom de la ville pour leurs appels de fonds, déplore le curé de la paroisse catholique.


« Vers la disparition des baptisés de la ville natale de Jésus ? » telle est l’interrogation que pose en titre Fides dans son édition du 6 juillet 2018, après avoir recueilli les propos du curé des catholiques latins de Bethléem. L’agence de presse des Œuvres pontificales missionnaire relaie en effet le « cri d’alarme » lancé par le père Père Rami Asakrieh, qui s’inquiète de la « diminution vertigineuse » de la population chrétienne qui vit dans cette ville mondialement connue pour avoir accueilli la naissance de Jésus.

« Le nombre des familles catholiques à Bethléem se réduit. Maintenant, notre paroisse compte seulement 1 479 familles palestiniennes », avance le frère franciscain. Un chiffre qu’il faut replacer face aux 32 000 habitants de la ville, qui sont majoritairement musulmans. D’après le curé de la paroisse Sainte Catherine « les chrétiens constituent 17% de la population de la ville alors que par le passé, ils étaient 90% de cette même population ». Un pourcentage qui remonte à l’époque de la création de l’Etat d’Israël.

Bethléem, ainsi que les villages riverains de Beit Sahour et Beit Jala, étaient à 86 % chrétiens en 1950. Mais l’émigration des chrétiens de Terre sainte n’est pas un phénomène nouveau. Elle a débuté à la fin du XIXe siècle. Les chrétiens palestiniens ont ainsi émigré en masse vers l’Europe, les Etats-Unis, le Canada, l’Amérique latine, ou même l’Australie. Mais le phénomène a pris de l’ampleur de façon dramatique depuis le début de la seconde Intifada en septembre 2000.

Le déclin démographique qui touche la population de Bethléem est une tendance qui se retrouve dans toute la Cisjordanie. Dans son numéro de mars-avril 2018, Terre Sainte Magazine (TSM) rapportait que les chrétiens palestiniens sont de plus en plus minoritaires et seraient au nombre de 52 000, soit 1,5% de la population palestinienne.  En Israël, ils seraient au nombre de 120-125 000 soit 2% de la population. En diaspora aux quatre coins du globe, ils sont entre 600 000 et 700 000.  A Gaza, les chrétiens seraient moins de 1300, dont 130 catholiques latins. Dixit une étude récente de la Mission Pontificale.  

Des sous au nom de Bethléem mais sans retombées pour ses chrétiens

Selon le religieux franciscain, les statistiques qu’il annonce sont à mettre avant tout sur le compte de « l’exode des jeunes chrétiens qui émigrent en direction d’autres pays. » Le père évoque aussi les fidèles « au chômage, déprimés et noyés sous les dettes. » Le conflit israélo-palestinien et la précarité matérielle et économique qui en découle les poussent à partir à la recherche d’un avenir meilleur pour eux et leurs enfants. Loin de leur ville, qui relève de l’Autorité nationale palestinienne et qui est entourée par les colonies israéliennes, précise Fides. Une municipalité qui évolue de fait à l’ombre de la barrière de sécurité israélienne. Ce fameux mur de 8 mètres de haut érigé par les autorités israéliennes.

Mais à l’émoi du curé de Sainte Catherine, s’ajoute un profond regret. Si le père franciscain dit tenter de « freiner » cet hémorragie de chrétiens en fournissant « une aide à de nombreuses situations de besoin », il ne cache pas son amertume au sujet des  « nombreuses » organisations qui empochent  des offrandes  utilisant le « nom de Bethléem ». Sans qu’« aucun de [ses] paroissiens ne [reçoive] un centime provenant de ces organisations. », dénonce-t-il.