Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

COE: appel pour un « nouveau pacte social » au Moyen-Orient

Christophe Lafontaine
2 juillet 2018
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
COE: appel pour un « nouveau pacte social » au Moyen-Orient
De gauche à droite, les métropolites Gregorios Yohanna Ibrahim et Boulos Yazigi enlevés en avril 2013 en Syrie.

Fin juin, le Conseil œcuménique des Eglises a appelé à la libération de deux prélats syriens kidnappés en 2013. Et se dit très préoccupé « face à la situation alarmante » des chrétiens au Moyen-Orient. Comme le Pape.


Tout le monde se souvient. Le 22 avril 2013,  le métropolite syriaque orthodoxe d’Alep, Yohanna Ibrahim, et l’évêque grec-orthodoxe Boulos Yazigi, de la même ville, ont été kidnappés par des hommes armés dans le village de Kfar Daël, près d’Alep au nord-ouest de la Syrie. Depuis, silence radio. Cinq ans plus tard, le Comité central du Conseil œcuménique des Eglises (COE) lance un appel pour leur libération. En espérant qu’ils n’aient pas été assassinés. Un appel publié en français le 28 juin 2018, qui veut se faire entendre quand on sait que cette communauté d’Eglises représente plus de 550 millions de chrétiens et rassemble 348 Eglises, dénominations et communautés d’Eglises d’une centaine de pays, comprenant la plupart des Eglises orthodoxes (chalcédoniennes et orientales), un grand nombre d’Eglises anglicanes, baptistes, luthériennes, méthodistes et réformées, ainsi que de nombreuses Eglises indépendantes. A savoir que l’Eglise catholique, n’est pas membre du COE, mais dispose d’un statut d’observatrice.

Le comité central du COE, dans sa déclaration publiée à la suite de sa réunion de travail de six jours (du 15 au 21 juin) à Genève, rappelle avec « le cœur lourd » cet enlèvement des deux évêques syriens et confie continuer « de prier pour leur retour en toute sécurité dans leurs églises, leurs communautés et leurs familles, comme signe d’espérance pour tous les chrétiens de Syrie et de la région. »

Cinq responsables chrétiens toujours portés disparus

Comme le rapporte Radio Vatican, « des dizaines de milliers de personnes ont été kidnappées ou sont portées disparues en Syrie depuis le début de la guerre syrienne il y a sept ans. » Parmi elles, 19 chefs  d’Eglise en Syrie qui ont été fusillés, battus, enlevés ou assassinés, indique pour sa part, l’Assyrian Monitor for Human Rights dans un tout récent rapport du 21 juin 2018. Et cinq responsables chrétiens sont toujours portés disparus. En plus des deux évêques kidnappés en avril 2013, le Père Michel Kayyal, arménien-catholique, le Père Maher Mahfouz, grec-orthodoxe, sont toujours portés disparus depuis février 2013. Tous les deux sont issus du diocèse d’Alep. Toujours aucune nouvelle, également, du père Paolo Dall’Oglio, un prêtre jésuite d’origine italienne, missionnaire en Syrie, enlevé en juillet 2013.

L’Assyrian Monitor for Human Rights a déclaré que le but de son rapport était « d’attirer l’attention de la communauté internationale et de mettre un terme au chaos qui règne en Syrie, de protéger les victimes du génocide et de préserver ce qui reste de ces communautés historiques avant qu’il ne soit trop tard. »

L’idéologie de Daesh n’est pas vaincue

Et c’est bien pour cela que le comité du COE au-delà de son appel pour la libération pour les évêques syriens exprime dans sa déclaration « sa vive préoccupation face à l’alarmante et rapide détérioration des chrétiens au Moyen-Orient ». Et plus particulièrement en Israël et Palestine, Irak, Syrie, Egypte, au Liban et Chypre. « Les conflits, la violence, la discrimination, la démolition des églises et les déplacements forcés mettent en péril la présence et le témoignage du christianisme dans la région de sa naissance », s’émeut le comité central du COE. Selon lui, « la défaite militaire de Daech en Irak et en Syrie n’est pas suffisante pour assurer un retour sûr et durable des chrétiens dans leurs foyers. » Car, selon lui, l’idéologie de Daesh n’est pas vaincue. C’est pourquoi après l’étape du retour chez elles des personnes déplacées et de la reconstruction, vient un deuxième défi, celui de « l’éducation pour la paix, les droits humains et le respect de la diversité », à travers notamment «  l’acceptation mutuelle entre chrétiens et musulmans  ». Et ce, pour affronter les moteurs de la radicalisation et de l’extrémisme, peut-on lire dans le communiqué du COE.

La situation à Chypre, divisée entre la partie grecque et la partie turque, ne passe pas non plus sous silence.  Elle préoccupe aussi « profondément » le COE qui appelle à « la restauration de Chypre en tant que nation pour les deux communautés » et demande que soit préservé le patrimoine religieux et culturel de la communauté chrétienne de l’île.

La déclaration conclut en stipulant qu’« un nouveau pacte social est nécessaire dans l’ensemble du Moyen-Orient, un récit commun élaboré et partagé par toutes les communautés des pays de la région, qui s’appuie sur une conception inclusive de la citoyenneté et des droits humains, garantis par la constitution, et dans le cadre duquel toutes les Églises et communautés religieuses, avec leurs identités ethniques, religieuses et culturelles diverses, peuvent vivre et prospérer dans l’amour et la grâce conférés par Dieu à toutes et tous.»

Le pape demande de prier pour la Journée de Bari

Et c’est ce Proche-Orient bien meurtri qui sera, le 7 juillet à Bari en Italie, au centre de la journée de prière et de réflexion à laquelle participeront le Pape François et de nombreux patriarches, chefs d’Eglises et de communautés chrétiennes du Moyen-Orient. « Une journée de prière et de réflexion sur la situation toujours dramatique de cette région, où tant de nos frères et sœurs dans la foi continuent de souffrir », a expliqué le Pape François devant les fidèles rassemblés place St Pierre au Vatican, lors de la prière de l’angélus du dimanche 1er juillet. A cette occasion, le chef de l’Eglise catholique a demandé « à tous »  d’accompagner par la prière « ce pèlerinage de paix et d’unité ».

Le pape, auparavant, avait souligné que la situation en Syrie restait « grave ». Evoquant notamment l’actualité dans la province de Deraa dans le sud de la Syrie où le régime de Bachar el-Assad poursuit son offensive contre les rebelles et « où les actions militaires de ces derniers jours ont touché aussi des écoles et des hôpitaux, et ont causé des milliers de nouveaux réfugiés », a déploré le pape. Avant d’ajouter qu’il renouvelait avec sa prière son appel « pour que soit épargnées davantage de souffrances à la population déjà durement éprouvée depuis des années. »

Malgré ce contexte de guerre en Syrie, le Patriarcat syro orthodoxe de Damas a démenti, a rapporté l’agence Fides le 2 juillet 2018, son transfert en direction du Liban.