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Controverse: Israël devient l’Etat-nation du seul peuple juif

Christophe Lafontaine
23 juillet 2018
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Controverse: Israël devient l’Etat-nation du seul peuple juif
Les drapeaux israéliens et américains projetés sur les murs de la vieille ville de Jérusalem, le 13 mai 2018, avant l'ouverture de l'ambassade américaine à Jérusalem. © Yonatan Sindel / Flash90

La Knesset a entériné, le 19 juillet, une loi définissant Israël comme « l'Etat-nation du peuple juif. » Un texte polémique reléguant au second plan les Arabes qui représentent près de 20% de la population israélienne.


Il n’y a pas de texte plus controversé que celui que le Parlement israélien a adopté jeudi 19 juillet 2018. Dans la foulée des commémorations du 70e anniversaire d’Israël et du transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem désormais reconnue par Washington comme capitale de l’Etat hébreu.

Le texte, critiqué pour marginaliser les non-juifs, voté, après un débat houleux avec sur 120 voix, 62 pour, 2 abstentions et 55 voix contre (dont 45 de parlementaires juifs d’opposition), définit Israël comme « l’Etat-nation du peuple juif ».

Et entre de facto dans la catégorie des lois fondamentales. Ce qui signifie que cette dernière aura force constitutionnelle pour l’Etat hébreu.  Et qu’elle sera plus difficile à modifier à la Knesset qu’une loi classique.

La loi ne reconnaît le droit à l’autodétermination (ou droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) qu’aux Juifs et le dénie donc aux citoyens arabes israéliens (les descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948). Le texte stipule qu’: « Israël est l’Etat-nation du peuple juif dans lequel il réalise son droit naturel, culturel, historique et religieux à l’autodétermination. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu qui avait soutenu le texte s’est félicité de ce vote. « C’est un moment décisif dans l’histoire de l’État d’Israël qui inscrit dans le marbre notre langue, notre hymne et notre drapeau », a-t-il déclaré.

Cette loi est « dangereuse et raciste par excellence », a dénoncé de son côté le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saeb Erakat, sur son compte Twitter. Elle « légalise officiellement l’apartheid », a-t-il enchéri. Selon lui, le texte « dénie aux citoyens arabes leur droit à l’autodétermination qui n’est plus déterminé que par la population juive. »

L’hébreu devient la seule langue officielle d’Israël

Aussi la loi prévoit-elle que l’hébreu s’impose comme la seule langue officielle d’Israël. Aucun texte n’avait été voté à ce sujet depuis la création de l’Etat en 1948. L’hébreu et l’arabe étaient jusqu’à présent tous les deux considérées comme des langues identiquement officielles, utilisées dans tous les documents étatiques. Désormais, l’arabe se voit retirer son statut de langue officielle au côté de l’hébreu, pour être remplacé par un « statut spécial » qui autorise la poursuite de son utilisation dans l’administration.
D’autre part, Jérusalem est définie exclusivement comme la capitale d’Israël « capitale complète et unie », incluant la partie orientale de la ville annexée.  Enfin, la loi prévoit que le calendrier lunaire juif est le calendrier officiel du pays.

Levée de boucliers

Plusieurs clauses, contestées notamment par le président de l’Etat d’Israël, Reuven Rivlin et le procureur général Avishai Mandelblit et de la délégation de l’Union européenne en Israël en raison de son caractère jugé discriminatoire. Ces articles ont été retirés à la dernière minute. L’une – la clause 7 b – proposait notamment d’autoriser la création d’implantations exclusivement juives et qui en excluait donc  les citoyens arabes israéliens (ou d’autres minorités comme les Druzes) qui constituent 1,8 des 9 millions de la population totale israélienne soit 17,5% de la population totale israélienne.

Amendée de façon plus vague, la clause dispose désormais que « l’Etat considère le développement d’implantations juives (ndlr : sur le territoire israélien) comme une valeur nationale et fera en sorte de l’encourager et de le promouvoir. »

Cette nouvelle mouture a toutefois été dénoncée par l’opposition, notamment par le député arabe Ayman Odeh, qui a brandi durant le débat un drapeau noir à la tribune pour marquer « la mort de notre démocratie. »

Un autre député arabe, Youssef Jabareen, a affirmé que cette loi encourageait « non seulement la discrimination, mais aussi le racisme, elle va perpétuer le statut d’infériorité des Arabes en Israël », l’Etat hébreu agissant comme « un mouvement juif et colonial, qui poursuit la judaïsation de la terre. »
La députée d’opposition travailliste, Shelly Yachimovich, a elle aussi affirmé à la radio militaire qu’il s’agissait d’une loi « raciste. »

L’Union européenne s’est dite « préoccupée » par l’adoption de cette loi car cela risque de « compliquer » la solution à deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien, et la Ligue arabe, la jugeant « dangereuse », a jugé qu’elle consolidait des « pratiques racistes ».

Plusieurs organisations des droits de l’homme accusent le texte d’officialiser des discriminations envers les Arabes israéliens et donc de dégrader leur statut.

Il est enfin à noter qu’une disposition a été retirée de la loi ; elle précisait que, devant les tribunaux, faute d’une jurisprudence pertinente, la loi rituelle juive devait s’appliquer.

Dimanche 22 juillet, « des leaders druzes israéliens, dont trois membres de la Knesset, ont déposé plainte dimanche auprès de la Haute cour de justice contre la loi sur l’état nation juif adoptée jeudi par la Knesset, disant qu’il s’agissait d’un texte « extrémiste » qui discrimine les minorités du pays »d’après le Times of Israel. Tandis que la gauche israélienne semble réaliser ce que son apathie a laissé faire et certains candidats à la succesion de Netanyahu promettent déjà d’abroger la loi.

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