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Quand l’archéologie prouve la férocité d’un roi hasmonéen

Christophe Lafontaine
17 octobre 2018
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Quand l’archéologie prouve la férocité d’un roi hasmonéen
Fouilles au Russian Compound qui ont permis la découvertes de nombreuses tombes ©Kfir Arbiv/Antiquités israéliennes

Des archéologues ont mis au jour des preuves d’exécutions de masse, perpétrées à Jérusalem sous le roi hasmonéen Alexandre Jannée. Une sombre découverte qui met en lumière la vie de Jérusalem au Ier siècle av. J.-.C. 


« Nous avons sorti de la fosse plus de 20 vertèbres cervicales coupées à l’épée », a déclaré Yossi Nagar, anthropologue à l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI), cité dans le Times of Israel. Des signes de décapitation qui indiqueraient le résultat d’une violente exécution à Jérusalem, il y a un peu plus de 2000 ans. Le site des Amis de l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI) rapporte en effet que Kfir Arbib, qui dirige les fouilles pour le compte de l’AAI, a trouvé des poteries dans la citerne datant des Ier et IIe siècles avant notre ère, soutenant la théorie selon laquelle les restes de corps humains appartiendraient à des juifs victimes de la tyrannie du roi Alexandre Jannée qui fut au pouvoir de l’an 103 à 76 avant J.-C.

Les fouilles ont été réalisées dans la colonie russe à Jérusalem dans une cour adjacente à la mairie. Les résultats ont été communiqués lors de la 12e édition de la « conférence annuelle des nouvelles études d’archéologie à Jérusalem et dans sa région », tenue à l’Université hébraïque de Jérusalem le 11 octobre dernier.

C’est dans une ancienne citerne d’eau, qui fit office de fosse commune au Ier siècle av. J-C., qu’ont été découverts les corps (entiers ou démembrés) d’hommes, de femmes et de bébés qui, après avoir été jetés ont été recouverts de cendres, de pierres et de rochers. Les fouilles ont aussi révélé des os d’embryons. Ce qui prouverait que des femmes enceintes ont été victimes de cette exécution collective.

Aussi macabre que puisse être cette découverte, elle met en lumière la vie à Jérusalem pendant le règne du célèbre roi de Judée, Alexandre Jannée. Homme de guerre, connu pour sa poigne de fer et sa cruauté envers ses rivaux juifs, ce roi a gouverné 27 ans au Ier siècle av.J-C. Le troisième fils de Jean Hyrcan Ier – le fondateur de la dynastie des Hasmonéens – a également servi comme Grand Prêtre au Second temple, cumulant ainsi officiellement les pouvoirs sacerdotaux et royaux, crispant au plus haut point les Pharisiens.

Un banquet macabre

Pendant son règne, le Grand Prêtre Roi a dirigé une succession de guerres dans l’intention d’élargir le royaume hasmonéen à des fins politiques et économiques. A sa mort, le royaume est puissant et s’étend sur la plus grande superficie de toute son histoire. Son règne fut en proie à une successions de rébellions au cœur du royaume qu’il a constamment réprimées. Dans « Les Antiquités judaïques » (Livre 13 : 372-376), Flavius Josèphe raconte qu’en 96 avant J.-C., après une émeute lors de la fête des tabernacles, le roi avait capturé et tué 6 000 Juifs dans la cour du Temple de Jérusalem. L’historiographe avance aussi que ce soulèvement a été à l’origine d’une guerre civile opposant les Saducéens (qu’Alexandre Jannée soutenait) aux Pharisiens qui contestaient sa grande-prêtrise. Le conflit dura six ans au cours duquel périrent 50 000 Juifs.

En 88 avant J.-C., après la fin de la guerre, Flavius Josèphe rapporte qu’Alexandre Jannée est prêt à négocier avec les Pharisiens. Ces derniers, au contraire, s’allient à Démétrios III, roi séleucide qui bat Jannée. Cependant les 6 000 Juifs de l’armée de Démétrios l’abandonnent finalement. Et aussitôt, Alexandre Jannée écrase alors les insurgés pharisiens. 800 d’entre eux sont alors ramenés enchaînés à Jérusalem et sont crucifiés au cours d’un banquet. Avant leur mort, Alexandre fit exécuter sous leurs yeux leurs femmes et enfants alors que le roi mangeait avec ses concubines. La découverte archéologique de la fosse commune est probablement la preuve matérielle de ces massacres et décapitations. Un commentaire du Livre de Nahum retrouvé dans la grotte IV de Qumran évoque aussi l’événement.