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La révolte des affamés à Gaza

Elisa Pinna
23 mars 2019
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Pendant trois jours, vers la mi-mars, différentes couches sociales de la population ont manifesté contre les impôts et la pauvreté dans la bande de Gaza. Opération coup de filet du Hamas pour les réprimer.


Pneus brûlés, gaz lacrymogène, jets de pierres, coups de matraques, raids en masse. Gaza est habituée à la violence sous toutes ses formes. Cependant, du jeudi 14 au samedi 16 mars, des manifestations peu habituelles y ont été organisées : exaspérés par une pauvreté qui se transforme en famine et par de nouvelle taxes sur les produits de première nécessité, des centaines de jeunes, mères de famille et personnes âgées, ont défilé dans les villes et les camps de réfugiés de la bande de Gaza en criant « Nous voulons vivre ! ».

Les milices du Hamas ont réagi avec une brutalité inattendue, dispersant, frappant et arrêtant des manifestants comme des journalistes qui cherchaient à se documenter sur ces exactions. Photos et vidéos prises par des témoins depuis leurs balcons et postées sur Internet, montrent des policiers s’acharnant à coups de matraque sur des jeunes déjà immobilisés au sol, et des femmes voilées au visage ensanglanté. Le samedi, quelques commerçants de la ville de Gaza ont fermé leurs magasins en signe de solidarité avec les manifestations des jours précédents, ce qui a provoqué une nouvelle vague d’arrestations, avec des perquisitions à domicile, visant à capturer les prétendus promoteurs du nouveau mouvement, appelé précisément Nous voulons vivre.

Il y aurait déjà environ 500 personnes en état d’arrestation, selon les médias palestiniens (comme l’agence indépendante Ma’an qui a son propre bureau à Gaza) et israéliens (Haaretz). On ignore le sort qui leur a été réservé, ni combien ont été libérés. Le fait est que pour les dirigeants du Hamas, ou du moins la majorité d’entre eux, le mouvement de ces derniers jours n’a rien de spontané et d’innocent, mais il est instigué – accusent-ils – par l’Autorité nationale palestinienne (contrôlée par le parti laïque Fatah – ndlr) afin de mettre en difficulté le mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza. « C’est Mahmoud  Abbas, qui a récemment décidé de réduire encore les salaires et les subventions des résidents de Gaza, le principal responsable des souffrances endurées par les Palestiniens dans la bande de Gaza, juste après Israël », a déclaré le porte-parole du Hamas Hazem Kassem. Ce qui a également justifié la violente répression, car de telles manifestations distraient et nuisent à la « résistance à l’occupation » d’Israël.

La bande de Gaza affamée

En fait, pour organiser et mener les manifestations – selon des témoignages locaux -, il y a eu beaucoup de visages inconnus et, au début, l’objectif des manifestations n’était pas tant le Hamas, même si la cause première était les nouvelles taxes lourdes imposées par le régime islamiste. Le problème de fond est que les gens n’en peuvent plus, comme l’a expliqué pour Haaretz Samir Zaqout, directeur adjoint du Centre Meazan pour les droits de l’Homme. « Par le passé, la pauvreté n’a jamais été jusqu’à atteindre la famine. Aujourd’hui, c’est vraiment le cas. Les manifestations de ces jours-ci sont la réponse à une situation dramatique, en particulier chez les jeunes. Beaucoup essaient de fuir pour rejoindre la Turquie par la mer ou se dirigent vers la frontière avec Israël. Beaucoup cherchent la mort faute de motivation pour vivre ».

Le coup de massue donné par le Hamas a pour le moment réduit les manifestations au silence. Reste à voir pour combien de temps et quel en sera le prix en termes de popularité. Parmi les dirigeants du Hamas, certains comme Yahya Moussa, membre du bureau politique, se sont dissociés de la répression, affirmant que les autorités auraient dû comprendre et soutenir les raisons de ceux qui sont descendus dans la rue.

En attendant la marche du retour de vendredi prochain – un test pour voir s’il y aura de nouvelles tensions entre la population et le régime – une vidéo fait le buzz à Gaza : elle montre une personne âgée pauvre, accompagnée de son âne, qui proteste seule devant le bureau des impôts à cause d’une nouvelle taxe de 500 shekels (environ 130 euros) sur l’animal, l’unique bien laissé à l’homme et son seul moyen de subsistance.