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Jordanie: le statut personnel des chrétiens en révision

Christophe Lafontaine
9 avril 2019
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Jordanie: le statut personnel des chrétiens en révision
En Jordanie, les Eglises ont leur propre codification pour déterminer le statut personnel de leurs fidèles © Mbiama / Wikimedia Commons

Le 8 avril, la Jordanie a adopté des amendements au code du statut personnel (mariage, successions, etc.) En parallèle, les Eglises révisent leur propre règlementation pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes.


L’âge du mariage est de 18 ans en Jordanie, mais hier le parlement jordanien a adopté des amendements autorisant « exceptionnellement », le mariage de jeunes filles âgés de 16 ans et plus. Et ce, « avec l’accord d’un juge » et notamment le consentement de la future épousée. Une petite avancée – le seuil légal était fixé jusqu’à présent à 15 ans minimum – mais encore bien loin de ce que les associations féministes en Jordanie réclament en faisant depuis des années campagne contre le mariage des mineures. La semaine dernière, l’ONG Human Rights Watch (HRW) opposée au phénomène des « épouses enfants » avait exhorté dans ce sens le Parlement jordanien à profiter de l’occasion du vote du 8 avril, à proscrire complètement le mariage des mineures dans le royaume. En vain.
De leur côté, les Eglises chrétiennes présentes en Jordanie ne sont pas concernées par ces nouvelles dispositions législatives. De fait, dans le royaume hachémite, où l’islam est la religion d’Etat, la loi sur le statut personnel – qui se fonde en grande partie sur les principes de la loi islamique – ne s’applique pas à la minorité chrétienne du pays (qui représente environ 5% de la population), pour qui les questions de statut personnel (relatives aux questions des mariages, divorces, garde des enfants, héritage) ne sont pas codifiées par la loi jordanienne mais soumises à une réglementation qui relèvent des autorités ecclésiastiques. A titre d’exemple, toutes les Eglises présentes en Jordanie ont depuis longtemps déjà déterminé le seuil de 18 ans comme âge minimum pour le mariage. Sauf en de très rares cas, qui doivent non pas être soumis à l’accord d’un juge mais à l’autorisation seule de l’évêque.

Mais tandis que le Parlement jordanien légiférait la réglementation du statut personnel, « les Eglises, a fait savoir l’agence de presse Fides, ont entrepris également un parcours de révision des règles d’origine canonique et ecclésiastique déterminant le statut personnel des chrétiens dans le royaume hachémite dans le but d’éliminer les dispositions qui pénalisent les femmes en matière de mariage et de questions d’héritage. » Comme c’est le cas par exemple pour les femmes célibataires et sans enfants dans la répartition des parts d’héritage.

Réactualisation de dispositions datant de l’Empire ottoman

De fait, beaucoup de dispositions touchant au statut personnel des chrétiens jordaniens ont été déterminées sous l’Empire ottoman et ne correspondent plus au cadre social et sociologique de l’époque actuelle. D’où la nécessité de les actualiser face aux défis auxquels les familles chrétiennes sont confrontées. Selon abouna.org, il s’agira de « changements radicaux » à la fois pour moderniser le statut personnel des fidèles chrétiens et pour « remédier aux lacunes qui nuisent au bien-être des familles chrétiennes et à renforcer les liens sociaux. »

Pour ce faire, des comités spécialisés composés de prêtres, d’avocats et de juristes porteront, indique le média chrétien d’informations arabes, sur les questions touchant à l’âge du mariage, à la garde des enfants, aux pensions alimentaires et aux successions. Les amendements viseront à garantir l’égalité des droits en matière de succession pour les hommes et les femmes chrétiens, ainsi que d’ouvrir les droits de succession exclusivement aux filles et aux épouses en cas d’absence de fils.

Les chrétiens en Jordanie sont majoritairement grecs-orthodoxes. L’Archimandrite Christoforos Atallah, leur archevêque, a annoncé dans la presse jordanienne, avoir formé un comité de juristes qui bénéficiera de la contribution de juristes grecs spécialisés en droit de la famille. Les nouvelles dispositions seront examinées par le Synode du Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem. Et ce, dans un délai de deux mois, a précisé le média koweitien al-Rai.

De son côté, l’Eglise catholique latine s’est aussi engagée dans un processus analogue de révision sous les auspices du père Shawqi Baterian, canoniste et juge aux Tribunaux ecclésiastiques de Jérusalem et d’Amman. Les amendements aborderont en plus la question de l’adoption, son concept et ses droits au sein des familles chrétiennes.