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Gaza / Israël : trêve précaire après un week-end meurtrier

Christophe Lafontaine
6 mai 2019
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Cessez-le-feu précaire : les chars de l'armée israélienne, sur le qui-vive, près de la frontière israélienne de Gaza le 6 mai 2019. (Photo de Aharon Krohn / Flash90)

Le 6 mai à l’aube, un cessez-le-feu fragile a été signé après 48h de graves violences transfrontalières entre Gaza et Israël. Les roquettes palestiniennes et la riposte israélienne ont tué une trentaine de personnes.


A l’approche du mois sacré du ramadan, de la fête israélienne de l’Indépendance (cette année, célébrée du 8 au 9 mai) mais aussi de l’Eurovision qui doit se tenir la semaine prochaine à Tel Aviv, près de 700 roquettes ont été tirées depuis vendredi dernier de Gaza. Au moins 35 sont retombées dans des zones urbaines israéliennes riveraines de Gaza, selon le décompte l’armée israélienne rapporté par l’AFP. L’aviation et l’artillerie israéliennes affirment avoir frappé en représailles plus de 350 objectifs du Hamas et du Jihad islamique à travers l’enclave palestinienne.

Ces 48 dernières heures ont ainsi causé la mort de quatre civils israéliens et de 31 Palestiniens (selon le ministère de la Santé de Gaza) dont des membres du Hamas et du Djihad islamique. Il s’agit de la pire escalade militaire depuis la guerre de l’été 2014 avec l’opération « Bordure protectrice ». La pluie de roquettes de ce week-end intervient alors que le gendre et conseiller de Donald Trump, Jared Kushner, a annoncé vouloir dévoiler son plan de paix après la fin du ramadan, dans un mois. Ses propositions ne devraient pas faire référence à la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël.

Pour l’heure, c’est grâce au voisin égyptien, intermédiaire traditionnel, que les factions palestiniennes à Gaza ont convenu d’un cessez-le-feu avec l’Etat hébreu, rapporte l’AFP.

L’accord est entré en vigueur à l’heure du début du ramadan, dans la nuit de dimanche 5 à lundi 6 mai 2019, ont indiqué trois responsables, l’un égyptien et deux palestiniens. Cependant, « aucune confirmation n’a été obtenue du côté israélien, qui se garde généralement de corroborer de telles trêves », souligne l’AFP. De fait, Israël évite de commenter ce type de négociations. Mais selon la chaîne i24News, le commandement de la protection civile israélienne a annoncé que toutes les mesures de prévention avaient été levées dans les localités du sud d’Israël frontalières à la bande de Gaza et au centre du Néguev depuis 7h, heure locale, ainsi que les barrages routiers. Comme l’indique également le Times of Israel, plusieurs écoles ont rouvert leurs portes ce lundi : à Beer Sheva, Sdérot, Yavne et Kiryat Malachi. Ce qui peut être considéré selon le quotidien en ligne comme « une confirmation implicite de la trêve à Gaza. » En revanche, les établissements situés dans les régions d’Eshkol, de Shaar Hanegev et de Sdot Negev, plus proches de Gaza, devaient rester fermés.

Une trêve fragile avant un prochain round ?

La trêve a pu être possible grâce au dépassement de deux obstacles, selon des sources égyptiennes, fait savoir RFI. Premièrement, « le désir du Premier ministre israélien d’apparaître intraitable afin d’être en meilleure position dans les négociations pour la formation d’une coalition gouvernementale. » On se souvient que le 13 novembre dernier, une trêve avait été conclue (encore une fois) par l’entremise de l’Egypte entre Gaza et Israël ; le ministre de la Défense de l’époque, Avigdor Lieberman y avait vu une « capitulation devant le terrorisme » et avait démissionné dans la foulée du dernier gouvernement Netanyahu. Or, à l’heure de la formation de la nouvelle coalition, le chef du parti ultranationaliste laïc « Israël Beitenou », a indiqué qu’il se prononçait pour la nomination de Benyamin Netanyahou comme chef du gouvernement, et réclame par voie de conséquence des ministères clés… comme celui de la Défense ou alors se désolidarisera d’une coalition qui n’a pas encore vu le jour.

C’est ce qui explique sans doute les propos tenus par Benjamin Netanyahu lundi matin dans un communiqué : « nous avons frappé plus de 350 cibles, frappé des agents du terrorisme et leur dirigeant, et détruit des infrastructures terroristes. » Mais en ajoutant que « la campagne n’est pas finie, elle demande de la patience et des considérations », dit-il. « Nous nous préparons à continuer. » Des propos pour rassurer ceux de son parti ou les futurs membres de la coalition, plus faucons que colombes.
L’autre obstacle à la trêve qui devait être levé, « est ce que l’on appelle au Caire ‘’l’incitation iranienne à l’escalade’’ notamment via le Jihad islamique », explique RFI. « Une manière pour Téhéran de répondre aux nouvelles sanctions américaines contre ses exportations de pétrole. »

Vers un allègement du blocus

Toujours est-il que selon l’AFP, un responsable du Jihad islamique palestinien a affirmé que l’accord trouvé dans la nuit prévoyait des mesures d’assouplissement quant aux limites des zones de pêche gazaouies en mer Méditerranée et une amélioration de l’approvisionnement en électricité et en carburant pour les deux millions de personnes qui ploient sous le blocus imposé par Israël depuis 12 ans (en plus de celui de l’Egypte).

L’ex-chef d’Etat major et chef de Kakhol lavan (Bleu-Blanc), Benny Gantz, le rival malheureux de Benjamin Netanyahu aux législatives israéliennes, qui devrait devenir le numéro un de l’opposition en visite dans le sud israélien dimanche matin, a dit qu’une solution diplomatique devrait être cherchée avec le Hamas sur le long terme. Car pour lui, « tout ce que le gouvernement a fait, encore une fois, est de laisser la porte ouverte à un prochain round », a-t-il déclaré.