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Tel Motza, ce temple qui ressemblait à celui de Salomon !

Christophe Lafontaine
5 février 2020
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Un temple du Xème siècle av. J.-C découvert à Tel Motza à la périphérie de Jérusalem prouve qu'il y avait d'autres temples contemporains à celui du temple de Salomon. Ce qui pose question aux archéologues.


« Un temple monumental pouvait-il réellement exister au cœur du royaume de Juda, en dehors de Jérusalem ? » Telle est l’interrogation formulée dans un communiqué de l’Université de Tel Aviv par des chercheurs israéliens. Ils réagissaient, ce 3 février dernier, aux récentes fouilles réalisées à Tel Motza, à la sortie nord-ouest de Jérusalem. Ce site archéologique a été identifié comme la ville biblique de Motza appartenant au territoire de la tribu de Benjamin, mentionnée dans le livre de Josué (18, 26).

Les fouilles, qui ont été menées avec l’Autorité des Antiquités d’Israël, ont été dirigées par Shua Kisilevitz et le professeur Oded Lipschits de l’Institut d’archéologie de l’Université de Tel Aviv. Leurs résultats ont été publiés dans le numéro de janvier / février 2020 de la Biblical Archaeology Review. Ils indiquent de fait l’existence, à l’ère du Premier Temple (Xème siècle – VIème siècle avant J.-C.), d’un autre temple. Erigé à la fin du Xème ou au début du IXème siècle av. J.-C.), il aurait été bâti sur une structure qui n’a été pour le moment que partiellement découverte et provisoirement datée au Xème siècle avant J.-C.

D’après l’étude signée par les archéologues, le temple de Motza aurait mesuré 18 mètres sur 13 (sans compter une chambre supplémentaire qui pourrait avoir existé au sud). A cette aune, la taille du temple de Motza serait d’un tiers plus petite que celle du Premier Temple de Jérusalem, a déclaré Shua Kisilevitz au Times of Israel. Il s’agit là du « seul temple monumental datant de l’âge du fer fouillé au cœur du royaume de Juda », énonce le communiqué de l’Université de Tel Aviv.

Plans

Découvert en 2012, avant des travaux routiers dans sa zone, le temple a été refouillé en mars 2019 et présente de nombreuses similitudes avec la description qui est faite en détail au chapitre 6 du Premier Livre des Rois, du Temple de Salomon à Jérusalem dont aucun vestige n’a jamais été retrouvé.

Selon les archéologues de Tel Motza, le temple découvert tel qu’il leur apparaît, est « conforme aux anciennes conventions et traditions religieuses du Proche-Orient et aux représentations bibliques des lieux de culte à travers le pays ».  Le complexe présente en effet une orientation est-ouest et se compose d’une cour et d’un grand bâtiment rectangulaire. Il repose sur un plan caractéristique de ce qui se faisait au Proche-Orient il y a 3 000 ans, particulièrement au nord de la Syrie et qui est devenu typique du sud-Levant dès le deuxième millénaire avant J.-C. à l’instar du Temple de Jérusalem et des temples d’Ain Dara et de Tell Ta’yinat en Syrie, par exemple. Ce plan consiste en une longue pièce, généralement segmentée en deux espaces. La plus petite pièce était le « saint des saints » où se trouvait l’objet central de culte – souvent une statue – tandis que la plus grande chambre était reliée à un portique avant, flanqué de deux colonnes à l’entrée.

Objets cultuels

De nombreux objets ou mobiliers cultuels ont été retrouvés à Tel Motza : des figurines en poterie de forme humaine, des figurines de chevaux, un piédestal décoré d’une paire de lions ou de sphinx, un autel en pierre pour les sacrifices, une table en pierre pour déposer les offrandes. Autre élément révélateur d’activités rituelles, une fosse remplie de cendres, de restes d’os d’animaux et de tessons de poteries, a été aussi découverte. Haaretz rapporte qu’« une analyse des ossements d’animaux trouvés sur le site a indiqué qu’ils n’appartenaient qu’à des animaux casher – vaches, chèvres, moutons et cerfs – pour la plupart jeunes et portant des marques de dépeçage, ce qui renforce la théorie selon laquelle ils ont été apportés en sacrifice. » Shuha Kisilevitz explique ainsi au Times of Israel que la fosse était utilisée de la même manière que les juifs utilisent aujourd’hui une genizah pour les textes sacrés.

Le Temple de Salomon n’était-il pas l’unique lieu de culte en Israël ?

De telles similitudes avec le Temple de Salomon et une si grande proximité géographique – les deux temples n’étaient qu’à 6 km l’un de l’autre – soulèvent chez les archéologues de nombreuses questions. D’autant qu’il est clair pour les archéologues que des temples tels que celui de Motza ont fonctionné en même temps que celui de Salomon, pendant la deuxième période de l’âge du fer. Que pouvait donc faire là un centre de culte parallèle à moins de 6 km au nord-ouest de Jérusalem ? Tout en sachant que la Bible n’en fait aucune mention.

Comme l’explique Shua Kisilevitz au Times of Israel, « il est impossible d’avoir pu construire un temple aussi monumental et majeur à une telle proximité de Jérusalem sans qu’il n’ait été autorisé par le système au pouvoir ». Ce qui remet en cause la conception que nous avons des pratiques religieuses à la période du Premier Temple, conclut-elle.

D’autant que le texte biblique rapporte plutôt le récit de luttes avec les lieux de culte qui entraient en concurrence avec le Temple de Jérusalem. La Bible énonce même explicitement des interdits, arguant que le Dieu d’Israël ne devrait être adoré que dans le temple de Jérusalem.

Les Livres des Rois 2 et Chroniques 2 évoquent à ce titre deux réformes religieuses d’ampleur qui ont consolidé les pratiques d’un culte unique au Temple de Salomon à Jérusalem et éliminé toute autre activité cultuelle. Il s’agit des réformes du roi Ezéchias à la fin du VIIIème siècle avant J.-C. et celle plus radicale de son arrière-petit-fils, le roi Josias, qui a détruit tous les lieux de culte en dehors de Jérusalem à la fin du VIIème siècle av. J.-C.  Des restes de temples qui auraient été détruits dans le cadre de ces réformes ont d’ailleurs été retrouvés à Tel Arad et Tel Be’er Sheva.

Alors « un temple monumental pouvait-il réellement exister au cœur de Juda, en dehors de Jérusalem ? Jérusalem était-elle au courant ? », se demande Shua Kisilevitz dans le communiqué publié par l’Université de Tel Aviv. « Si oui, cet autre temple aurait-il pu faire partie du système administratif du royaume de Juda ? »

« Les amis français de l’Université de Tel Aviv » complètent la liste des questions sur leur site. « Qui a érigé le temple de Motza (…) ? Quels rituels s’y sont déroulés ? Quelle était la relation entre la communauté du temple de Motza et celle du temple de Jérusalem ? Les prêtres du temple de Motza ont-ils à un moment accepté la suprématie des prêtres du Temple de Jérusalem, et si oui, quand cela s’est-il produit ? Le temple de Motza a-t-il survécu aux réformes religieuses d’Ezéchias et de Josias, et a-t-il continué d’exister jusqu’à la destruction du royaume de Juda par les Babyloniens en 586 avant J.-C. ? »

Pour l’heure, il n’y a pas de réponse. Mais les chercheurs misent énormément sur les deux saisons de fouilles supplémentaires prévues à Tel Motza, au printemps 2020 et au printemps 2021.

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