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Signature à Washington des Accords d’Abraham

Giampiero Sandionigi
18 septembre 2020
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Cérémonie de la signature des Accords d’Abraham dans les jardins de la Maison Blanche le 15 septembre 2020. De gauche à droite, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, le Premier ministre israélien, le président des Etats-Unis et le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis. (Photo Avi Ohayon/Gpo Israël)

Des accords diplomatiques ont été signés le 15 septembre à la Maison Blanche certifiant le dégel entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn, tous alliés proches des Etats-Unis. Satisfaction de Donald Trump et frustration des Palestiniens.


C’est avec la solennité des grandes occasions, et une cérémonie somme toute rapide (40 minutes), mardi, 15 septembre 2020, les accords dits d’Abraham ont été signés entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn, sous le regard satisfait du président Donald Trump et de ses plus proches collaborateurs. C’est avec le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdallah ben Zayed, et son homologue de Bahreïn, Abdel Latif al-Zayani, que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a signé des accords bilatéraux distincts qui conduisent les deux Etats du Golfe persique à reconnaître l’Etat hébreu, en établissant des relations diplomatiques formelles avec lui et en vue d’approfondir la collaboration sur de nombreux plans tels que le tourisme, l’aviation civile, les sciences et technologies, l’innovation, l’environnement, l’énergie… pour n’en citer que quelques-uns. Il y a aussi en jeu la vente de chasseurs F35 aux Emirats de la part des Etats-Unis, à laquelle le gouvernement israélien n’a désormais plus aucune raison de s’opposer.

Dans les courts discours prononcés par les protagonistes de la cérémonie et dans les documents signés, le mot « paix » est largement utilisé. Cependant, ni les Emirats arabes unis ni Bahreïn n’ont jamais été en guerre avec Israël. Les deux entités arabes n’ont acquis leur indépendance du protectorat britannique qu’en 1971, après que les premières guerres décisives arabo-israéliennes eurent déjà eu lieu en 1948 et 1967. Conflits dans lesquels les deux seuls pays arabes à avoir signé de véritables traités de paix avec l’Etat hébreu depuis longtemps sont l’Egypte (en 1979) et la Jordanie (en 1994).

Chemins de paix

Il est vrai que signer un engagement en faveur de la paix impliquera de désamorcer le discours de haine et de favoriser un climat de respect mutuel dans l’opinion publique de chaque pays, pour garantir qu’il se propage dans toute la région. Tâches qui reviennent à toutes les parties impliquées.

Netanyahou, dans son intervention, s’est réjoui de voir sa ligne politique confirmée : rendre Israël toujours plus fort lui vaut respect, alliés et sécurité.

Le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdallah ben Zayed, le seul à parler dans sa langue (précisément pour faire entendre sa voix au public arabe sans médiation) a souligné un point qu’il a déjà répété à plusieurs reprises. Et il l’a fait en remerciant Netanyahu « d’avoir choisi la paix et de mettre un terme à l’annexion des Territoires palestiniens, une décision qui renforce notre volonté commune de parvenir à un avenir meilleur pour les générations à venir ». Le prince a idéalement tendu la main aux Palestiniens, qui se sentent trahis. « Aux Emirats arabes unis – a déclaré le prince – nous sommes convaincus que cet accord nous permettra de rester aux côtés du peuple palestinien et de réaliser ses espoirs d’un Etat indépendant dans une région stable et prospère ».

Son collègue de Bahreïn, Abdel Latif al-Zayani, lui a fait écho. Pour lui, « l’accord d’aujourd’hui est un premier pas important et c’est maintenant à nous de travailler dur pour une paix durable et pour la sécurité que nos peuples méritent. Une solution juste, globale et durable des deux Etats au conflit israélo-palestinien sera le fondement, la pierre angulaire d’une telle paix ».

Netanyahu a dit qu’il ne s’agissait pas simplement d’une paix entre les dirigeants, mais entre les peuples. Ce n’est pas forcément le cas : la majorité chiite de Bahreïn, sensible aux impératifs iraniens, peut ne pas penser comme ses dirigeants principalement issus de la dynastie sunnite des Banu al-Khalifa qui, en 2011, réprima les manifestations de rue, avec le soutien armé de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.

Comme on pouvait s’y attendre, les Accords d’Abraham sont difficiles à avaler pour les Palestiniens, qui ont rappelé leurs ambassadeurs à Abu Dhabi et à Manama. Alors qu’avaient lieu les signatures à Washington, le Hamas de Gaza a lancé des roquettes vers Israël, et depuis Ramallah, le bureau du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a publié une déclaration officielle qui énonce que : « tout ce qui s’est passé à la Maison Blanche n’apportera pas la paix dans la région, jusqu’à ce que les Etats-Unis et Israël, en tant qu’entité occupante, ne reconnaîtront pas les droits du peuple palestinien à établir son propre Etat à l’intérieur des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et à résoudre le problème des réfugiés ». Au-delà des déclarations, la rue ne s’est pas beaucoup échauffée, peut-être par résignation, peut-être par manque de stratégie. Jamais auparavant les armes politiques dont disposent les Palestiniens n’ont semblé si minées.

Le gain est tout à Israël, notamment par rapport à la proposition de paix saoudienne de 2002, approuvée par toute la Ligue arabe, mais immédiatement paralysée par le refus israélien : il y a 18 ans, la pleine reconnaissance de l’Etat hébreu était prévue par tous les gouvernements arabes en échange du retrait de ses troupes à l’intérieur des frontières de 1967, du retour des réfugiés palestiniens et de la naissance de l’Etat de Palestine. Aujourd’hui, la reconnaissance vient d’Abu Dhabi et de Manama sans aucune de ces conditions.

Les analystes sont certains que d’autres Etats du Golfe feront un pas en avant, unis comme ils le sont par leur opposition à l’ennemi iranien commun. Le Premier ministre israélien a fait allusion à cela à plusieurs reprises et Trump l’espère. Le gouvernement de l’Arabie saoudite maintient pour l’instant la ligne officielle : pas d’accord avec Israël, sans avoir d’abord la paix avec les Palestiniens. Pendant ce temps, cependant, Riyad collabore depuis longtemps avec les gouvernements qui ont été dirigés par Netanyahu. Et c’est un secret de polichinelle.

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