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A Hébron, un nouveau musée raconte les 6 500 ans de la ville

Christophe Lafontaine
19 octobre 2021
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A Hébron, un nouveau musée raconte les 6 500 ans de la ville
Le « Musée du Vieux Hébron » inauguré le 14 octobre 2021 © UNESCO_Mohammad Silwadi

Inauguré le 14 octobre, le « Musée du Vieux Hébron », est le fruit du travail du Comité de réhabilitation d'Hébron et de l’Unesco, avec le financement de la Suède. Le but est de revitaliser la ville par le tourisme.


Conversion pleine d’espoir. « De l’emblématique ‘‘Hôtel Palestine’’ à un musée avec des expositions prévues pour présenter des histoires d’Hébron, le musée du Vieux Hébron est prêt à accueillir des visiteurs locaux et internationaux ». L’heure était plutôt à l’optimisme, jeudi dernier, pour l’Unesco. Dans un communiqué, l’organisation internationale revenait sur l’ouverture officielle au public, le même jour, du nouvel espace muséal dédié à la vieille ville d’Hébron, située en Cisjordanie, à environ 30 km au sud de Jérusalem.

La cérémonie s’est tenue en présence des représentants du Comité de réhabilitation d’Hébron (HRC), du Consulat général de Suède à Jérusalem et du Ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités. Tous ces acteurs, avec la participation de partenaires locaux et internationaux sont à l’origine de ce projet culturel qui « contribuera sans conteste, a déclaré Rula Ma’ayeh, la ministre palestinienne du Tourisme, à diffuser une image lumineuse de la riche culture et de l’histoire d’Hébron ». Misant sur le fait que cela conduise « à attirer plus de visiteurs dans la ville ». Selon l’agence de presse Reuters, l’entrée au musée sera gratuite dans un premier temps mais pourrait devenir payante ultérieurement pour les touristes étrangers.

La vieille ville d’Hébron, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco et aussi sur la Liste du patrimoine mondial en péril depuis 2017, est l’une des plus anciennes cités au Proche-Orient, toujours habitée, avec des traces archéologiques remontant à 4 500 ans av. J.C. avec le premier établissement humain basé sur l’agriculture et le pâturage à l’époque chalcolithique.

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La ville située au croisement de routes commerciales de caravanes cheminant entre le sud de la Palestine, le Sinaï, l’est de la Jordanie et le nord de la péninsule arabique, a prospéré grâce à ses vignes, son artisanat, du textile à la poterie, en passant par son industrie de verrerie reconnaissable entre toutes pour ses objets bleus, verts et turquoises.

Construite autour du Tombeau des Patriarches, érigé durant la période du Second Temple, ses bâtiments actuels, ses arches et ses ruelles, remontent essentiellement aux époques ayyoubide, mamelouke et ottomane. Et c’est « l’utilisation d’une pierre calcaire locale [qui] a marqué la construction de la vieille ville d’Hébron/Al-Khalil au cours de la période mamelouke, entre 1250 et 1517 », précise l’Organisation internationale sur son site.

Un musée « interprétatif »

Le musée flambant neuf se trouve à l’entrée de la vieille ville d’Hébron. Un emplacement stratégique qui s’impose désormais comme premier arrêt à tous les visiteurs curieux. Le musée a redonné vie à un ancien bâtiment aux allures de petit palais qui aurait plus de 100 ans, voire, selon certaines sources, plus de 150 ans. Doté d’une galerie à la poupe, de balcons, de fenêtres arrondies, de vitraux de couleurs – bleus, jaunes, verts et rouges -, le bâtiment accueille ses visiteurs en haut d’un escalier de pierre à l’ombre de murs blancs. C’est là que s’était établi le premier hôtel d’Hébron en 1943, au-dessus de magasins qui menaient au Tombeau des Patriarches. L’hôtel, transformé par la suite en atelier de chaussures, a finalement été abandonné il y a près de 25 ans au moment de la deuxième Intifada. Les travaux de sa conversion en musée, eux, ont commencé en 2018.

Le nouveau musée répond à trois objectifs. Installé dans un bâtiment architectural distinctif de la ville, sa réhabilitation a permis de préserver un élément important du patrimoine de la ville, qui incarne – et c’est le deuxième but – l’héritage culturel et historique palestinien qu’il présente en son sein, pour enfin et surtout développer le secteur touristique de la ville.

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« L’espace intérieur du musée ne permet pas beaucoup d’objets de collection archéologiques et patrimoniaux car cela entrave les mouvements », a expliqué à l’agence Reuters, Imad Hamdan, chef du Comité de réhabilitation d’Hébron. « Nous avons donc décidé, a-t-il détaillé, que ce musée serait interprétatif ». C’est-à-dire qu’il vise à expliquer l’histoire de la ville à travers de grandes peintures, des photos ou des vidéos de manière à créer une interaction entre le visiteur et le musée.

Si le musée abrite toutefois quelques artéfacts archéologiques de petite taille tels des poteries, des outils de la vie quotidienne, des pièces de monnaie de différentes époques, il expose aussi quelques manuscrits et cartes.

L’espace muséal s’articule autour de cinq espaces dont l’un est entièrement consacré au Tombeau des Patriarches. Le visiteur peut tout au long du parcours, suivre le déroulé chronologique de la ville vieille de 4 500 av. J.C. jusqu’à 1997, date à laquelle, à la suite des accords d’Oslo, le protocole d’Hébron signé entre Israël et l’Autorité palestinienne convient de la division de la ville en deux secteurs (H1 et H2). Le secteur H2, où se trouve l’intégralité de la Vieille ville, est sous contrôle israélien. Imad Hamdan a déclaré à Wafa que le musée entendait être « une plate-forme » qui raconte tout ce qui concerne la ville, « par nécessité de sensibiliser collectivement les membres de la communauté locale et d’accroître leurs connaissances sur le patrimoine de leur ville, son histoire, son développement urbain, les conditions politiques qui l’entourent et les défis imposés par les circonstances, ainsi que les efforts déployés pour protéger et préserver ce patrimoine. »

De futurs projets de coopération ?

Noha Bawazir, la représentante de l’Unesco en Palestine, a décrit le bâtiment du musée comme « un chef-d’œuvre qui témoigne de la mission et des principes uniques de l’Unesco, où la conservation du patrimoine architectural est combinée à la sauvegarde des récits des habitants d’Hébron et des histoires du passé et du présent ».  L’Unesco a de fait apporté son expertise pour permettre l’opérationnalisation technique et logistique du musée. L’Unesco a aussi fourni un soutien pour la documentation complète du bâtiment ainsi que pour le mobilier, les équipements et la préparation de son contenu.

En 2012, l’Unesco a noué un partenariat avec l’Etat suédois qui a contribué depuis, à la réhabilitation de 75 sites du patrimoine culturel dans diverses villes et villages palestiniens pour un montant total de plus de 18,29 millions dollars. Le « Musée du Vieux Hébron » est le dernier projet en date.

Et le futur se dessine déjà. Le Musée palestinien, association non gouvernementale basée à Birzeit et dédiée « au soutien d’une culture palestinienne ouverte et dynamique au niveau national et international », en félicitant le Comité de réhabilitation d’Hébron pour l’ouverture du « Musée du Vieux Hébron » n’a pas caché son « impatience » pour saisir et créer des « opportunités de coopération et de partenariat ».