Des clés pour comprendre l’actualité du Moyen-Orient

Peut-on laisser de la place à la joie ? – TSM 699

Marie-Armelle Beaulieu
15 septembre 2025
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C’était un matin d’août, la chaleur nous laissait enfin du répit et une douce brise rafraîchissait la maison. Comment allais-je m’habiller ? Au moment de revêtir un pantalon couleur orange DDE (Direction départementale de l’équipement), j’ai hésité.

Pouvais-je arborer cette couleur si vive dans la période si mortifère que nous traversons ? Avais-je le plus envie de porter cette couleur ou de porter le lin dudit pantalon ? Et si je mettais le blanc avec une chemise… orange ? Décidément, j’avais envie de couleurs et je me sentais en joie. Elle était là, “au creux des reins” comme chante Barbara, et je me demandais comment cela était possible alors même que la situation avait continué de se détériorer à Gaza tout l’été et singulièrement vite ces derniers jours en Cisjordanie.

Comment cette joie s’était-elle installée et pourquoi maintenant ? Je cherchais depuis quelques jours un sujet pour ce billet qui ne plomberait pas l’ambiance d’un numéro de rentrée. Les mauvaises nouvelles s’étaient amoncelées. Et voilà que la joie s’imposait ingénument, incongrûment aussi.

Je m’en ouvrais à des amis en évoquant les sourires du patriarche Pizzaballa ou ceux du père Gabriel, le curé de Gaza. “Non, il n’y a pas de joie possible. Cela fait des mois que je n’en connais plus. Et ce n’est pas possible d’avoir de la joie”. “Oui mais quand même, vous voyez bien leurs sourires sur les photos ?” “Ce sont des & %*$&@ de cathos débiles ! Je n’ai jamais compris cette complaisance dans la souffrance et le martyre. C’est débile.”

Je me suis tue. Retour case oraison et réflexion, révision des classiques : Jean (15, 11), Paul aux Philippiens (4, 4-7), François d’Assise… OK, ça, c’était le registre des saints. On va éviter la théologie sacrificielle, celle du martyre, l’imitation de Jésus Christ. Je ne maîtrise pas du tout. La chanson de Barbara me trottait dans la tête : “Ils ont beau vouloir nous comprendre, ceux qui nous viennent les mains nues, nous ne voulons plus les entendre, on ne peut pas, on n’en peut plus. Alors seule dans le silence d’une nuit qui n’en finit plus”.

La suite parle de ceux que le mal de vivre accable jusqu’au suicide, mais la joie qui arrive par grâce (“sans prévenir“ dit la chanson) c’est la vie. Si je laisse de la place à la joie ou plutôt si je laisse la joie créer de la place, elle en fera pour l’autre, elle en laissera à l’avenir. Le silence du Samedi saint n’est pas incompatible avec la joie. L’un et l’autre préparent Pâques.