Des clés pour comprendre l’actualité du Moyen-Orient

Convoquer l’espérance, préparer l’étape d’après – TSM 698

Marie-Armelle Beaulieu
26 juillet 2025
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S’il y a une chose que je souhaitais c’était mourir à Jérusalem, la ville où j’aime vivre. S’il y a une chose dont j’étais sûre, c’était que je ne la quitterai jamais de mon plein gré. Le 7-Octobre, ses conséquences et la détresse d’Abdelfattah sont venus bouleverser mes certitudes.

Nous sommes en avril 2025, je suis en France devant un parterre de pasteurs de l’Église Réformée. John et moi intervenons à deux voix sur notre perception de ce qui se vit en Israël et Palestine depuis 20 mois. John est palestinien. Je suis une étrangère, quand bien même j’ai vécu adulte, du fait de son âge et du mien, plus longtemps que lui dans son pays… Il vient d’utiliser l’expression de “génocide commis par Israël”. C’est à mon tour de parler : “Je me refuse à utiliser le mot génocide”. Je regarde à mes côtés John que je viens de poignarder, je regarde dans l’assemblée Abdelfattah que je viens de crucifier. À ce moment précis, je ne sais plus du tout pourquoi, les aimer, c’est leur infliger une telle douleur.

Elle ravive un questionnement qui est constant depuis que je vis au milieu de ces deux peuples, sans appartenir à aucun. Depuis que je suis témoin de leur histoire, sans adhérer à leurs propagandes. Où et comment se tenir, quoi dire et quoi taire ?

En octobre 2023, j’avais annoncé que je me tairai. En 2025, je ne peux plus parler. Les deux camps veulent me bâillonner. Les deux me méprisent. Ils postulent que je ne comprends pas, ne vois pas, que mon silence est assourdissant de complicité, que je suis finalement lâche.

Et si c’était vrai ? Si je n’étais qu’égoïsme et lâcheté ? Combien d’heures d’insomnie ai-je passé à m’interroger : “Alors, tu protèges ton petit visa en ne faisant pas de vagues ?”
J’ai pensé à rendre mon tablier. Terre Sainte

Magazine et son audience ridicule, à quoi bon ? À quoi bon chercher la voie de la réconciliation et du dialogue si personne ne veut y croire ici ou ailleurs ?Et puis, je suis allée à Latroun.

Pour un article, j’ai fait parler les moines de leur vocation. Ils sont revenus sur le sens d’une présence enfouie dans le silence. “Le témoignage du moine, c’est d’être un homme qui est à ce qu’il fait et qui le fait concrètement” m’a dit le père abbé. Et que fait-il ? “Il porte du fruit pour les âmes qui en ont besoin”, explique frère Martin.

Ce n’est pas ce que je dis ou ce que je tais qui compte mais cette disposition à faire humblement mon travail : convoquer l’espérance, préparer l’étape d’après, celle de la réconciliation et, si Dieu veut, porter du fruit pour ces peuples qui en ont besoin.