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Pentecôte juive et Pentecôte chrétienne

Frédéric manns ofm*
1 mai 2011
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Pentecôte juive et Pentecôte chrétienne

La pâque chrétienne renvoie à la pâque juive. C’est à peu près admis. Et si la pentecôte chrétienne renvoyait à la Pentecôte juive ?

Frère Frédéric Manns fulmine lorsque l’on oublie que les racines chrétiennes sont, demeurent, s’épanouissent dans l’étude du judaïsme.

La Pentecôte juive célébrée cinquante jours après la Pâque évoque un double mariage : celui de Dieu avec son peuple au Sinaï et celui de Booz avec Ruth à Bethléem.

La fête est appelée la fête des moissons. Le temps de la récolte est toujours un temps de joie. Au pied du Sinaï Dieu a donné la loi à son peuple au milieu du feu et des éclairs. Israël est entré en alliance avec son Dieu : « Nous ferons et nous écouterons », avait affirmé Moïse. Israël est devenu alors un « peuple de prêtres, un peuple de rois, une nation sainte ». La ketouba, le contrat de mariage, n’est autre que la Torah. Shavouot (Pentecôte) n’est rien d’autre que l’accomplissement de Pessah (Pâque) : de la servitude d’Égypte Israël est passé au service de son Dieu.

Les rabbins ont souvent assimilé les 49 jours séparant Pâque de la Pentecôte aux 49 degrés de pureté à gravir depuis la sortie d’Égypte jusqu’au don de la Torah, jusqu’à la célébration de l’alliance. Pour être rendu digne de devenir partenaire de Dieu dans l’alliance, Dieu fait passer son peuple de la nourriture de l’orge célébrée lors de la Pâque à la nourriture du blé. De la nourriture de l’animal (l’orge) Israël passe à la nourriture des hommes (le blé). Cette période de maturation du blé est faite de joie de recevoir l’alliance, mais aussi de crainte.

Le deuxième mariage est celui de Ruth et de Booz. Une Moabite, une étrangère adopte le Dieu d’Israël : « Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu ». Ruth la Moabite est la grand-mère du roi David ! La nuit précédant la Pentecôte les juifs étudient la Torah pour faire le tiqqun olam, la réparation du monde. La tradition veut que la nuit de Shavouot soit celle où se produisent des révélations mystiques, en lien avec l’expérience du Sinaï en vue de la préparation des noces eschatologiques entre le Seigneur et son peuple réconcilié avec toutes les nations. La rédemption messianique sera accomplie lorsque le Tiqqun sera achevé.

Pour la tradition chrétienne présentée par saint Luc, il y a eu une série de Pentecôtes marquées par le don de l’Esprit : les juifs reçoivent ce don, puis les Samaritains, enfin les païens réunis chez Corneille à Césarée. Ce fut la stupeur parmi les croyants circoncis qui avaient accompagné Pierre : « ainsi jusqu’aux nations païennes le don de l’Esprit était maintenant répandu ». Par le don de l’Esprit de Jésus ressuscité la Pentecôte chrétienne étend aux non-juifs le don de l’alliance au Sinaï. «Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste et de myriades d’anges, réunion de fête, et de l’assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d’un Dieu juge universel et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits, de Jésus médiateur d’une alliance nouvelle, et d’un sang purificateur plus éloquent que celui d’Abel» (He 12, 22-23). La tradition juive avait déjà associé le Mont Sinaï et le mont Sion.

Si la Pâque juive renvoie le chrétien à l’eucharistie célébrée dans ce contexte juif, Shavouot rassemble la communauté dans la Parole inspirée par l’Esprit. Bref les deux tables sont présentées au chrétien, la table de la parole et celle de l’eucharistie.

Pourquoi insister sur les racines juives de la foi chrétienne ? À Jérusalem cela devrait être évident. Malheureusement ce n’est pas le cas. Le document de Mgr Sabbah Lire la Bible au pays de la Bible est resté enfermé dans les bibliothèques. La preuve en est que les homélies du pape lors de son voyage en Israël, préparées par l’Église locale, n’ont pas senti le besoin de mettre le mystère chrétien en rapport avec l’Ancien Testament. Cette myopie spirituelle s’explique encore moins après le synode sur l’Écriture célébré en octobre dernier. Dans ces conditions l’Église locale se ferme à toute forme de dialogue avec le judaïsme et refuse de présenter le Christ comme l’accomplissement des Écritures. Il faudra une nouvelle Pentecôte pour permettre aux chrétiens de Jérusalem de parler ouvertement avec leurs frères aînés. Le pape Benoît XVI est passé au milieu de nous allant son chemin au-delà du Mont du précipice (Lc 4,30). Il reste maintenant aux chrétiens de retrouver l’Esprit dans la fraction du pain.

 

 

* Studium Biblicum Franciscanum

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