Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Basilique de la Nativité, nettoyage fatal

Giuseppe Caffulli
2 janvier 2012
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Basilique de la Nativité, nettoyage fatal
©J.A.Jaskólski

Et rebelote. Cela s’apparente à un rituel de Noël. Il s’agit de la bagarre entre l'Église apostolique arménienne et l’Église grecque orthodoxe dans la basilique de la Nativité à Bethléem. Depuis plusieurs années, elle survient avec une consternante régularité et a eu lieu pour la dernière fois le 28 décembre 2011.


(Milan) – Et rebelote. Cela s’apparente dorénavant à un rituel de Noël. Il s’agit de la bagarre entre l’Église apostolique arménienne et l’Église grecque orthodoxe dans la basilique de la Nativité à Bethléem. Depuis plusieurs années, elle survient avec une consternante régularité et a eu lieu pour la dernière fois le 28 décembre 2011.
L’événement a, comme d’habitude, déclenché la curiosité des médias: quoi de plus singulier et spectaculaire que l’échange de coups dans le lieu qui a vu la naissance de notre Seigneur? Là où le Prince de la paix et l’amour est venu habiter parmi les hommes?

Et voilà, que les journaux et les télévisions du monde se font un plaisir de diffuser les images, comme d’habitude, le show de prêtres en  soutane qui se battent à coup de manches à balai. Une sorte de vengeance psychologique sur le clergé, dans le sillage du célèbre verset de l’Évangile: «Celui qui est sans péché qu’il jette la première pierre. »

Mais de quoi s’agit-il vraiment ?

Admettons que les hommes, qu’ils portent une soutane ou non, sont tous habités par le péchés et les passions ; il convient pour revenir sur l’évènement de clarifier quelques points.

1. Évidemment, du point de vue chrétien il n’y a aucune justification d’un tel événement. Les chrétiens ne donnent certainement pas un témoignage d’amour évangélique lors d’incidents de ce genre.

2. L’épisode ne peut pas se comprendre en dehors du contexte très particulier du Statu Quo, ce règlement fixant des règles strictes de conduite entre les diverses confessions chrétiennes « copropriétaires » dans la basilique de la Nativité (comme aussi au Saint-Sépulcre à Jérusalem). Dans le cas de Bethléem, les confessions chrétiennes sont les Catholiques (représentés par les Franciscains), les Arméniens apostoliques et les Grecs orthodoxes.

3. Les catholiques ne sont pas impliqués dans cette bagarre. Les frères franciscains au contraire s’efforcent de tenir un rôle pacificateur de la fougue des frères orthodoxes et arméniens. 

4. L’an dernier, lors d’un incident similaire, déclenché à l’occasion du nettoyage de la basilique pour les fêtes de la Noël orthodoxe, c’est autour d’un café offert par les franciscains dans leur couvent tout proche qu’orthodoxes et arméniens eurent l’occasion de faire la paix.

5. De même cette année, après la querelle, tous s’accordèrent pour prendre un café dans le couvent franciscain, suivi d’un autre dans le monastère arménien.

Reste à comprendre pourquoi ces émeutes déplorables  éclatent.

Le différend, qui survient généralement après le Noël des Latins, a lieu lors du grand nettoyage des de la basilique en préparation des festivités orthodoxes. Il s’agit ici de comprendre ce dont on parle en matière de nettoyage de la basilique.

En vertu du Statu quo, l’église est divisée en zones de compétences. Chaque confession nettoie son secteur. Et dans la mentalité orientale, tout empiétement est considéré comme une usurpation, et tout  empiétement, s’il était toléré, pourrait donner lieu à des réclamations de propriété. (« Si tu me laisses faire le ménage ici c’est que tu conviens que je suis propriétaire de ce secteur »). L’histoire des Lieux Saints est parsemée de tels incidents.

Mais cette année il y a plus. Il semble que les hommes d’Église soient peu impliqués dans le litige selon un témoignage recueilli auprès d’un témoin présent à Bethléem à ce moment.

« Les personnages qui apparaissent sur les images transmises à la télévision, ne sont pas des religieux, mais des laïcs embauchés pour faire le ménage. Il n’est pas normal qu’ils soient vêtus comme ils l’étaient (que les laïcs soient habillés comme des moines pour travailler dans l’église – ndlr), mais la bagarre a été provoqué par un jeune employé de Beit Sahour (Champ des Bergers, un village près de Bethléem – ndlr ), habillé d’une soutane grecque, qui a provoqué les autres réussissant à faire sortir de leurs gonds les Arméniens.

Ces incidents ont des conséquences graves à Bethléem, pour les chrétiens, mais aussi pour les musulmans. Il n’est absolument pas concevable que la police [palestinienne intervenue pour réprimer l’émeute] se servent de matraques contre des religieux, quels qu’ils soient. Ceci est perçu comme un manquement grave de respect pour le sacré. « 

Il s’ensuit un lourd impact médiatique. « Une seul caméra était présente – indique notre source – et le tour était joué. L’affaire a été montée et la nouvelle a fait le tour du monde. Le message de Noël est affecté, affaibli par l’incident. Les téléspectateurs ne peuvent pas savoir que ceux qui manient balais et brosses n’appartiennent pas au clergé, mais que se sont des jeunes des environs prompts à la bagarre, qui profitent  des déchirements entre les communautés pour vivre à cette occasion leur  «moment de gloire ».

Les Arméniens avaient déjà demandé que le ménage de la basilique soit réalisé par une entreprise externe et neutre par un externe et neutre, une demande restée à ce jour lettre morte.