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Jeux Olympiques 2012, cinq athlètes,
un drapeau mais pas d’État

Emma Mancini
23 juin 2012
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Jeux Olympiques 2012, cinq athlètes,<br/> un drapeau mais pas d’État

À un mois de l’ouverture des Jeux Olympiques de Londres, l’enthousiasme de tous les sportifs du monde est prêt à exploser. Les Palestiniens seront représentés par cinq athlètes. Le gouvernement de l’Autorité palestinienne mise sur eux pour attirer l’attention de l’opinion mondiale sur leur cause : l’obtention d’un État libre et souverain.


(Bethléem) – Une équipe nationale sans Etat. L’organisation des Jeux Olympiques de Londres en 2012 tourne à plein régime, les jeux sont imminents et l’enthousiasme des athlètes du monde entier prêt à exploser. Dans les piscines et sur les starting-blocks des 800 mètres de la capitale britannique, le drapeau d’un État qui n’existe pas flottera: le drapeau palestinien. Un cas unique pour les athlètes qui représenteront à Londres les territoires palestiniens occupés: même si les trois quarts des pays du monde ont déjà reconnu la Palestine comme un Etat, sur le terrain rien n’a changé.

Mais le sport réussit là où la politique et la diplomatie ont échoué. Cette année ce sont cinq athlètes palestiniens qui participeront aux Jeux Olympiques sur le sol britannique : les nageurs Sabine Hazboune et Ahmed Jibril, les coureurs Woroud Sawalha et Bahaa al-Fara et le judoka Maher Abu Ramila.

Les cinq sportifs se sont préparés à l’événement à l’extérieur des Territoires, dans des centres sportifs mis en place pour eux par le Comité olympique palestinien, répartis entre l’Espagne, le Qatar et l’Ouzbékistan. Depuis plusieurs années, l’Autorité nationale palestinienne a décidé d’investir dans le sport, convaincue du potentiel énorme que sa présence dans les compétitions mondiales peut jouer dans le domaine politique: le gouvernement de Ramallah est passé d’un budget de 870000 dollars par an il y a dix ans, à 6 millions actuellement. Faire du sport une carte de visite, un ambassadeur de la cause palestinienne dans le monde.

« Les Jeux olympiques nous permettent d’élever le drapeau palestinien – a déclaré Al-Sayed Dawoud Metwali, membre du Comité Olympique -. Nous voulons prouver que nous existons en tant qu’entité indépendante et que nous sommes présent sur la scène internationale. « 

Deux jeunes filles figurent parmi les cinq jeunes athlètes, Sabine et Woroud. Cette dernière courra les 800 mètres avec un voile, « pour montrer – explique-t-elle – que la femme voilée peut faire du sport et encourager d’autres femmes à lutter contre la culture arabe traditionnelle. Ma famille m’a toujours encouragée, surtout mon père. Grâce à son soutien constant, mon rêve de courir aux Jeux olympiques est devenu réalité. »

« La politique est un jeu, exactement comme le sport. » Jibril Rajoub, président de la Fédération de Football et du Comité olympique de Palestine, ne mâche pas ses mots. Installé à son bureau, il nous accueille avec cette maxime qu’il a inventée au moment du passage des services de sécurité au sommet du sport national.

«Le sport est le langage le plus important et le mieux connu du monde – explique Rajoub -. Peu importe si un Etat n’existe pas encore: ce n’est pas à l’équipe olympique et nationale du football de devoir attendre l’Etat, c’est au futur Etat de demander l’aide du sport palestinien. Qui est aussi un appareil diplomatique. En tant que Fédération et Comité olympique, nous fonctionnons sur trois niveaux: premièrement, contribuer à la création d’un Etat de fait, deuxièmement, faire pression sur la communauté internationale pour qu’elle reconnaisse le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et troisièmement, promouvoir la résistance non-violente à l’occupation militaire israélienne. Quoi de plus fort que le sport pour atteindre de tels objectifs? ».

Les exemples concrets montrant l’impact sur tout un peuple de la puissance d’un ballon, d’un filet de volley-ball ou d’un panier de basket ne manquent pas: « Quand un ressortissant étranger se trouve en Palestine pour jouer – continue Jibril Rajoub – c’est comme si les yeux de son pays s’ouvraient sur la réalité de ce nous vivons tous les jours dans les Territoires : les restrictions, le mur de séparation, les checkpoints, l’occupation. En un match de football, vous pouvez sensibiliser un pays tout entier. »

Les difficultés cependant sont nombreuses, principalement celles dues au manque d’infrastructures sportives. Une carence ressentie en particulier dans la bande de Gaza, suite à l’embargo imposé par Israël empêchant toujours l’approvisionnement de nombreux équipements. Selon Jibril Rajoub « chaque club sportif, du plus grand au plus petit, souffre d’un manque d’infrastructures et d’équipements, qui peuvent difficilement entrer en Cisjordanie et à Gaza à cause des stricts contrôles israéliens. Mais beaucoup d’aides arrivent de l’étranger: de nombreuses fédérations sportives et de Comités olympiques à l’étranger qui soutiennent le sport palestinien envoient du matériel, des experts, des entraîneurs ». Des personnes et des moyens qui aident la Palestine à sortir de l’ombre, pour que, dans ce morceau de terre qui longe la mer Méditerranée, l’État puisse se créer au stade.

Faima, une joueuse de Football de onze ans, en est convaincue. Elle est en train de s’entraîner dans son village, Dura: elle se concentre, fait la mise au point et envoie la balle droit au but. « J’aime beaucoup le football – dit-elle avec un sourire timide, répondant à nos questions -. Je fais partie de l’équipe de mon école et de celle de mon village. J’aime étudier et je suis bonne à l’école. Mais en grandissant, je veux devenir une joueuse nationale de la Palestine. »